LE DIMANCHE BLANC (double)

Station à Saint-Pancrace
“ Ce sont les agneaux nouveaux
Qui ont apporté le message, Alleluia, Alleluia.
Ils sont venus aux sources,
Ils ont été remplis de clarté, Alleluia, Alleluia.
Ils se tiennent devant l’Agneau,
Vêtus d’habits blancs,
Et portent des palmes dans les mains,
Ils sont remplis de clarté, Alleluia, Alleluia ”
l. Premières impressions. — Quand nous entendons ce mot : dimanche blanc, nous nous représentons quelque chose de clair et de blanc. Nous pensons aux premiers communiants, vêtus de blanc. Nous pensons aux jardins qui, en ce moment, ont leur parure de fleurs blanches. Ces deux images sont tellement associées pour nous au dimanche blanc que nous le considérons comme un jour vénérable et saint. Mais d’où vient ce nom : dimanche blanc ? Comme on le sait, les catéchumènes, après leur baptême, recevaient un vêtement blanc et un cierge allumé. Ils sortaient ensuite de la chapelle baptismale et entraient dans l’église pour assister, la première fois, à la messe. L’habit blanc était le symbole de l’innocence et de la grâce baptismales. Les premiers chrétiens tenaient beaucoup à conserver l’innocence baptismale jusqu’à la mort. Nous avons vu que l’administration actuelle du baptême comporte un usage analogue.
           
Les néophytes étaient les enfants privilégiés de l’Église. Pendant la semaine, ils assistaient chaque matin à la messe, vêtus de leurs habits blancs ; le soir, ils faisaient une procession aux fonts. Ils étaient, dans la communauté chrétienne, une prédication vivante ; ils annonçaient que les chrétiens sont ressuscités avec le Christ à une vie nouvelle. Le samedi après Pâques, ils venaient une dernière fois, avec leurs habits blancs, dans l’église baptismale. C’est là qu’ils déposaient leurs habits que l’on conservait dans la chambre du trésor. Ces habits devaient être un souvenir de leur baptême et, en même temps, un gage de leur fidélité aux promesses du baptême.
            
Le lendemain avait lieu la dernière procession de station. On se rendait dans l’église de Saint-Pancrace. Les catéchumènes y venaient pour la première fois avec leurs habits ordinaires. Cela signifiait qu’ils étaient désormais des chrétiens majeurs ; qu’ils avaient promis de garder les promesses du baptême fidèlement jusqu’à la mort. L’église de station convenait parfaitement pour cela. Saint Pancrace était un enfant de 14 ans qui, dans un âge si tendre, scella de son sang ses promesses baptismales. Il mourut pour le Christ et fut considéré comme le patron de la fidélité au serment.
                  
2. La messe (Quasi modo. On désigne souvent ce dimanche par ces premiers mots de l’Introït). — L’Église unit aujourd’hui la force et la douceur. On entend dans les chants l’accent dominateur de la foi qui caractérisait l’ère du martyre et, en même temps, le tendre amour de l’Église pour ses enfants nouveau-nés. C’est notre Mère l’Église qui, à l’Introït, s’adresse aux nouveaux baptisés (et aussi à nous) : Vous êtes nés de l’eau du baptême, mais, comme des nouveau-nés, vous êtes encore faibles. Il vous faut grandir sur le sein maternel où vous serez nourris de l’Eucharistie. Le thème de la messe est ainsi indiqué (l’Introït est véritablement ce qu’il doit être, l’ouverture de la messe). Nous y trouvons aussi l’expression de la grande pensée liturgique : du baptême à l’Eucharistie. Ce sera pendant le temps pascal, et même durant la vie, le moyen que l’Église emploiera pour éduquer les baptisés. Le psaume 80, dans son entier, a sa place ici (habituons-nous, quand nous préparons notre messe, à réciter le psaume de l’Introït en entier). C’est un psaume de fête. Le début est comme un son puissant de cloche. Puis nous entendons le sermon de fête de Dieu lui-même ; il nous montre l’assurance et le bonheur des chrétiens : “ Il les nourrira de la moelle du froment et les rassasiera du miel de la pierre ”. C’est l’Eucharistie. — L’Oraison est d’une grande beauté, pleine de sens et d’enseignement. Pâques est passé, mais nous devons en “ conserver l’esprit dans notre conduite ”. Il y a là tout un programme pour nous. Nous devons mener une vie de résurrection spirituelle. L’Épître, d’une grande solennité, nous parle de la foi qui triomphe du monde. Les baptisés sont “ nés de Dieu ” ; la foi au Christ a vaincu le monde. Cette foi est attestée par le Dieu un en trois personnes : par le Père, au baptême, dans le Jourdain ; par le Fils mourant sur la Croix ; par le Saint-Esprit dans son Église, La liturgie donne cependant une autre interprétation à ces paroles. Elle y voit l’indication des trois sacrements de la nuit pascale : le Baptême (l’eau), l’Eucharistie (le sang) et la Confirmation (l’Esprit). Dans cette phrase : “ Le Christ n’est pas venu avec l’eau seulement, mais avec l’eau et le sang ”, l’Église veut encore exprimer son thème de prédilection : ce n’est pas le baptême seul qui fait le chrétien complet, mais le baptême et l’Eucharistie. L’Évangile nous représente, d’une manière dramatique, une des apparitions les plus intimes du Ressuscité. “ Huit jours après Pâques” (c’est aujourd’hui), Jésus apparaît à “ Thomas l’incrédule ”. Nous recevons ici une nouvelle leçon sur la foi qui “ ne voit pas ”, qui n’aperçoit pas et croit cependant. La liturgie voit, de plus, une légère allusion à l’Eucharistie : S’il vous est difficile de croire, mettez sans cesse votre doigt dans les plaies du Christ, c’est-à-dire recevez l’Eucharistie ; alors vous verrez le Christ et direz avec Thomas : Mon Seigneur et mon Dieu. Ces indications sont loin d’épuiser la signification de l’Évangile. Dans le mystère sacré de la liturgie, nous sommes aujourd’hui Thomas. C’est ce qui apparaît clairement dans l’antienne de la Communion. Si nous recevons aujourd’hui la sainte Hostie, le Ressuscité nous dit : “ Avance la main (autrefois, les chrétiens recevaient le pain eucharistique dans la main) et reconnais la place des clous... ” L’allégresse pascale éclate dans la Secrète : nous offrons à Dieu les dons de l’Église joyeuse et nous demandons la joie éternelle.
           
