VENDREDI DANS L’OCTAVE

Sois notre chemin sur la montée du ciel.
     
La fête de l’Ascension ayant une Octave de troisième ordre (un peu comme Noël), cette Octave doit céder la place à toute fête double. On doit alors prendre la messe et l’office de cette fête. Cela est d’autant plus regrettable que l’office de l’Octave est très beau. Il est peu de fêtes qui contiennent d’aussi belles lectures des Pères. Les lecteurs qui ne sont pas tenus à l’Ordo peuvent, pendant toute l’Octave, réciter l’office de l’Ascension.
     
1. Une fête de Roi. — Autrefois, on considérait aujourd’hui le Seigneur comme un vainqueur, un triomphateur qui, chargé de butin, “ monte vers les hauteurs et emmène les prisonniers ” (Ps. 67) ; nous le considérions comme le Fils, qui rentre dans la maison paternelle après avoir rempli la mission que lui a confiée son Père. Mais, depuis que le Pape Pie XI à établi la fête du Christ-Roi, nous aimons, à l’exemple de l’ancienne Église, voir dans le Christ le Roi assis sur son trône dans tout l’éclat de sa majesté. Nous avons, au cours de l’année, une foule de fêtes royales à célébrer, nous en célébrons une, aujourd’hui, qui est particulièrement belle. La fête de l’Ascension est la fête de l’accession au trône, la fête du couronnement du Roi Jésus-Christ.
      
Le Seigneur était Roi aussi dans les jours de sa vie terrestre ; il était Roi quand il était couché dans la Crèche (Rex pacificus) ; il était Roi à Nazareth (Rex absconditus) ; il était Roi dans sa Passion : dans son plus profond abaissement, il dit devant Pilate : “ Je suis Roi ”. Suspendu à la Croix, il régnait par le bois (Regnavit a ligno Deus) : la Croix était son trône, sa couronne était la couronne d’épines, et il portait un sceptre de roseau. Mais cette royauté était encore une royauté cachée. Aujourd’hui commence sa royauté dans la puissance et la majesté.
      
a) Accompagnons en esprit le Seigneur au moment de son entrée royale. Quelle ne fut pas sa réception ! Si, sur la terre, on organise des triomphes pour les grands hommes, quels honneurs ne réservèrent pas à leur Roi les phalanges célestes ! Représentons-nous, aux portes du ciel, cette scène que décrit saint Grégoire de Nysse, le mercredi dans l’Octave. Quand les gardiens des portes de la citadelle céleste apprennent que celui qui fait son entrée est “ le Seigneur des armées et le Roi de gloire ”, ils ouvrent joyeusement les “ portes éternelles ”. Et le Père reçoit avec empress ment son Fils et le conduit sur le trône de gloire. — Aujourd’hui, l’Église triomphante célèbre, elle aussi, dans le ciel, l’accession au trône de son Roi : “ la brillante troupe des anges s’envole vers lui, le glorieux Sénat des Apôtres va à sa rencontre, la blanche troupe des confesseurs l’entoure, le chœur des vierges le salue avec des cantiques d’allégresse” (Recommandation de l’âme). Nous aussi, pauvres pèlerins terrestres, joignons-nous humblement à la troupe des saints et, avec eux, rendons hommage au Roi.
       
b) Considérons maintenant le Père céleste recevant son Fils, le conduisant sur le trône de gloire et lui disant les mémorables paroles : “ Assieds-toi à ma droite jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds” (Ps. 109). Désormais, le Christ règne comme Roi sur le ciel et la terre. Le Père lui a tout remis et il exercera sa souveraineté jusqu’à la fin du monde. Quand le dernier racheté aura été incorporé à son corps mystique, quand tous ses ennemis seront devenus l’escabeau de ses pieds, c’est-à-dire après le jugement dernier, il remettra sa souveraineté à son Père afin q,ue Dieu soit tout en tous” (1 Cor. XV, 28).
      
