VIGILE DE LA PENTECÔTE (semi-double).

Station à Saint Jean de Latran
         
Vous serez baptisés dans le Saint-Esprit.
           
1. Premières impressions. — Aujourd’hui est une vigile solennelle et, par suite, un jour de pénitence complet, avec jeûne et abstinence (dans certains diocèses, cependant, cette obligation ne s’impose plus sous peine de péché ; ce n’est plus qu’un simple conseil). La vigile est toujours un jour de préparation. La maison de l’âme doit être nettoyée et parée pour la grande fête. Deux pensées occupent le chrétien qui vit avec l’Église : a) il se rappelle son baptême ; b) il se prépare à la Pentecôte.
         
Nous nous tenons aujourd’hui, en esprit, auprès des fonts baptismaux où nous avons reçu le baptême. Pour le renouvellement de la grâce du baptême, nous lisons l’excellente instruction que saint Augustin adresse, dans le bréviaire de ce jour, aux catéchumènes. Elle est toute pénétrée de l’esprit de l’ancienne Église ; avec le baptême, commence une vie nouvelle. “ Après vous avoir conçus dans son sein par le signe de la Croix, notre sainte Mère l’Église vous enfantera spirituel-lement (par le baptême), vous et vos frères, avec la plus grande joie, vous qui serez les enfants d’une si grande Mère. Jusqu’au jour où le bain sacré de la régénération les aura rendus à la vraie lumière, elle nourrit ceux qu’elle porte d’aliments convenables et, toute joyeuse, conduit ces enfants joyeux jusqu’au jour de l’enfantement. Elle n’est pas, en effet, comme Ève, soumise à la malédiction de mettre au monde ses enfants dans la tristesse et la douleur. Et ses enfants ne naissent pas, comme ceux d’Ève, en pleurant, mais dans la joie... Toutes les cérémonies mystérieuses qui ont été faites sur vous (pendant le catéchuménat) et qui sont encore faites par le ministère des serviteurs de Dieu (prêtres, diacres...), comme les exorcismes, les oraisons, les cantiques spirituels (les psaumes), les insufflations, le cilice, les inclinations de tête, les agenouillements, même la crainte salutaire dont vous avez été saisis, toutes ces choses, comme je l’ai dit, étaient, pour ainsi dire, une nourriture qui devait vous fortifier dans le sein maternel afin que, lorsque vous seriez régénérés par le baptême, votre Mère pût vous présenter au Christ comme de joyeux enfants. Vous avez aussi reçu le symbole[1] qui est la protection de la Mère contre le poison du serpent. Il est écrit dans l’Apocalypse de saint Jean que le dragon se plaça devant la femme qui allait enfanter afin de dévorer son fils quand elle l’aurait mis au monde (XII, 15). Chacun de vous sait que le dragon est le diable. Cette femme signifie la Vierge Marie qui, sans tache elle-même, a enfanté notre Chef sans tache (le Christ). Mais elle est en même temps un symbole de l’Église. En effet, de même que la Vierge Marie, malgré la naissance d’un Fils ; est demeurée vierge, de même l’Église ne perd pas sa virginité tout en enfantant sans cesse de nom-breux enfants... Vous avez promis de renoncer au démon. Dans cette promesse qui a été inscrite, non par les hommes, mais par Dieu et les anges, vous avez déclaré : “ Je renonce ”. Ne renoncez pas seulement en paroles, mais encore par votre conduite ; non seule-ment par le son de la voix, mais encore par les actes de la vie. Ce ne sont pas seulement les lèvres qui doivent remuer, mais les œuvres qui doivent déclarer. Sachez que vous avez entrepris le combat avec un ennemi habile, antique et expérimenté. Après votre renonciation, qu’il ne trouve pas ses œuvres en vous, afin qu’il n’ait pas le droit de vous traîner en esclavage. Car tu es pris sur le fait et découvert, ô chrétien, quand tes actes contredisent tes engagements ”.
           
