MARDI DE LA PENTECÔTE (double de Ire classe).

Station à Sainte Anastasie
        
La glorification de la Pentecôte. 
         
1. La messe (Accipite). — Le troisième jour de la Pentecôte ! L’Église est entièrement sous l’impression de la joie “ débordante ” de la Pentecôte. Ce n’est que grâce à la descente du Saint-Esprit que sa “ gloire ” est complète (Intr.) ; ses enfants reçoivent non seulement la “ vie ”, mais encore la “ vie en abondance ” (Evang.). Mais, dans la gloire de l’Église et de ses enfants, s’achève aussi la gloire du Christ. C’est là une œuvre du Saint-Esprit (Comm.). Remarquons aussi que l’église de station est celle de Sainte-Anastasie (l’église de la Résurrection). Aussi pourrions-nous, peut-être, exprimer l’idée fondamentale de la messe d’aujourd’hui dans les trois passages suivants : “ Recevez le bonheur de votre joie, Alleluia, et remerciez Dieu, Alleluia, qui vous a appelés au royaume céleste, Alleluia, Alleluia, Alleluia ” (Intr.). “ Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance Il (Evang.). “ L’Esprit qui procède du Père, Alleluia ; il me glorifiera, Alleluia, Alleluia ”,(Comm.). Ces trois passages dessinent la courbe de toute la messe. La leçon nous donne une image historique qui nous montre comment le Saint-Esprit achève son œuvre. Pierre et Jean administrent la Confirmation aux chrétiens déjà baptisés de Samarie “ Ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors, ils leur imposèrent les mains et ceux-ci reçurent le Saint-Esprit ”. Cet événement justifie notre pratique de la Confirmation et notre foi dans ce sacrement. L’évêque administre la Confirmation ; elle signifie et confère la perfection du christianisme. Nous nous demandons comment le Saint-Esprit accomplit cet achèvement et, par là même, la glorification. La réponse nous est donnée par l’oraison : “ Que la force du Saint-Esprit nous assiste, qu’elle purifie doucement nos cœurs et nous protège de tout mal ”. La purification et la protection sont l’œuvre du Saint-Esprit. Par la purification et la protection, il mène son Église à la gloire. Il utilise pour cela deux moyens : la Pénitence et l’Eucharistie. La messe d’aujourd’hui parle de ces deux moyens : “ Le Seigneur a ouvert les portes du ciel et fait pleuvoir de la manne pour les nourrir ; il leur donna le pain du ciel et l’homme mangea le pain des anges, Alleluia” (Off.). “ Que le Saint-Esprit renouvelle nos cœurs, car il est lui-même la rémission de tous les péchés” (Postcomm.). 
         
Dans cette messe aussi apparaît la parabole du Bon Pasteur. Comment cela ? Nous avons, au cours de l’année liturgique, un certain nombre de messes du “ Bon Pasteur ” : au commencement du Carême (le premier lundi), à Pâques (le second dimanche après Pâques) et au début du temps qui suit la Pentecôte (troisième dimanche après la Pentecôte). L’image du Bon Pasteur étant une des plus courantes dans l’Église ancienne, on comprend que la liturgie y revienne sans cesse. Mais nous pouvons remarquer qu’elle -aime placer ces messes du Bon Pasteur au début d’une époque nouvelle. La liturgie veut, sans doute, nous montrer qu’à travers toutes les époques de l’année liturgique le Seigneur est le Bon Pasteur qui nous conduit. Que nous dit aujourd’hui l’image du Bon Pasteur ? Le Seigneur n’est-il pas Bon Pasteur dans l’envoi du Saint-Esprit ? “ Je suis la porte des brebis. Celui qui entre par moi sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera des pâturages ”. Serait-ce une représentation trop osée d’appeler aussi le Saint-Esprit, l’Esprit de Jésus, le Bon Pasteur de l’Église ? Ne nous a-t-il pas été donné, par le Seigneur remonté au ciel, comme un guide, un consolateur, un avocat ? Quand le Seigneur prononce cette importante conclusion de l’Évangile : “ Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance ”, il résume brièvement l’action de ce Bon Pasteur. 
              