c) Considérons encore le manteau royal du Seigneur et sa couronne. Son manteau royal, c’est sa sainte humanité. C’est ce qui fait que les gardiens des portes ne le reconnaissaient pas, “ c’est qu’il avait revêtu, l’humble vêtement de notre nature et que son vêtement, dans le pressoir de la Passion humaine, avait été maculé de sang ” (Saint Grégoire de Nysse dans l’homélit ci-dessus). Le Christ Homme est assis sur le trône de gloire. C’est cela qui jetait les Pères dans un profond étonnement. Notre nature a été élevée, par l’accession du Christ au trône, à la plus haute dignité. “ L’Ascension du Christ, c’est notre élévation ”, dit le pape saint Léon. Nous pouvons dire avec joie que l’un des nôtres est assis sur le trône de Dieu. Et quelle est sa couronne ? Au psaume 20, nous chantons aujourd’hui : “ Tu as mis sur sa tête une couronne de pierres précieuses ”. Que signifie cette couronne ? Si saint Paul a pu dire de son Église de prédilection : Vous êtes ma couronne, nous pouvons dire, de même, que la couronne du Christ, c’est le chœur de ses saints. Cette couronne porte des pierres précieuses : les rubis des martyrs, les perles des vierges, les améthystes des confesseurs. Nous aussi, faibles enfants de Dieu, nous voulons être une petite pierre de la couronne de notre Roi.
      
2. La prière des Heures. — Au bréviaire, ce sont encore deux papes qui nous adressent la parole dans la fête liturgique de l’Ascension. Saint Léon 1er exprime encore sa pensée de prédilection : par l’Ascension du Christ notre nature humaine est élevée. “ De même que, dans la solennité pascale, la Résurrection du Seigneur fut pour nous une cause de joie, de même son Ascension dans les cieux est pour nous, aujourd’hui, l’occasion d’une grande allégresse, car nous célébrons et vénérons le jour où, dans le Christ, notre pauvre nature humaine a été élevée au-dessus de tous les ordres des anges, au-dessus de la sublimité de toutes les puissances, célestes, jusqu’au trône de Dieu le Père ”. Il expose ensuite, d’une manière lumineuse, les raisons pour lesquelles le Christ devait quitter la terre. “ La force des grandes âmes, la lumière des Ames fidèles se montre en ce qu’elles croient sans hésiter ce qu’elles ne voient pas de leurs yeux corporels, et fixent leur désir là où leur regard ne peut pénétrer. Mais comment ce pieux sentiment naîtrait-il dans notre cœur, ou bien comment pourrait-on être justifié par la foi si notre salut n’avait son fondement que dans ce qui s’offre aux regards extérieurs ? C’est pourquoi le Christ dit à cet homme qui aurait,’semble-t-il, douté de sa Résurrection s’il n’avait pas constaté les blessures de son corps par la vue et le toucher : “ Parce que tu m’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru cependant ”.
          
D’un tout autre genre est l’homélie de saint Grégoire qui fut prononcée, environ 150 ans plus tard, dans la même église de Saint-Pierre. Nous avons, ici, le seul cas où une homélie est répartie entre les jours de l’Octave et lue tout entière au bréviaire. Le saint pape s’étend sur la parole du Seigneur dans son discours d’adieu : “ Celui qui croit et sera baptisé, celui-là sera sauvé ; celui qui ne croit pas sera condamné ”. Quelqu’un pourrait penser : je crois, je serai sauvé. Cela n’est vrai que lorsque les œuvres sont conformes à la foi. Car la vraie foi est celle qui, quand elle confesse quelque chose en parole, ne le nie pas dans les œuvres. C’est pourquoi saint Paul dit de certains qui ont une foi fausse : “ Ils prétendent connaître Dieu, mais en réalité ils le nient (Tit., l, 16). C’est pourquoi aussi saint Jean dit : “ Celui qui dit qu’il connaît Dieu et n’observe pas ses commandements, celui-là est un menteur” (1 Jean, II, 22).
          
3. Lecture d’Ecriture (II Pierre, chap. 1). — La seconde Epître de saint Pierre est une lettre pastorale et, en même temps, la lettre d’adieu du premier vicaire du Christ. L’Épître prépare au retour du Christ et au jugement. Saint Pierre, en considération des fins dernières, exhorte à la vie chrétienne : u Mes frères, prenez garde d’assurer votre vocation et votre élection par des bonnes œuvres. En agissant ainsi, vous ne ferez jamais de faux pas et, ainsi, vous sera largement ouverte l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ... Aussi longtemps que je suis dans cette tente, je crois de mon devoir de vous tenir en éveil par mes avertissements. Je sais, en effet, que ma tente sera bientôt renversée, ainsi que Notre-Seigneur Jésus-Christ me l’a fait connaître ”.