2. La messe. — Dans l’ancienne Église, la nuit qui précédait la Pentecôte était consacrée à la cérémonie du baptême. On baptisait ceux qui, pour une raison de maladie ou pour quelque autre cause, n’avaient pu recevoir le baptême dans la nuit de Pâques. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, il y a, la veille de la Pentecôte, une bénédiction des fonts baptismaux. L’office est une imitation abrégée de l’office du Samedi-Saint. Les prophéties sont limitées à six. De ces six leçons, trois sont empruntées à Moïse, les autres aux Prophètes. Comme celles du Samedi-Saint, elles veulent montrer, dans des images de l’Ancien Tes-tament, la grandeur de l’état de chrétien.
           
La messe, dont la station est l’Église baptismale de Saint-Jean de Latran, ne comporte pas d’Introït à l’office solennel qui suit la bénédiction des fonts, parce que, en se rendant à l’autel, on a chanté les litanies des saints. Ce n’est qu’à la messe privée qu’on récite l’Introït (Cum sanctificatus), qui est emprunté au mercredi de la quatrième semaine de Carême. Il s’adresse aux nouveaux baptisés et aux nouveaux confirmés : “ Je verserai sur vous de l’eau pure et je vous donnerai un esprit nouveau ”. Au Gloria, en signe d’allégresse, on sonne toutes les cloches. L’oraison est un hymne à la lumière divine : “ Que l’éclat de ta clarté brille au-dessus de nous, afin que la lumière de ta lumière — remplisse les cœurs de l’illumination du Saint-Esprit, (Remarquons tous les termes qui signifient la lumière). Rappelons-nous que cette messe est une cérémonie nocturne de vigile. La leçon rapporte un épisode qui se passa à Éphèse. Saint Paul baptise quelques disciples de saint Jean-Baptiste : “ Après l’imposition des mains, le Saint-Esprit vint sur eux et ils parlèrent en différentes langues et ils furent illuminés par Dieu ”. Ce qui se passa alors se réalise dans les nouveaux baptisés (et en nous) d’une manière mystique. Les manifestations visibles, en effet, ne sont pas le principal. L’Évangile nous donne, cette fois encore, un extrait du discours d’adieu du Seigneur concernant le Saint-Esprit. Que dit le Seigneur au sujet du Saint-Esprit ? “ Le Père vous enverra un autre Paraclet (consolateur, avocat ; le premier consolateur était le Christ), l’Esprit de vérité, afin qu’il demeure avec vous éternellement... Vous le reconnaîtrez car il demeurera avec vous et habitera en vous ”. Le joyeux message, que contient ce passage, est donc celui-ci : Le Saint-Esprit demeurera personnellement et d’une manière durable en nous. Nous vivons en lui, il est notre vie. Ce que l’Église nous promet et nous fait entrevoir dans l’avant-messe, nous le recevons comme fruit du Saint-Sacrifice. C’est pourquoi, à l’Offertoire, nous implorons avec instance la descente du Saint-Esprit dans l’Eucharistie. La Communion fait couler en nous la source vive de l’Esprit. La Postcommunion est la même que le jour de la fête : le Saint-Esprit est la rosée, la pluie fécondante de l’âme.
          
3. Lecture d’Écriture. — Nous lisons aujourd’hui, en entier, l’Épître de saint Jude. Il met en garde contre les hérétiques de son temps et, en se référant au jugement dernier, il exhorte à une vie chrétienne et vertueuse. Il dit des mauvais chrétiens : “ Ils sont un déshonneur dans vos agapes... ; ce sont des nuages sans eau qui sont poussés çà et là par le vent, des arbres d’automne, sans fruits, doublement morts, déracinés ; des vagues furieuses de la mer, jetant l’écume de leurs hontes, des astres errants auxquels d’épaisses ténèbres sont réservées pour l’éternité... Pour vous, bien-aimés, vous édifiant sur le fondement de votre très sainte foi et priant dans le Saint-Esprit, conservez-vous dans l’amour de Dieu en attendant la miséricorde de Notre Seigneur Jésus-Christ pour la vie éternelle ”. (Que de belles pensées dans cette seule phrase !)
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[1] On remettait solennellement le symbole au catéchumène le mercredi de la quatrième semaine de Carême.