JEUDI DE PAQUES (semid.)

Station aux douze saints Apôtres
        
Jésus dit : “ Marie ” ; elle se détourna et dit : “ Mon Maître ”.
         
Nous sommes invités, aujourd’hui, à participer avec Marie-Madeleine à l’apparition du Seigneur. Cette apparition est certainement la plus tendre de toutes.
          
Jusqu’ici, nous nous sommes présentés aux grands personnages de la famille de Dieu à Rome : Marie, Pierre, Paul et Laurent. Nous nous rendons, aujourd’hui, auprès des pères vénérés de notre foi, auprès des douze Apôtres.
         
1. L’Office des Heures. — De nuit comme de jour, notre pensée, aujourd’hui, s’attache à Marie-Madeleine. Aux matines, c’est saint Grégoire qui nous explique l’Évangile, si beau et si touchant. “ Marie avait été une pécheresse publique, mais, dans son amour pour le Christ, elle lava ses fautes dans les larmes de la douleur. Elle réalisa en elle-même la parole de la Vérité : “ Beaucoup de péchés lui seront remis parce qu’elle a beaucoup aimé” (Luc, VII, 47). Elle, qui avait été froide par suite de son péché, s’enflamma par son amour d’une grande ardeur. Étant venu au tombeau et n’ayant pas trouvé le corps du Seigneur, elle crut qu’il avait été enlevé et l’annonça aux disciples. Ceux-ci vinrent, virent et crurent qu’il en était comme Madeleine le leur avait raconté. Mais on dit immédiatement des disciples :“ Ils s’en retournèrent ” (Jean, XX, 10). Par contre, on dit ensuite de Marie : “ Marie se tenait dehors, auprès du tombeau, et pleurait ”. Il nous faut considérer ici quelle fournaise d’amour brûlait dans le cœur de cette femme puisqu’elle ne quittait pas le tombeau du Seigneur alors que les disciples eux-mêmes s’étaient éloignés. Elle chercha celui qu’elle n’avait pas trouvé ; elle chercha dans les larmes, enflammée du feu de son amour ; elle brûlait d’un ardent désir pour celui dont elle croyait qu’il avait été enlevé. Ainsi il arriva qu’elle seule vit alors, elle qui était restée pour le chercher. C’est que la force de la bonne action consiste dans la persévérance ; la voix de la Vérité dit : “ Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé ”. Une prescription de la loi (de Moïse) ordonne, quand on offre des animaux en sacrifice, d’offrir aussi la queue. La queue est ce qu’il y a de plus extérieur dans l’animal. Celui-là fait donc un sacrifice convenable qui accomplit des bonnes œuvres jusqu’à la dernière limite de ce qui est dû. C’est pourquoi il est dit de Joseph qu’il portait, parmi ses frères, une robe qui descendait jusqu’aux chevilles. Une telle robe descendant jusqu’aux chevilles est la bonne œuvre exécutée jusqu’à la perfection. Or, comme Marie pleurait, elle se pencha à l’intérieur du tombeau. Elle avait pourtant déjà vu le tombeau vide, elle avait même annoncé aux disciples que le corps du Seigneur avait été enlevé. Pourquoi donc se penche-t-elle de nouveau et veut-elle le voir une fois encore ? Il ne suffit pas à une âme aimante d’examiner une seule fois ; la force de l’amour la pousse à de fréquentes recherches. Elle persévéra dans la recherche et c’est pourquoi elle parvint à trouver. Ainsi il arriva que son ardent désir, par le retard même, ne fit que s’accroître et le désir accru fut apaisé par la possession de celui qu’elle trouva. ”
“ Félicitez-moi, vous tous qui aimez le Seigneur
Car celui que je cherchais, m’est apparu :
Et j’ai vu le Seigneur comme je pleurais près du tombeau,
Alleluia, Alleluia.
Quand les disciples s’en allèrent, je ne retournai pas.
Brûlant du feu de l’amour pour lui,
J’étais consumée de désir pour lui,
Et j’ai vu le Seigneur comme je pleurais près du tombeau,
Alleluia, Alleluia ”. (Répons)
Les antiennes directrices nous parlent également de Madeleine : “ Marie se tenait toute en larmes près du tombeau et elle vit deux anges assis, vêtus de blanc, et le suaire qui avait été sur la tête de Jésus. Alleluia ” (Ant. Bened.). “ Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis ; si tu l’as enlevé, dis-le-moi, Alleluia, et j’irai le prendre, Alleluia ” (Ant. Magn.).
           