3. Lecture d’Écriture (Col., III, 1-17). — La liturgie ne commence pas encore aujourd’hui la lecture suivie de l’Écriture, mais, conformément à l’importance du jour, elle choisit une lecture propre. Dans cette lecture, l’Église fait aux nouveaux baptisés (et à nous) un dernier sermon. Le thème de ce sermon peut se résumer dans ces paroles de l’oraison d’aujourd’hui : conserver l’esprit de Pâques dans notre conduite.
            
“ Si vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez les choses d’en haut où le Christ demeure assis à la droite de Dieu. Ayez du goût pour les choses d’en haut et non pour celles de la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, apparaîtra de nouveau, vous apparaîtrez, vous aussi, avec lui dans la gloire. Faites donc mourir ce qui, dans vos membres. est terrestre... Mais maintenant, vous aussi, rejetez ces choses : la colère, l’animosité, la méchanceté ; que les injures et les paroles déshonnêtes soient bannies de votre bouche ! Ne vous trompez pas mutuellement. Dépouillez le vieil homme avec ses œuvres et revêtez l’homme nouveau qui progresse sans cesse vers la connaissance parfaite et se renouvelle selon l’image de celui qui l’a créé... Ainsi donc, comme élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous de miséricorde cordiale, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous mutuellement et pardonnez-vous les uns aux autres... ”
            
4. La prière des Heures. — Les matines d’aujourd’hui, surtout, sont très riches de pensées. On pourrait leur donner pour titre ces paroles : la foi et la vie des nouveaux chrétiens. Nous lisons un sermon de saint Augustin adressé .aux nouveaux baptisés : (La fête de Pâques se termine avec la solennité d’aujourd’hui. C’est pourquoi les nouveaux baptisés changent aujourd’hui d’habits ; mais s’ils déposent la robe blanche de leur corps, l’âme doit garder toujours la sienne... Ma parole, sans doute, s’adresse à tous ; mais, puisque nous clôturons aujourd’hui la fête des mystères du baptême, je voudrais m’adresser à vous, tendres rejetons de la sainteté régénérés dans l’eau et le Saint-Esprit, sainte floraison, troupe juvénile, fleur de notre honneur, fruits de notre travail, ma joie et ma couronne, vous tous qui êtes attachés au Seigneur. C’est avec les paroles de l’Apôtre que je m’adresse à vous : “ Voici que la nuit est passée ; le jour s’approche : rejetez donc les œuvres des ténèbres et revêtez les armes de la lumière. Comme en plein jour, marchons avec honneur... revêtez le Seigneur Jésus-Christ ”. (Ces paroles de l’Apôtre qui l’avaient converti lui-même, saint Augustin les adresse aux nouveaux convertis) Que vos reins soient ceints ! ayez des lampes allumées à la main ; soyez semblables à des hommes qui attendent leur Maître quand il reviendra pour les noces. Voici que les jours sont proches dont le Seigneur dit : u Encore un peu de temps et vous me reverrez ”. C’est l’heure dont il dit : “ Vous serez tristes et le monde : se réjouira ”. Cela signifie l’heure présente, pleine de tentations, dans laquelle nous errons loin de lui. Mais je vous reverrai, dit-il encore, et votre cœur se réjouira et personne ne pourra vous enlever votre joie ”.
            
Les antiennes directrices nous enseignent à méditer toute la journée le récit évangélique. Au lever du soleil : “ Le soir de ce jour, le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, Jésus se tint au milieu d’eux et dit : la paix soit avec vous, Alleluia ”. Au coucher du soleil : “ Au bout de huit jours, les portes étant fermées, le Seigneur entra et dit : la paix soit avec vous, Alleluia ”.