MERCREDI DE PAQUES (semid.)

Station à Saint-Laurent devant les Murs
     
La vie chrétienne est une vie du ciel.
     
Aujourd’hui est déjà un jour de semaine ordinaire — semi-double. Nous formerons un cercle plus étroit pour accompagner les sept Apôtres, voir avec eux le Seigneur et participer au repas mystérieux. Quant aux néophytes, ils se présentent aujourd’hui à leur patron, le généreux combattant, le héros saint Laurent. Le saint les a accompagnés et encouragés dans leur combat. A la Septuagésime, nous sommes entrés avec lui dans l’arène ; au point culminant du combat du Carême, nous nous sommes réfugiés auprès de lui. Nous nous présentons aujourd’hui à lui comme les vainqueurs de Pâques afin de pouvoir porter notre palme victorieuse à travers toute notre vie. Comment saint Laurent a-t-il célébré Pâques ? Son vrai jour de Pâques fut le jour de son martyre quand, sur son gril ardent, il vit le Seigneur.
      
1. L’Office des Heures. — Nous méditons la charmante apparition du Ressuscité. Prenons l’Évangile en main. Nous voyons comment les Apôtres travaillent toute la nuit en vain ; ils n’ont rien pris. Vers le matin, ils rentrent tout tristes ; le Seigneur est debout sur la rive. Qui le reconnaît le premier ? Jean, son bien-aimé. Quelle impétuosité chez Pierre ! Puis, le mystérieux repas. Les Apôtres ne sont plus aussi familiers avec le Seigneur. Il en est de même pour nous dans la liturgie. Le Christ de la liturgie est sans doute le même que le Christ des évangiles, mais il ne nous apparaît pas sous le même aspect. Dans les évangiles, se manifeste surtout son aspect humain, il est tout proche de nous, nous marchons sur ses pas. La liturgie voit le Christ dans les splendeurs de l’éternité, le Christ glorifié assis à la droite du Père. Continuons la lecture de la péricope : la triple question du Seigneur à Pierre : M’aimes-tu ? et la collation du ministère de pasteur suprême.
      
Aux matines, saint Grégoire explique notre Évangile d’une manière allégorique. “ On peut se demander pourquoi le Seigneur, après sa Résurrection, alors que ses disciples peinaient sur la mer, se tint sur le rivage. Pourtant, avant sa Résurrection, il avait, aux yeux de ses disciples, marché sur les flots de la mer. Cette question, elle aussi, sera rapidement résolue si nous considérons le motif interne. Que signifie la mer, si ce n’est le temps présent qui se passe dans les tempêtes des discussions et dans les fluctuations de la vie périssable ? Et la terre ferme de la rive, n’est-elle pas le symbole de la demeure de l’éternel repos ? Parce que les disciples naviguaient encore au milieu des vagues de cette vie mortelle, ils se fatiguaient sur la mer. Mais parce que notre Rédempteur s’était déjà élevé. au-dessus de la corruptibilité de la chair, il se tenait, après sa Résurrection, sur le rivage. ”
     
Les antiennes directrices nous font vivre encore l’apparition du Sauveur : “ Jetez votre filet à droite du bateau et vous prendrez quelque chose. Alleluia ” (Ant. Ben.). “ Jésus dit à ses disciples : “ Apportez du poisson que vous avez pris. Pierre monta dans la barque et traîna à terre le filet qui était plein de gros poissons, Alleluia ” (An :. Magn.).
     
2. La messe (Venite). — L’église de station est, aujourd’hui, la célèbre basilique de Saint-Laurent devant les Murs. A la porte du sanctuaire, se tient le Sauveur lui-même et, quand nous entrons, il nous semble que nous entrons dans le ciel après avoir entendu l’aimable invitation du Seigneur : “ Venez, les bénis de mon Père, recevez le royaume... ” (Cette parole s’adresse d’abord aux néophytes ; le royaume, c’est l’Église qui est le vestibule du ciel). La réponse des néophytes à cette invitation est le psaume 95 : “ Chantez au Seigneur un cantique nouveau ”. Ce cantique nouveau est le chant pascal. Le psaume convient très bien dans la bouche des néophytes. Mais remarquons aussi que ce cantique est intimement uni à la pensée de saint Laurent (nous le chantons assez souvent à sa fête). L’Introït nous indique donc notre but, le ciel, réalisé par avance dans l’Église. L’Oraison nous montre le moyen d’y parvenir. Les fêtes de l’Église sont des étapes sur le chemin ; nous devons, en traversant les fêtes temporelles, parvenir aux joies éternelles. Dans la leçon, c’est saint Pierre, le premier pape (saint Laurent n’était-il pas diacre d’un Pontife romain ?), qui est le prédicateur de la Résurrection. C’est avec intention que la leçon commence ainsi : “ Pierre ouvrit sa bouche et parla ”. (Dans le mystère dramatique de la liturgie, on aime faire parler le saint de station à l’Épître). Pierre adresse aux Juifs de graves paroles : “ C’est l’auteur de la vie que vous avez tué ; mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. Nous en sommes témoins ”. (Nos testes sumus — en grec : martyres — Saint Laurent peut faire siennes ces paroles). A l’Évangile, le Ressuscité se tient au milieu de nous pour la “ troisième fois ” (lundi, mardi, mercredi ; le dimanche, on ne raconte pas d’apparition). Il y a comme un nuage d’encens au-dessus de cette scène. Elle contient aussi un beau symbolisme. Nous aussi, nous naviguons sur la mer du monde, dans la lumière incertaine de la vie. Sur le rivage de l’éternité se tient Jésus qui nous appelle. Sommes-nous Jean, ou Pierre, ou les autres Apôtres ? Les âmes virginales, comme saint Jean, reconnaissent le Seigneur (bienheureux les cœurs purs car ils verront Dieu) ; les âmes ardentes, comme Pierre, s’élancent à travers les flots de la souffrance et du martyre vers le Christ (saint Laurent) ; d’autres, s’adonnant au rude labeur de la pêche, naviguent lentement, mais sûrement, vers la rive : c’est là qu’est servi le mystérieux repas — l’Eucharistie (le poisson et le pain). “ Lorsqu’ils furent descendus, ils virent un feu de charbons, du poisson sur ce feu et du pain ”. Il y a là une image du martyre de notre saint de station sur le gril ardent. — Au Saint Sacrifice, le Christ est aussi au milieu de nous et nous présente le poisson et le pain de l’Eucharistie. A l’Offertoire, on nous explique ce qu’est le pain cuit sous la cendre de l’Évangile : “ Il leur a donné le pain du ciel, l’homme a mangé le pain des anges ”. De ce pain, “ l’Église est merveilleusement repue et nourrie” (Secrète). Le fruit du sacrifice, c’est que nous soyons transformés en une nouvelle créature. — Toute la messe est traversée par une pensée bien chère que nous pouvons résumer ainsi : la vie chrétienne est une vie céleste (Intr., Évang., Off.).