LE SAINT TRIDUUM

On appelle volontiers les trois derniers jours de la Semaine-Sainte le saint triduum (triduum sacrum). On peut examiner ces jours d’un triple point de vue :
            
a) Ils sont, tout d’abord, le point final et suprême du temps de préparation à la fête de Pâques. L’Église, comme on l’a déjà remarqué, s’entend merveilleusement aux préparations graduelles. Depuis la Septuagésime, nous avons suivi un perpétuel crescendo. L’Avant-Carême constituait la première étape ; puis est venu le temps de Carême, dans lequel nous avons pu observer une progression ininterrompue ; puis ce fut le temps de la Passion ; nous avons gravi un degré de plus avec le dimanche des Rameaux et l’entrée dans la Semaine-Sainte. Maintenant, nous entrons dans le saint des saints, le saint triduum.
               
b) Cependant, ces trois jours appartiennent déjà à la fête de Pâques. La mort et la Résurrection du Christ sont inséparables, ce sont les mystères de Pâques. C’est pourquoi nous passons sans transition brusque de la Semaine Sainte à la semaine de Pâques. La solennité du Samedi Saint est déjà une solennité de Résurrection et de baptême.
            
c) On peut enfin envisager ces trois jours comme formant une unité. Ils forment vraiment un triduum, une trilogie, le drame en trois actes de l’œuvre rédemptrice du Christ. C’est ce que nous avons déjà montré pour les matines. On peut en dire autant des autres offices. L’office de Ténèbres se rattache davantage à la “ Passion amère ” et aux plaintes du Christ mourant ; les autres offices ont d’ordinaire un contenu différent et témoignent d’un autre état d’âme. Ils célèbrent surtout la “ Passion bienheureuse ” et ont pour objet l’aspect bienfaisant et victorieux de l’acte rédempteur du Christ. Les matines, d’ailleurs, sont d’une époque relativement récente (VIIIe–IXe siècles), tandis que les autres offices remontent à la plus haute antiquité. Le contenu principal de la trilogie des matines est : l’agonie, la mort sur la Croix, le repos au tombeau. Le contenu des autres offices, par contre, est : l’Eucharistie, le triomphe de la Croix, le baptême et la Résurrection. La piété subjective et méditative, ainsi que la piété objective et réceptive, trouvent donc toutes deux leur aliment. La Passion amère et la gloire de la Croix se présentent alternativement à notre âme.
               
Faisons encore, ici, une remarque au sujet de la célébration du saint triduum. Au Moyen Age, ces trois jours étaient des jours chômés. On s’abstenait de toute œuvre servile et le peuple pouvait vaquer tranquillement à la célébration de ces saints jours. Tout le monde devrait comprendre que la célébration de ces jours, les plus riches de l’année en souvenirs sacrés, demande une préparation convenable et le repos corporel et spirituel. Malheureusement, les nécessités économiques empêchent un grand nombre de fidèles de prendre part à ces solennités. Que les amis de la liturgie s’efforcent, cependant, de se rendre libres pendant ces trois jours. Ceux qui peuvent aller dans une abbaye participeront aux cérémonies. Que les maîtresses de maison aient achevé leur travail de nettoyage dès le mercredi. C’est précisément dans les familles qu’on doit se disposer à célébrer comme il faut le saint triduum. Que les pasteurs en fixent les cérémonies à une heure qui permettra, à ceux qui ont une profession, d’y assister. Il est si triste de voir ces cérémonies célébrées dans des églises vides ou bien devant des vieillards et des enfants. Sur ce point, aussi, nous avons besoin d’un sérieux renouveau.