2. La messe (Vitricem). — La basilique des douze saints Apôtres ne nous est pas inconnue : c’est l’église de réconciliation de Rome ; c’est là que le Jeudi Saint nous avons été réconciliés avec l’Église. Tous les vendredis des Quatre-Temps, nous nous y rendons pour expier et réparer les péchés de la saison écoulée. La messe d’aujourd’hui a de nombreuses relations avec cette église de station. C’est là que reposent les ossements des Apôtres Philippe et Jacques. C’est peut-être qui a déterminé le choix de la leçon où il est question du disciple Philippe (sans doute ce n’est pas la même personne, mais la liturgie se contente souvent de la similitude du nom). Cette église est la seule église romaine qui soit construite dans le style architectural grec et elle était considérée comme le symbole de l’union des peuples dans le Christ par le baptême. Ce symbolisme nous fera comprendre l’Oraison qui parle d’un seul baptême, d’une seule foi et d’une seule piété. L’Évangile même de Madeleine est en relation avec l’église de station. Madeleine pénitente était particulièrement honorée dans l’église de la réconciliation (cf. le vendredi des Quatre-Temps de septembre). Madeleine est envoyée par le Seigneur vers les Apôtres, “ ses frères D ; elle est donc en quelque sorte apôtre. Son souvenir est donc à sa place dans l’église des Apôtres. La messe d’aujourd’hui parle aussi d’apostolat. A l’Introït, nous voyons le chœur des Apôtres louer la main victorieuse de Dieu parce que le Christ, à travers les temps, a “ ouvert la bouche de beaucoup de muets ”, c’est-à-dire a amené un grand nombre de gens à la foi. Les deux lectures nous donnent des exemples d’apostolat. Dans la leçon, il est question d’un homme qui apporte au chambellan de la reine Candace le message pascal ; dans l’Évangile, c’est une femme, Madeleine, qui est envoyée par le Seigneur comme messagère vers les Apôtres. Enfin le thème du baptême tient une grande place. Déjà, dans l’Introït, les Apôtres louent Dieu, cause de la grâce de notre baptême. Dans la leçon, nous lisons le récit de la conversion du chambellan et de son baptême. A l’Offertoire, nous chantons que Dieu nous a introduits dans la terre où coulent le lait et le miel. A la Communion, l’Église s’adresse à nous (en tant que néophytes) et nous appelle “ un peuple d’élection que Dieu a appelé des ténèbres dans son admirable lumière ”. Tous ces textes sont nos lettres de noblesse baptismale. Cette messe est d’une grande richesse de pensées.
            
Ce jour est consacré à Marie-Madeleine ; c’est le jour où nous célébrons l’apparition dont elle fut favorisée. Ayons aujourd’hui l’âme de Madeleine et écoutons le Seigneur nous appeler par notre nom. Il nous appelle réellement ; il nous a appelés au moment du baptême ; il nous a appelés chaque jour par notre nom ; tantôt, c’était un appel d’avertissement sérieux ; tantôt, un appel rempli d’amour. Pendant le Carême, son appel était celui du Père qui invite son enfant à rentrer à la maison ; en ces jours de Pâques, c’est l’appel de l’Époux à l’âme, son épouse ; cet appel a la même douceur que celui qu’il adressa à Madeleine. Dans chaque messe, le bon Pasteur appelle ses brebis par leur nom ; “ il connaît les siens et les siens le connaissent ”.