SIXIEME DIMANCHE APRÈS PÂQUES

Vers ton visage je soupire.
          
1. Premières impressions. — Le jour de l’Ascension, nous nous sommes réjouis du triomphe du Christ et de l’élévation de notre nature. Notre vœu ardent était de demeurer au ciel. Il n’y avait pas trace de tristesse, de mélancolie, au sujet du départ du Maître aimé. Aujourd’hui, par contre, l’Église s’est attendrie. Aujourd’hui, son cœur est rempli d’aspirations ardentes vers le Seigneur ; elle éprouve presque la douleur de la séparation. Nous comprendrons l’esprit de ce dimanche, si nous essayons de nous pénétrer des sentiments de la petite communauté chrétienne après le départ du Seigneur et avant la descente du Saint-Esprit. 1) Elle a d’ardentes aspirations vers le Christ (Intr. Comm.) ; elle lève les yeux vers le Roi céleste (Grad.). 2) Elle attend le Saint-Esprit (Evang.) et l’appelle par de longues prières (Intr.). 3) Elle regarde vers l’avenir et se remplit de l’esprit des martyrs et des confesseurs (Ep. Evang.).
             
2. La messe (Exaudi Domine). — La messe est caractérisée par une profonde sentimentalité et une grande ferveur. On pourrait presque dire que la liturgie se départ, aujourd’hui, de son style classique et dépouillé. Pendant ces derniers dimanches, elle était remplie d’allégresse et c’est à peine si on remarquait une trace de chagrin causé par la séparation ; aujourd’hui, elle devient tendre et lyrique ; toute la messe est dominée par une chaude sensibilité (je comparerais volontiers cette messe avec celle du dimanche dans l’Octave de Noël). A l’Introït, nous voyons immédiatement la grande différence. Pas d’allégresse, pas de louange, mais une ardente prière : voir le visage du Seigneur ; c’est le désir de la parousie des premiers chrétiens qu’illumine pendant l’Alleluia. Au jour de l’Ascension, les anges avaient dit aux disciples dont les regards restaient fixés au ciel : “ Il reviendra tel que vous l’avez vu monter au ciel ”. Aujourd’hui, nous disons déjà avec les Apôtres : “ Maranatha. — Viens, Seigneur Jésus ! ”. (Le psaume dans son ensemble renforce cette impression). Le. Kyrie nous semble aujourd’hui le vrai chant de l’exil : nous l’avions presque oublié pendant le temps pascal. Au Gloria, nous levons les yeux, avec toute l’impatience de nos désirs, vers le Seigneur “ qui est assis à la droite du Père ”. A l’oraison, nous revenons sur la terre, nous demandons une véritable vie chrétienne, “ présenter à Dieu une volonté dévouée et servir la divine majesté avec un cœur sincère ”. Il y a dans ces paroles une profondeur saisissante ; (on y trouve également l’essence de toute piété). Alors Pierre se lève, comme premier représentant du Seigneur, et adresse à la communauté primitive (nous sommes dans ses rangs) une prédication (Ep.) : Grandissez dans la sainte communauté de l’Église, exercez la prière en commun ainsi que la charité qui pardonne et qui sert. Les charismes et les ministères servent à l’édification du corps mystique. L’action du Saint-Esprit consiste à animer et à développer le corps mystique du Seigneur. Le chant de l’Alleluia est pénétré d’émotion. Nous jetons un regard d’ardent désir vera le ciel et nous voyons le Seigneur assis à la droite du Père. De là, il se penche doucement vers les siens et il nous console : “ Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai vers vous et votre cœur se réjouira ”. Cette promesse se réalisera au moment de son retour ; mais déjà, tant dans l’Évangile que dans l’Eucharistie, nous avons l’avant-goût de sa venue. L’Évangile nous prépare à la descente du Saint-Esprit qui nous inspirera l’esprit des martyrs et des confesseurs. On le voit, l’Église tourne nos regards vers la vie terrestre. Il nous semble entendre la voix des anges : “ Pourquoi restez-vous là à regarder ? ” allez à votre travail. A l’Offrande, qui nous conduit à la montagne mystique de l’autel, se renouvelle pour nous la vision de l’Ascension. Au Saint-Sacrifice, l’avant-messe doit se réaliser ; nous recevons l’Esprit d’amour qui fera de nous"des martyrs et des confesseurs, nous recevons toutes les grâces d’état qui nous permettront d’édifier le corps mystique. A la Communion, nous entendons le Seigneur prier pour nous au ciel : “ Père, tant que j’étais parmi eux, je les ai gardés... je te prie, garde-les du Mauvais ”. On peut résumer la messe ainsi : Au milieu des misères de cette vie, nous regardons vers le Roi exalté. 
          
3. La prière des Heures. — Elle est de l’Ascension. Aujourd’hui deux hommes nous parlent, qui ont entre eux beaucoup de traits communs : l’évangéliste et Apôtre saint Jean, l’évêque et docteur de l’Eglise saint Augustin. 
          
a) Saint Jean. Cette semaine, nous lisons les trois Épîtres de saint Jean et l’apôtre de saint Jude. La première épître de saint Jean, que nous commençons aujourd’hui (l, 1-2, 6), contient, à côté d’un certain nombre de difficultés, beaucoup de belles pensées qui sont de véritables perles. A travers toute l’épître, circule comme un fil d’or, la pensée préférée de l’Apôtre bien-aimé : l’amour du prochain, ; Cette Épître est peut-être une lettre d’envoi de l’évangile de saint Jean. En tout cas, on y trouve les mêmes pensées : la lumière et les ténèbres, la vérité et le mensonge, la vie et la mort, l’esprit et la chair, Dieu et le monde, la foi et l’incroyance. Ces idées se balancent dans un rythme toujours nouveau. Rien n’est plus saisissant que ces paroles du témoin oculaire : “ Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nos mains ont touché, du “ Verbe de vie ”, nous vous l’annonçons. Car la “ Vie” s’est manifestée, et nous vous annonçons, comme témoin oculaire, la Vie éternelle qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée. Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons afin que vous soyez en communion avec nous. Notre communion est avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ ”. 
      
b) Saint Augustin nous donne la conséquence pratique de l’Ascension, le Sursum corda : CI Notre Sauveur, mes très chers frères, est monté au ciel ; ne vous laissez pas troubler pour cela sur la terre. Que là-haut soit notre cœur, et nous trouverons ici le repos. En attendant, montons au ciel en esprit avec le Christ ; quand le jour de sa promesse sera arrivé, nous pourrons le suivre aussi avec notre corps. N’oublions pas cependant, mes frères, que ne monteront avec le Christ ni l’orgueil, ni l’avarice, ni la luxure ; aucune de nos maladies spirituelles ne montera avec notre médecin. Si, donc, nous désirons monter avec notre médecin, nous devons déposer nos vices et nos péchés. Car tous ces ennemis nous attachent et nous retiennent à terre ”.