LUNDI DE PAQUES (double de 1ère classe)

Station à Saint-Pierre
     
Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent.
     
L’Eglise, aujourd’hui, en nous faisant parcourir l’Evangile des disciples d’Emmaüs, nous mène de la tristesse de la Semaine Sainte à l’allégresse pascale. Puis, les néophytes et nous, nous nous rendons, dans la joie pascale, auprès de saint Pierre, le premier pape, qui, après l’amer carême du reniement, put célébrer Pâques dans le bonheur. C’est avec lui et les disciples d’Emmaüs que nous célébrerons Pâques à notre tour.
     
1. L’office des Heures. — Pendant la veillée nocturne, nous méditons le charmant Evangile ; le matin, cet Évangile se réalise pour nous dans la grâce. Les matines sont entièrement dominées par l’Évangile des disciples d’Emmaüs. Nous lisons une belle homélie de saint Grégoire. Il la prêcha “ au peuple, dans la basilique du saint Apôtre Pierre, le lundi de Pâques ”. Elle est courte et riche de pensées.
     
“ Comme la fête d’aujourd’hui vous demande beaucoup de temps, je veux vous parler brièvement. Peut-être que ces quelques mots seront d’une plus grande utilité. car il arrive souvent qu’on absorbe avec plus d’appétit une nourriture réduite. Je me suis proposé d’expliquer le sens de l’Évangile d’aujourd’hui en général et non en particulier, de peur qu’un exposé complet ne soit importun à votre charité. Vous avez entendu, très chers frères, comment le Seigneur apparut à deux disciples qui suivaient leur chemin. Ces disciples ne croyaient pas en lui, mais cependant ils parlaient de lui. Il ne se montra pas à eux sous la forme qui leur aurait permis de le reconnaître. Le Seigneur fit donc extérieurement devant les yeux de leur corps ce qui se passait intérieurement devant les yeux de leur cœur. En effet, ils aimaient et doutaient intérieurement. De même, le Seigneur leur était extérieurement présent, mais il ne montrait pas qui il était. Parce qu’ils parlaient de lui, il, leur accorda sa présence ; mais parce qu’ils doutaient de lui, il leur cacha la forme qui l’aurait fait reconnaître. Il parla avec eux, blâma la dureté de leur cœur, leur ouvrit les mystères de la Sainte Ecriture qui traitaient de lui ; cependant, comme, dans leur cœur, il était un étranger, il fit comme s’il voulait continuer sa route. Avec cette manière d’agir, la divine Vérité qui est simple n’a rien fait d’équivoque. Car le Seigneur se montrait extérieurement à ses disciples tel qu’il était dans leur cœur. Il fallait qu’ils soient éprouvés et montrent si, tout en ne l’aimant pas encore comme Dieu, ils étaient capables de l’aimer au moins comme étranger. Mais comme ceux qui marchent en compagnie de la Vérité ne peuvent pas être loin de l’amour, ils l’invitèrent comme un étranger. Mais pourquoi disons-nous : Ils l’invitèrent, alors qu’il est écrit : u Ils le forcèrent” ? Cet exemple nous enseigne qu’il ne faut pas seulement inviter les étrangers à l’hospitalité, mais véritablement les forcer... Ils préparent la table, apportent les aliments, et Dieu, qu’ils n’avaient pas reconnu pendant l’explication de l’Écriture, ils le reconnaissent à la fraction du pain. Ils furent ainsi éclairés non par l’audition des commandements de Dieu, mais par l’action. L’Écriture ne dit-elle pas : “ Ce ne sont pas les auditeurs de la loi qui sont justes, mais ce sont les observateurs de la loi qui sont justifiés” (Rom., II, 13). Que celui donc qui veut comprendre la loi se hâte de mettre en œuvre ce qu’il a pu saisir. Voyez, le Seigneur ne fut pas reconnu quand il parlait, mais il se fit reconnaître quand il eut reçu l’hospitalité. C’est pourquoi, très chers frères, cultivez l’hospitalité, aimez à pratiquer les œuvres de charité. Saint Paul ne dit-il pas : “ Persévérez dans l’amour fraternel. N’oubliez pas l’hospitalité. Quelques-uns, en la pratiquant, ont, sans le savoir, logé des anges” (Hébr., XIII, 1 sq.) ? Saint Pierre écrit, lui aussi : “ Soyez hospitaliers les uns envers les autres, sans murmure” (1 Pierre, IV, 9). Et la divine Vérité dit elle-même : “ J’étais étranger et vous m’avez reçu ” (Math., XXV, 35). Une histoire très digne de foi, qui nous a été transmise par nos anciens, raconte : “ Un père de famille exerçait avec zèle l’hospitalité, ainsi que toute sa maison. Comme il invitait chaque jour des étrangers à sa table, il vint un jour un étranger parmi d’autres et, lui aussi, fut conduit à table. Le maître de maison s’empressait pour lui verser de l’eau sur les mains ; il se détourna pour prendre l’aiguière, mais il s’aperçut soudain que l’étranger sur les mains duquel il voulait verser de l’eau n’était plus là Il en fut très étonné, mais, dans la nuit suivante, le Christ lui apparut et lui dit : “ Les autres jours, tu m’as reçu dans mes membres ; mais, hier, tu m’as reçu moi-même.. Oui, quand il viendra un jour pour le jugement, il dira “ Ce que vous avez fait au plus petit parmi les miens, c’est à moi que vous l’avez fait ” (Math., XXV, 40). Voyez : si, avant le jugement, il reçoit l’hospitalité dans ses membres, il visite personnellement ceux qui le reçoivent. Et pourtant nous mettons si peu de zèle à pratiquer l’hospitalité. Songez donc, mes frères, quelle grande vertu est l’hospitalité ! Invitez le Christ à votre table afin d’être invités par lui au festin éternel. Offrez maintenant l’hospitalité au Christ étranger ; alors, au jugement dernier, il ne vous traitera pas comme des étrangers qu’il ne connaît pas, mais comme les siens, et il vous recevra dans le royaume du ciel. Qu’il nous aide à cela, lui qui est Dieu et règne pendant les siècles des siècles. Ainsi soit-il ”.
     
