LE SAMEDI BLANC (semid.)

Station à Saint-Jean de Latran
          
Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ.
        
Aujourd’hui, les néophytes portaient pour la dernière fois leurs habits blancs ; ils déposaient ces habits blancs et revêtaient des habits ordinaires. Ils étaient désormais majeurs et recevaient tous les droits de membres de la communauté de Dieu. Pour la première fois, ils portaient eux-mêmes leurs dons à l’autel au moment de l’offrande ; jusqu’ici, leurs parrains le faisaient à leur place.
            
1. La déposition de la robe baptismale. — Cette journée est entièrement consacrée au symbolisme de la robe baptismale. L’Évangile même peut se ramener à cette pensée. Rappelons-nous qu’au moment de notre baptême nous avons reçu deux insignes de notre dignité chrétienne, — que nous pouvons, après saint Pierre, appeler une dignité sacerdotale : l’habit blanc (représenté par le chrémeau) et le cierge allumé. Le prêtre qui nous baptisa nous avertit que nous devions porter ces deux insignes toute notre vie. “ Reçois l’habit blanc et porte-le sans tache devant le tribunal de Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin que tu aies la vie éternelle ”. “ Reçois la lampe allumée et conserve sans reproche la grâce de ton baptême. Observe les commandements de Dieu, afin que, quand le Seigneur viendra pour les noces célestes, tu puisses aller à sa rencontre, avec tous les saints, dans la cour céleste et vivre éternellement ”. Quand les nouveaux baptisés déposent aujourd’hui, dans la salle du trésor de l’Église, leurs blancs vêtements baptismaux, il y a dans cette action une signification profonde : ils doivent conserver sans tache le blanc vêtement de l’âme, le vêtement de la grâce, pour recevoir un jour, du juge éternel, la robe de la gloire.
        
2. L’Office des Heures. — Saint Grégoire commente l’Évangile d’aujourd’hui d’une manière allégorique. “ La lecture qu saint Évangile que vous venez d’entendre, mes frères, est, dans son extérieur historique, d’une clarté lumineuse. Mais il nous faut essayer d’en scruter les profondeurs cachées. Marie-Madeleine vint de bonne heure au tombeau, comme il faisait encore noir. Historiquement on donne ici l’heure, mais, d’après le sens mystique, on indique l’état d’esprit de celle qui cherche. Marie, en effet, cherchait l’auteur de toutes choses, qu’elle avait vu mort selon la chair, au tombeau ; et parce qu’elle ne le trouvait pas, elle croyait qu’il avait été enlevé. Or, il faisait sombre (dans son esprit) quand elle vint au tombeau. Alors, elle courut rapidement et elle annonça la nouvelle aux disciples. Ceux qui l’aimaient plus ardemment que les autres coururent aussi plus vite que les autres ; c’étaient Pierre et Jean. “ Tous les deux coururent ensemble ; mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau ”, mais il n’osa pas entrer. Pierre vint plus tard “ et entra à l’intérieur ”.
          
Que signifie cette course, mes frères ? Doit-on penser que cette description si précise de l’évangéliste est dépourvue de mystère ? Nullement. Jean n’aurait pas raconté qu’il était arrivé le premier et que, cependant, il n’était pas entré, s’il n’y avait pas eu, précisément, dans ce retard, un mystère. Qui est désigné par Jean, sinon la synagogue ? Et qui est désigné par Pierre, sinon l’Église ? Il ne faut pas s’étonner que la synagogue soit désignée par le plus jeune et l’Église par le plus vieux. Si, par rapport au culte de Dieu, la synagogue est plus ancienne que l’Église des Gentils, par rapport à l’usage du monde, la masse des Gentils est plus ancienne que la synagogue, d’après le témoignage de saint Paul qui dit : “ Ce n’est pas le spirituel qui vient d’abord, mais le terrestre” (1 Cor., XV, 46). Pierre, le plus âgé, désigne donc l’Église des Gentils et Jean, le plus jeune, la synagogue des Juifs. Tous les deux coururent ensemble. En effet, depuis le commencement du monde, la Gentilité et la synagogue coururent ; ce ne fut sans doute pas dans des sentiments égaux et communs, mais sur un sentier égal et commun. La synagogue arriva plus vite au tombeau, mais elle n’entra pas, car, bien qu’elle ait reçu les prescriptions de la Loi, les prophéties sur l’Incarnation et la Passion du Sauveur, elle ne voulut pas croire à celui qui était mort ”.
          
