LUNDI DE LA PENTECOTE (double de Ire classe).

Station à Saint Pierrre ès-Liens 
           
Du baptême à la Confirmation.
          
Le second jour de la Pentecôte ! Le premier jour n’envisage que le grand événement de la Pentecôte. Tous les peuples étaient rassemblés dans l’église mondiale de Saint-Pierre et revivaient le miracle de la Pentecôte. Aujourd’hui, l’Église considère les nouveaux baptisés et les nouveaux confirmés (nous sommes de ce nombre, nous qui voulons renouveler la grâce de la Confirmation). Nous ne devons pas l’oublier que la Pentecôte, aussi, était un temps de baptême dans l’ancienne Église. L’Église s’adresse, aujourd’hui, aux nouveaux baptisés (et à nous) pour leur annoncer la grandeur et le bonheur de leur nouvel état. Elle nous réunit auprès des pères de notre foi, auprès des Apôtres. L’église de station, Saint-Pierre-ès-liens, était primitivement dédiée à tous les Apôtres ; depuis qu’on y conserve les chaînes de Saint-Pierre, elle porte son nom actuel. On comprend que l’Église nous rassemble auprès des Apôtres, qui furent les premiers bénéficiaires de la grâce de la Pentecôte.
           
1. La messe (Cibavit eos). — La grâce de la Pentecôte nous est communiquée à la messe. Ce que disent les textes liturgiques, le Saint-Sacrifice veut le réaliser L’Introït s’adresse aux néophytes. Ils sont entrés dans la “ terre promise ” de l’Église ; ils ont reçu la “ moelle du froment” (la sainte Eucharistie) ; ils ont été nourris du “ miel” sorti du “ rocher” qui est le Christ (après la communion, on présentait aux nouveaux baptisés un mélange de lait et de miel). Le psaume 80 devrait être récité, ici, dans son entier. C’est une prédication de Dieu à son peuple. Dieu l’a tiré d’Egypte et l’a introduit dans la terre promise. Maintenant, le devoir du peuple est d’être fidèle à son Dieu. A cette condition, il règnera sur tous ses ennemis et connaîtra la prospérité dans son pays. L’oraison est brève, précise et pleine de sens. Parlant du miracle de la Pentecôte, dont les Apôtres — dans l’église desquels nous nous trouvons -furent bénéficiaires, l’Église demande pour nous : “ Accorde à ton peuple l’effet de sa pieuse demande, afin qu’à ceux à qui tu as accordé la foi tu donnes aussi la paix ”. Cette oraison nous éclaire sur la signification liturgique du mot paix. La paix signifie un degré plus élevé de l’état de chrétien. La foi est le commencement et correspond au baptême ; la paix est l’achèvement et correspond à la Confirmation. Des bienheureux au ciel la liturgie dit volontiers : “ illi autem sunt in pace — pour eux, ils sont dans la paix ”. Nous comprendrons peut-être mieux ce mot si nous le paraphrasons ainsi : la grâce dans ce monde, et la gloire dans l’autre. L’oraison demande donc : A ceux à qui tu as donné la grâce du baptême, donne aussi celle de la Confirmation. Dans la leçon, le saint de station, “ Pierre ”, se tient au milieu de nous et “ ouvre la bouche ”, comme jadis quand il s’adressa à la première famille païenne convertie (le centurion Corneille). C’est une scène d’histoire universelle. Le Saint-Esprit lui-même est intervenu. Il a conféré aux païens, avant le baptême, la grâce de la Pentecôte et de la Confirmation. Ainsi le Saint-Esprit lui-même a ouvert aux païens les portes de l’Église. Avec combien plus de raison nous accordera-t-il, à nous qui sommes déjà baptisés, la grâce de l’affermissement dans la foi ! A l’Évangile, nous assistons à l’entretien nocturne de Jésus avec Nicodème. L’Église pense encore — et en première ligne — aux nouveaux baptisés : leur élection est le jugement favorable de Dieu. A la lumière du renouvellement de la Pentecôte, nous voyons aujourd’hui l’œuvre rédemptrice. C’est l’amour suprême de Dieu : “ Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ”. Le Christ est d’abord Sauveur, avant d’être Juge. La divine Lumière est venue dans le monde. Nous, les enfants de Dieu, nous aimons la lumière et non les ténèbres et, parce que nous “ faisons la vérité ”, nous venons à la lumière. Pour que nous puissions venir complètement à cette lumière, le Saint-Esprit descend sur nous. L’Offertoire réunit de nouveau l’envoi du Saint-Esprit — la Confirmation — et le baptême : “ Le Seigneur fit retentir son tonnerre dans le ciel et le Très-Haut fit entendre sa voix et des sources d’eau jaillirent ”. A la Communion, nous recevons l’assurance, de la bouche même du Seigneur, que le Saint-Esprit sera notre docteur. Nous pouvons donc intituler la seconde messe de la Pentecôte : Du baptême à la Confirmation.
            