2. Antiennes directrices du jour. — Quand le soleil se lève dans son éclat, l’Église chante : “ Je suis la porte, dit le Seigneur ; celui qui entre par moi sera sauvé et trouvera des pâturages, Alleluia” (Ant. Bened.). Au coucher du soleil, nous devons nous laisser pénétrer par le don précieux du Saint-Esprit, la paix ; c’est pourquoi l’Église chante : “ Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas comme le monde la donne que je vous la donne, Alleluia ” (Ant. Magn.). 
           
3. La séquence de la Pentecôte. — Nous avons étudié, hier, un texte vénérable de l’Église, la sublime prière au Saint-Esprit, le Veni Sancte Spiritus. — Viens, Saint-Esprit. Cette prière a été récitée pendant des siècles ; elle est passée par des milliers et des milliers de bouches ; c’est comme un encensoir d’où s’est élevé l’encens de l’ardente supplication vers le Saint-Esprit. Il ne faut pas s’étonner qu’à cette fervente et profonde prière se soient rattachés des commentaires et des méditations. C’est une de ces méditations que nous trouvons dans la séquence de la Pentecôte, une méditation séculaire. C’est en même temps un modèle pour nous, car elle nous montre comment l’Église médite. Disons d’abord quelques mots sur les chants intermédiaires de la messe. C’est un antique principe de la liturgie de ne pas passer directement d’une lecture à l’autre. On intercale un chant, un chant psalmodique. Ce chant a comme but de nous faire méditer quelque temps sur ce qu’on vient de lire ; c’est comme un écho de la lecture qui retentit dans l’âme. Il y a donc, depuis les temps les plus anciens, un chant intercalé entre l’Épître et l’Évangile. Mais, à y regarder de plus près, il n’y a pas seulement un chant, il y en a souvent deux et, même, jusqu’à trois. Le premier est d’ordinaire le graduel qui est un écho de l’Épître ; le second est le chant de l’Alleluia qui est le prélude ou l’introduction de l’Évangile. Il y a encore un chant qui s’appelle le Trait et un autre, enfin, qui est la séquence. Ces chants varient selon le temps liturgique. Le graduel a un caractère sévère et, pour cette raison, disparaît pendant le temps pascal ; l’Alleluia est un chant de joie, c’est pourquoi on le supprime pendant le Carême. Analysons maintenant le chant de l’Alleluia. Il est composé de deux Alleluia, d’un verset et, encore, d’un Alleluia ; pendant le temps pascal, on ajoute un verset et on conclut par l’Alleluia. Ce chant est l’annonce joyeuse de l’arrivée du Seigneur dans l’Évangile. Dans l’antiquité, les chrétiens avaient un grand amour pour ce chant. L’Alleluia n’en finissait plus ; on faisait de longs neumes sur la syllabe “ a ”. Cette prolongation du chant s’appelait sequentia, c’est-à-dire continuation. Plus tard, on remplaça cet “ a ” interminable par un texte rythmé qu’on appela également séquence, c’est-à-dire continuation de l’Alleluia. Cette innovation plut tellement au Moyen Age croyant, que presque chaque messe reçut sa séquence. Il nous est parvenu une centaine de ces séquences. Cependant, quand le missel de Pie V fut prescrit pour l’Église entière, ces séquences tombèrent ; on ne garda que cinq des plus belles. De ce nombre est la séquence de la Pentecôte. Si l’on demande quel est le contenu de cette séquence, nous répondrons que c’est une considération, une méditation du verset encadré par l’Alleluia, du Veni Sancte Spiritus. Examinons de plus près cette séquence. 
          