3. La messe (Eduxit). — La station est aujourd’hui à Saint-Jean de Latran. Voilà huit jours, dans la nuit de Pâques, l’office avait lieu dans l’église baptismale, l’Église-Mère de la chrétienté, qui est dédiée aux deux saint Jean. Durant la semaine, les nouveaux baptisés ont été conduits dans différentes églises. Aujourd’hui, à cette solennité d’adieu, sont présents les deux Jean. mais aussi Pierre, Paul et Madeleine. C’est ici que les néophytes déposent leurs vêtements blancs qui sont conservés dans la chambre du trésor comme gages de la fidélité baptismale, mais aussi comme témoignages contre ceux qui perdraient la grâce baptismale (Sabbatum in albis depositis). — La messe, aussi, traite du symbolisme du vêtement. L’Église console les néophytes obligés de déposer leur vêtement d’honneur ; ils pourront le conserver à jamais dans leur cœur. a) Ils ne doivent déposer que le vêtement du vieil homme, avec tous les péchés. (C’est intentionnellement que l’ÉpUre commence par ces mots “ Déposez... ”). b) Le Christ, lui aussi, a déposé ses vêtements au moment de mourir ; dans sa Résurrection, il a abandonné les blancs vêtements de lin ; ils reposent sur la tablette du tombeau ; ils sont pour Pierre et Jean (l’Église) l’attestation de la Résurrection ; de même, les vêtements blancs déposés dans l’Église doivent être l’attestation de la résurrection spirituelle. c) Les néophytes ont revêtu, dans le baptême, l’homme nouveau : “ Revêtez-vous, comme des élus de Dieu, saints et aimés, de miséricorde cordiale, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience ” (Ép.). Bien plus, dans le baptême, c’est le Christ qu’ils ont revêtu. “ Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ ”. Ils ne doivent jamais se dépouiller du Christ, mais s’en revêtir toujours de nouveau dans l’Eucharistie (Comm.). Qu’y a-t-il de plus intimement uni à l’homme que son vêtement ? Dans les cultes des mystères païens, les initiés prenaient le vêtement de la divinité et croyaient revêtir la divinité elle-même. Pour nous, chrétiens, ce revêtement est véritable et, dans un sens plus profond : dans le baptême, nous sommes incorporés au Christ. Comme cette parole de saint Paul résonne magnifiquement au moment de la communion !
           
L’Église adresse aux néophytes un dernier discours avant de les laisser rentrer dans les rangs des chrétiens ordinaires : Songez que le Seigneur vous a conduits hors de l’Égypte ; marchez maintenant pleins de joie vers la terre promise, vers le ciel (Introït). Saint Pierre prononce à l’Epître des paroles saisissantes : Vous êtes des “ pierres vivantes ”, vous devez entrer dans la construction du temple de Dieu dont “ la pierre d’angle est le Christ ”. Vous êtes devenus “ prêtres ” ; vous pouvez célébrer le sacrifice de la Nouvelle Alliance (aujourd’hui, pour la première fois, ils participent à l’offrande). Vous êtes une race “élue ”, un “ sacerdoce royal ” ; vous devez, par votre vie, “ annoncer la force de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière Il. Nous clôturons aujourd’hui la solennité pascale ; puisse cette solennité être pour nous la voie et le symbole de l’éternelle joie pascale dans le ciel (Or., Sec.) ! Nous rendons grâces à Dieu, avec ferveur, pour les grâces pascales de cette année. Puisse la joie de la fête de Pâques prolonger ses échos dans notre cœur ! Répétons le grand Alleluia sous la direction de l’Église (aujourd’hui, pour la première fois, il n’y a pas de Graduel, mais seulement Alleluia). Nous recevons une dernière bénédiction de l’Église : “ Nous vous bénissons de la maison de Dieu ”. Ite, missa est, Alleluia, Alleluia. Deo gracias, Alleluia, Alleluia.