Que nous devions, pendant toute la journée, rester sous l’impression du mystère d’Emmaüs, c’est ce que nous disent les antiennes directrices du jour. Au lever du soleil, nous chantons : “ Jésus s’approcha de ses disciples et marcha avec eux, mais leurs yeux étaient aveuglés pour qu’ils ne le reconnaissent pas, et il les réprimanda en leur disant : Ô hommes sans intelligence et dont le cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les Prophètes. Alleluia ”. Le soir, nous chantons : “ De quoi vous entretenez-vous ainsi en chemin et pourquoi êtes vous tristes ? Alleluia D. Nous remarquerons que cette scène d’Emmaüs occupe l’Église pendant tout le temps pascal dans ses antiennes directrices. Un mot est particulièrement cher à l’Église et elle le chante tous les soirs du temps pascal : “ Reste avec nous, Seigneur, car il se fait tard ”.
     
2. La messe (Introduxit). — La station est aujourd’hui à Saint-Pierre. C’est pourquoi l’Apôtre se tient devant nous dès l’Introït. Il nous parle comme le Moise de la nouvelle Alliance : “ Le Christ vous a introduits (vous, les néophytes) dans la terre où coulent le lait et le miel ” (après la communion, on présentait aux néophytes du lait et du miel). Pendant le temps pascal, nous devons avoir l’impression de nous trouver dans la terre promise. Cependant, saint Pierre nous donne aussi un avertissement : Que la doctrine du Christ soit dans vos cœurs ! On dirait qu’une larme coule sur la joue de l’Apôtre et qu’il nous raconte sa chute (prières graduelles et Kyrie). A l’Oraison, l’Église demande pour nous la liberté complète de l’âme : l’exil est terminé ; l’âme exilée a déposé le vêtement de pénitence pour revêtir la robe de fête des libres enfants de Dieu. Mais avons-nous déjà la liberté complète ? Qui peut dire qu’il a entièrement brisé le joug de Satan ? — Dans la leçon, “ Pierre se lève au milieu du peuple Il et nous parle. Il a adressé ces paroles autrefois aux premiers chrétiens de la Gentilité (baptême du centurion Corneille). Toute la vie du Christ passe devant nos yeux : le Sauveur, le Bon Pasteur, mais aussi l’Homme de douleurs, le Ressuscité et enfin le Juge au moment de son retour. Pierre parle du Maître qu’il aime ardemment, pour lequel, un jour, il mourra sur la croix, pour lequel il a versé des ruisseaux de larmes. Il veut graver dans nos cœurs le nom du Seigneur. Ensuite, l’ange du ciel (le diacre) descend vers nous (Grad.) et nous annonce l’Évangile, d’une beauté incomparable. Luc nous peint la scène d’une manière si vivante qu’il nous semble que nous en sommes témoins. Aucun Évangile ne peut nous décrire plus magnifiquement le passage de la Semaine Sainte à la joie pascale. Les disciples s’en vont tristement, par ce matin de printemps ; le Sauveur vient à eux sans se faire connaître ; il les console si bien que leur cœur “ est brûlant ” au-dedans d’eux-mêmes ; il se fait reconnaître à la “ fraction du pain ”. A l’Offrande, nous tenons la place des saintes femmes qui se hâtent au tombeau, avec leurs aromates, pour honorer le corps du Seigneur. Nous aussi, nous apportons -des dons à l’autel et, de même que les saintes femmes attendaient le Ressuscité, nous attendons le Sauveur eucharistique glorifié. Dans le saint sacrifice, la scène d’Emmaüs se réalise pour nous ; nous sommes les disciples qui reconnaissons le Seigneur à la “ fraction du pain ”. Nous sommes aussi Pierre (Comm.) à qui le Seigneur est apparu.