2. La prière des Heures nous donne une profonde méditation de saint Augustin sur la péricope de l’entretien de Jésus avec Nicodème. “ Autant que cela dépend du médecin, il vient guérir le malade. Celui-là se tue lui-même qui ne veut pas suivre les préceptes du médecin. Le Sauveur est venu dans le monde. Pourquoi s’appelle-t-il le Sauveur du monde ? Parce qu’il veut guérir le monde, et non juger le monde. Si tu ne veux pas te laisser guérir par lui, tu seras jugé par ta propre faute. Et que dis-je : tu seras jugé ? Écoute ce qu’il dit lui-même : Celui qui croit en lui ne sera pas jugé ; quant à celui qui ne croit pas... que penses-tu qu’il va dire ? Qu’il sera jugé ? Non, il dit qu’il est déjà jugé. Le jugement n’est pas encore manifesté, mais il est déjà prononcé... Ils aimèrent mieux, dit-il, les ténèbres que la lumière. C’est sur cela qu’il insiste. Les uns, en effet, aimèrent leurs péchés ; les autres confessèrent leurs péchés. Celui qui confesse ses péchés et accuse ses péchés se tient déjà du côté de Dieu. Dieu accuse tes péchés ; si tu les accuses, toi aussi, tu t’unis à Dieu. Il y a, pour ainsi dire, deux choses différentes : l’homme et le pécheur. Ce qui constitue l’homme, c’est Dieu qui l’a fait ; ce qui constitue le pécheur, c’est l’homme lui-même qui l’a fait. Anéantis ce que tu as fait afin que Dieu sauve ce qu’il a fait. Tu dois haïr en toi ton œuvre et aimer en toi l’œuvre de Dieu. Or, quand tu commences à ne plus aimer ce que tu as fait, c’est alors que tes bonnes œuvres commencent, parce que tu accuses tes mauvaises œuvres. Le commencement des bonnes œuvres est l’accusation des mauvaises œuvres ”.
              
3. Le Vent sancte. — D’ordinaire, l’Église se sert des paroles d la Sainte Écriture. On dirait qu’elle redoute de s’adresser à Dieu avec ses propres paroles. Quand elle le fait cependant, elle emploie les termes les plus riches de sens. De même que le cristal de roche acquiert, par le travail séculaire de la nature, du brillant et du poli, de même ces textes de l’Église où elle a déposé ce qu’il y a de plus fervent dans son amour, ses désirs, sa prière et sa foi, ont été élaborés au cours des siècles. C’est le cas pour cette prière si simple et si profonde : “ Viens, Saint-Esprit, remplis les cœurs de tes fidèles et allume en eux le feu de ton amour ! ” Toutes les fois que cette prière est chantée ou récitée, l’Église nous ordonne de nous agenouiller.
            
a) Veni, viens. Ce mot a une histoire. Avant la naissance du Christ, il était dans la bouche du peuple juif. Le Rédempteur s’appelait : “ Celui qui doit venir ”. C’est pourquoi le Baptiste demande : “ Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ” Les chrétiens adoptèrent ce petit mot et en firent l’expression de leur désir de la parousie. Les anges avaient déjà dit du Seigneur monté aux cieux : “ Il viendra de nouveau... ” Dans la primitive Église, on terminait chaque prière par ce vœu ardent : “ Maranatha ”, c’est-à-dire, viens, Seigneur. Il n’est pas étonnant que l’Église ait introduit ce mot dans sa liturgie. Rappelons-nous les grandes antiennes 0 de l’Avent. Nous comprenons que l’Église se serve du même mot pour implorer lidescente du Saint-Esprit. — Ici, se pose une question : Le Saint-Esprit n’est-il donc pas parmi nous ? A quoi bon, dès lors, implorer sa venue ? Oui, il est parmi nous et, pourtant, il faut qu’il vienne à nous. Autrefois, le Baptiste pouvait dire aux sanhédrites : “ Il y a au milieu de vous quelqu’un que vous ne connaissez pas ”. On peut en dire autant du Saint-Esprit. Il demeure dans l’Église, dans l’âme, et, pourtant, nous ne le connaissons pas : nous empêchons son action. La force est là, mais elle est liée, elle dort. Le petit mot “ Veni ” veut donc dire : Déploie ta puissance, brise les entraves que la volonté humaine met à ton action.
            
b) Saint-Esprit. Examinons le nom du Saint-Esprit. Le Christ l’appelle volontiers Paraclet. Ce mot se traduit de deux façons : avocat ou consolateur. Cependant, le Seigneur l’appelle deux fois Saint-Esprit. La Séquence donne une série de surnoms : père des pauvres, distributeur des dons, lumière des cœurs. On le nomme aussi, volontiers, le doigt de la main droite de Dieu. Mais son nom ministériel est : Saint-Esprit. Ce nom est pour nous une exhortation à être saints et spirituels. Nous ne pouvons porter le Saint-Esprit en nous que si nous tendons à la sainteté, que si nous sommes des hommes spirituels, et non des hommes charnels.
             
c) Remplis les cœurs de tes fidèles. Nous trouvons déjà ce mot : remplir, dans le récit de la fête : “ ils furent tous remplis de l’Esprit-Saint ”. Nos cœurs et nos âmes doivent être comme des coupes dans lesquelles le Saint-Esprit verse le vin précieux de ses dons et qu’il remplit jusqu’au bord. Ne soyons pas des, coupes vides. Si nos cœurs sont remplis d’amour-propre, de présomption, d’égoïsme, le Saint-Esprit ne pourra verser son vin précieux.
           
d) Quel est ce vin précieux ? La dernière phrase nous le dira : “ Allume en eux le feu de ton amour ”. C’est donc l’amour qui est le don du Saint-Esprit : le saint amour de Dieu et du prochain. Le Christ dit du Saint-Esprit : “ Il prendra du mien ”. La charité est le précepte du Christ ; maintenant, c’est celui du Saint-Esprit : de ton amour. Cet amour est un feu, c’est pourquoi le Saint-Esprit est apparu dans le feu ; nous serons baptisés dans l’Esprit-Saint et dans le feu ”. Le feu brille, chauffe, brûle et purifie. Que le Saint-Esprit daigne aujourd’hui être ce feu, qu’il chasse les ténèbres de nos cœurs, qu’il en réchauffe la froideur, qu’il brûle tout ce qui est vain et coupable, qu’il purifie notre âme, afin qu’elle soit de l’or pur pour la couronne , du Christ !