C’est une hymne admirable que nous offre L’Église dans cette séquence. Nous n’en connaissons pas j’auteur, mais nous pouvons affirmer que c’est une des plus sublimes"poésies du Moyen Age. Voyons d’abord la composition de cette poésie. Ce n’est pas autre chose que la paraphrase de ces mots : Viens, Saint-Esprit ; remplis le cœur de tes fidèles. La première strophe développe le mot “ Viens ”. La troisième strophe commence par le mot : “ remplis ” ; la quatrième nous montre ce que le Saint-Esprit doit faire dans les “ cœurs ”. La cinquième et dernière commence par “ fidèles ”. C’est donc bien une méditation de la prière de la Pentecôte. Nous pouvons observer une autre harmonie dans la construction des strophes. La première répète quatre fois “ Veni ” (viens) ; la cinquième répète quatre fois “ da” (donne). La seconde contient six caractéristiques du Saint-Esprit ; la quatrième adresse six demandes au Saint-Esprit. La troisième, c’est-à-dire la strophe du milieu, est le lien entre les vers précédents et les vers suivants et en résume brièvement le contenu. Toute la séquence est une ardente supplication dont les prières sont si ferventes et si instantes qu’on y ressent aussitôt le souffle céleste du Saint-Esprit. 
             
Cela nous conduirait trop loin d’expliquer dans le détail toute la séquence. Cela, d’ailleurs, n’est pas nécessaire. Cette prière est si simple et si intelligible qu’elle peut être récitée par tous les fidèles. a) Les premiers mots de la séquence sont exactement ceux de la prière de la Pentecôte : Veni, Sancte Spiritus — Viens, Saint-Esprit. Mais on dit immédiatement ce que le Saint-Esprit fera par sa venue : “ Envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière”. L’âme, dans sa méditation, revient au point de départ : Viens, Saint-Esprit ; trois fois, elle répète : viens ; trois fois, elle s’adresse au Saint-Esprit, mais, chaque fois, avec une désignation nouvelle. Comme ils sont beaux ces titres ! Père des pauvres, distributeur des dons, lumière des cœurs ! b) Il y a déjà là, une transition avec la seconde strophe qui veut méditer le mot : Saint-Esprit. Le Saint-Esprit a été appelé par le Seigneur : Paraclet, ce que nous pouvons traduire par avocat ou consolateur, Or, ce mot est paraphrasé en cinq expressions : doux hôte de l’âme, doux réconfort, repos dans le travail, rafraîchissement dans la chaleur, consolation dans les larmes. Quels trésors d’images et de pensées n’y a-t-il pas dans ces courts vers ! c) Nous passons au mot suivant de la prière de la Pentecôte : “ reple ” (remplis). Le Saint-Esprit est appelé “ bienheureuse lumière ” ; cette lumière doit remplir les profondeurs les plus secrètes de nos cœurs. Nous méditons donc aussi la seconde phrase du Veni Sancte : “ allume en eux le feu de ton amour ”. Maintenant, la prière prend une forme négative : Sans ta lumière, il n’y a rien de bon dans l’âme. d) Cela fait, de nouveau, une transition qui nous fait passer à l’opération du Saint-Esprit dans les “ cœurs ”, des fidèles. Six verbes nous décrivent l’action de l’Esprit divin : il lave ce qui est souillé, il amollit ce qui est sec, il guérit ce qui est blessé, il fléchit ce qui est rigide, il réchauffe ce qui est froid, il redresse ce qui est détourné. Nous avons tout le loisir de faire l’application de ces images à notre âme. e) Maintenant, vient la strophe finale. Les pensées se rattachent aux mots : tuorum fidelium (de tes fidèles). Elle demande pour nous le septuple don. Ce sont les sept dons du Saint-Esprit. Pour conclure, la prière pense à notre fin : Daigne le Saint-Esprit couronner son œuvre par les mérites de la vertu, par une fin bienheureuse et par la joie éternelle. C’est là la bénédiction de la Pentecôte ; elle nous donne un aperçu profond sur l’action silencieuse, profonde et infatigable du Dieu “ inconnu ”, du Saint-Esprit.