VENDREDI DE PAQUES (semid.)

Station à Sainte-Marie des Martyrs
              
Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles.
             
Aujourd’hui, nous participons à la revue que Jésus fit de son armée sur la montagne, en Galilée. Les néophytes se rendent auprès de la Reine des martyrs et, huit jours après le Vendredi Saint, ils voient la Croix dans la gloire pascale.
            
1. L’Office des Heures. — Nous méditons le bel Évangile et surtout les paroles puissantes que le Christ nous adresse à nous aussi : “ Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre... ” Aux matines, saint Jérôme nous explique ces paroles : “ Toute puissance lui a été donnée, à lui qui naguère a été crucifié, qui a reposé mort dans le tombeau, qui, ensuite, est ressuscité. Au ciel et sur la terre, toute puissance lui a été donnée. Lui, qui auparavant régnait au ciel, règne maintenant sur la terre aussi, par la foi, dans le cœur de ceux qu’il a rachetés. C’est pourquoi allez et enseignez tous les peuples, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. D’abord, les Apôtres enseignent les peuples ; puis, ils les baptisent dans les flots de l’eau. Car il n’est pas possible que le corps reçoive le sacrement du baptême avant que l’âme n’ait accueilli la vérité de la foi. Ils sont baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit afin que, de même qu’on enseigne ici une seule divinité, il ne soit conféré qu’une seule et même grâce ; car l’expression Trinité désigne l’unique divinité. “ Enseignez-leur à garder ce que je vous ai commandé ”. C’est une ordonnance tout à fait grave. Il ordonne d’abord aux Apôtres d’enseigner tous les peuples, ensuite de laver ceux qui ont cru dans le sacrement de la foi et, après la foi et le baptême, de leur prescrire ce qu’ils doivent observer. Pour que nous ne nous imaginions pas que ce qui est prescrit est léger et de peu d’importance, le Sauveur ajoute : “ tout ce que je vous ai commandé ”, ce qui veut dire que quiconque croit et est baptisé au nom de la Trinité doit aussi observer les commandements. “ Et voici que je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles ”. Comme le Christ promet à ses disciples d’être avec eux jusqu’à la consommation des siècles, il indique à la fois que les siens seront toujours vainqueurs et que lui-même n’abandonnera jamais ses fidèles ”.
           
Toute la journée d’aujourd’hui appartient à l’apparition du Ressuscité sur la montagne. Nous y assistons. Les deux antiennes directrices, à chaque limite du jour, encadrent nos méditations : “ Les onze disciples virent le Seigneur en Galilée et l’adorèrent, Alleluia ” (Ant. Bened.). “ Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre, Alleluia ” (Ant. Magn.).
           
2. La messe (Eduxit). — Dans le choix des stations pour les messes pascales, la liturgie montre une grande délicatesse. Aujourd’hui, l’office se fait à Sainte-Marie des Martyrs (cette église est le berceau de la fête de tous les saints ; l’Orient la célébrait aujourd’hui). C’est aujourd’hui vendredi et, involontairement, notre pensée se reporte au Vendredi Saint, au vendredi des douleurs. Il y a quinze jours, l’Église chantait le “ Stabat mater ” ; il y a huit jours, elle chantait : “ Je suis un ver et non un homme ”. Aujourd’hui, elle jette encore une fois un regard en arrière, vers le crucifié et la Mère des Douleurs, mais cette fois elle les voit dans la gloire pascale de la Résurrection. Nous nous rappelons les Sept douleurs de Marie que nous avons célébrées il y a quinze jours. Marie est dans la gloire pascale, portant la palme du martyre, entourée de la “ blanche armée des martyrs ”. Entre ces deux dates, se trouve le grand vendredi. Or, quelle leçon reçoivent les néophytes, vêtus de, blanc, quand ils se rendent auprès de la Reine des martyrs et de la blanche phalange des témoins du Christ ? La vie chrétienne est une vie de combat, une vie de souffrance. Ils doivent être prêts à porter la palme du martyre. Même après Pâques, il y aura bien des combats. Il. y a encore une autre leçon. En ce vendredi, la Croix sanglante est devenue la “ Crux gemmata ”, la Croix gemmée, glorifiée. Apprenons à regarder les croix de la vie à la lumière du soleil de Pâques. Groupons-nous autour de l’“ armée brillante des martyrs ”, qui est conduite par Marie.
            
Si nous examinons les prières de la messe, nous y remarquons un va-et-vient entre ces deux pôles : Résurrection-Baptême, d’une part, et Croix-péché, d’autre part.
            
a) Le péché On se demande ce que vient faire le péché dans ce temps céleste. C’est une nouveauté. Jusqu’ici, pendant la semaine de Pâques, nous n’avons pas entendu le mot péché. Aujourd’hui, les trois oraisons en parlent. N’oublions pas que nous sommes des pécheurs : ce n’est que par un dur combat contre le péché que nous pouvons être des vainqueurs de Pâques. Même après Pâques, le Saint-Sacrifice est un sacrifice d’expiation pour le péché.
        
b) La Croix. Nous ne pouvons pas en vouloir à l’Église de nous mettre aujourd’hui la Croix devant les yeux. Dans l’Epître, saint Pierre décrit la Croix sous les couleurs les plus vives : “ Le Christ est mort une fois pour nos péchés... pour nous offrir à Dieu... Selon la chair, il a été mis à mort ”. Comme ces paroles font revivre le souvenir du Vendredi Saint ! A l’Alleluia, l’Église chante : “ Dites aux nations : Dieu règne par la Croix ”. Au Canon, nous dresserons la Croix et nous songerons particulièrement à la “ beata Passio ”, à la Passion bienheureuse. Quelle pensée émouvante : la Croix dans la gloire pascale !
       
c) Le second pôle est constitué par ces deux paroles, Résurrection et Baptême. L’Église s’adresse encore, aujourd’hui, d’une manière particulière, aux néophytes vêtus de leur blanche robe baptismale. Dès l’Introït, elle nous présente l’image de la sortie de l’Égypte. Nous sommes sortis de la servitude de l’Égypte en traversant la mer de grâce du baptême. L’ennemi est vaincu. Il est vrai que commence maintenant la traversée du désert avant l’entrée dans la terre promise. Le baptême est aussi la délivrance des flots du déluge dans l’arche de l’Église (Epître). Le baptême est le rayonnement de la gloire pascale du Christ dans notre âme (Grad.). L’Évangile nous dit : Nous sommes baptisés au nom de la Sainte Trinité ; nous lui appartenons. Si nous pouvions comprendre ce que cela signifie : être baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ! Nous sommes comme enveloppés par la Sainte Trinité. Le jour de notre baptême doit être notre plus grande fête (Off.). Comme l’Église nous parle aujourd’hui de notre baptême ! Comprenons de mieux en mieux notre noblesse chrétienne.

d) La Résurrection du Christ. L’Évangile est court, mais riche de contenu. Le Christ apparaît aux onze sur la montagne en Galilée. Il passe la revue de ses fidèles. Et quelles puissantes paroles : “ Toute puissance m’a été donnée !... ” Puis, c’est l’ordre de baptiser, l’ordre de mission et la dernière parole : “ Je suis avec vous, tous les jours jusqu’à la consommation des siècles Il. Cette parole retentit à travers tous les temps. Le Christ est avec nous dans l’Église. Aujourd’hui, au Saint-Sacrifice, il se tient encore devant nous sur la sainte montagne, il nous adresse les paroles qu’il adressait jadis aux Apôtres. Ta puissance, ô Maître, tu l’as transmise à ton Église ; tu nous as envoyé des apôtres, pour nous instruire et nous baptiser, et tu veux rester près de nous tous les jours... Que de grandes pensées l’Église nous propose aujourd’hui !