JEUDI DE LA PENTECOTE (semi-double).

Station à Saint Laurent
         
Le Saint-Esprit et le sacrement de l’Ordre.
          
Ce jour, comme tous les jeudis, était, dans l’antiquité, dépourvu de liturgie. La Pentecôte, primitivement, n’avait pas d’Octave, car elle est elle-même l’Octave de la fête de Pâques. On la célébrait pendant trois jours. On ajouta bientôt les trois jours de Quatre-Temps. Il ne manquait plus, pour faire une Octave complète, que le jeudi. On reprit la messe du dimanche en y ajoutant cependant deux lectures propres ; choisies en considération de la station.[1]
           
1. La messe (Spiritus Domini). — La pensée spécifique du jour se trouve dans la station et dans les deux lectures. L’Église conduit les nouveaux baptisés et les nouveaux confirmés (nous-mêmes) près du patron des catéchumènes : le diacre saint Laurent. C’est pourquoi, dans les deux lectures, la liturgie parle de l’activité des disciples. La leçon raconte l’œuvre pastorale du diacre Philippe en Samarie. Nous entendons parler de sa prédication, des miracles qu’il opéra : “ Les esprits impurs sortaient de beaucoup de démoniaques en poussant de grands cris ; beaucoup de paralytiques et de boiteux furent guéris ”. A l’Évangile, nous entendons les instructions que le Seigneur donne aux douze Apôtres pour leur œuvre de mission. On aurait attendu, ici, l’Évangile de l’envoi des 72 disciples ; il est plus facile de comparer ces disciples avec les diacres. Peut-être faut-il voir le point de jonction entre les deux lectures dans le pouvoir donné sur les mauvais Esprits. Jésus donna aux douze Apôtres “ pouvoir et puissance sur les mauvais Esprits ”. Le Saint-Esprit est directement opposé à ces mauvais Esprits et peut les chasser par l’intermédiaire de ses instruments, les diacres et les prêtres consacrés que leur ordination a faits des “ porteurs d’Esprit ”.
            
Nous trompons-nous en estimant que la liturgie nous signale aujourd’hui les relations mystérieuses entre le Saint-Esprit et le Sacrement de l’Ordre ? Si les chrétiens reçoivent déjà, par la Confirmation, le sacerdoce général, c’est surtout par le sacrement de l’Ordre que le Saint-Esprit exerce son action. Quand le Seigneur, au soir de la Résurrection, conféra à ses Apôtres le pouvoir de remettre les péchés, il souffla sur eux et dit : “ Recevez le Saint-Esprit), c’est-à-dire recevez le pouvoir d’Ordre communiqué par le Saint-Esprit. C’est pourquoi aussi le rituel, dans la collation des trois Ordres Supérieurs (diaconat, prêtrise et épiscopat), insiste particulièrement sur l’action du Saint-Esprit. (Ce n’est pas le cas dans les Ordres mineurs, ni même dans le sous-diaconat). L’action du Saint-Esprit dans les prêtres nous est rappelée tous les jours par le salut liturgique : Dominus vobiscum. Les laïcs, et même les clercs jusqu’au sous-diaconat inclusivement, n’ont pas le droit d’employer ce salut parce qu’on ne peut répondre qu’aux prêtres et aux diacres : Et cum spiritu tuo, c’est-à-dire avec le Pneuma, le Saint-Esprit, qui t’a été communiqué, d’une manière éminente, dans l’ordination. Ce salut devrait toujours nous inspirer un saint respect pour le sacerdoce consacré. Dans ces jours de Quatre-Temps, prions pour que le Saint-Esprit conserve dans la sainteté ceux qui sont ses instruments privilégiés ; pour que les prêtres remplissent leur tâche, qui est de chasser du monde les “ Esprits impurs” et de faire descendre dans les âmes le Saint-Esprit. Mais l’office de ce jour nous rappelle aussi notre sacerdoce général que le Saint-Esprit a créé en nous. Nous exerçons ce sacerdoce général par la participation active au Saint-Sacrifice que nous offrons réellement, par le fait que nous pouvons être ministres du sacrement de baptême et du sacrement de mariage, par la participation à la sainte liturgie de l’année ecclésiastique et à la prière des Heures de l’Église. Nous l’exerçons, enfin, quand nous devons charge d’âme, soit comme parrains, soit comme parents. Tous les chrétiens, au reste peuvent et doivent exercer l’apostolat laïc. C’est surtout pendant le temps de la Pentecôte que nous devons réfléchir à cette haute charge. 
           
2. A la prière des Heures, saint Ambroise explique notre Évangile et donne, pour finir, une belle interprétation allégorique. “ Mais il y a encore dans ce passage un sens plus profond, plus mystérieux. Quand, en effet, on choisit une maison, on doit chercher un maître de maison qui soit digne. Or, cette maison que nous choisissons, c’est l’Église, et le maître de maison, c’est le Christ. En effet, quelle maison est plus digne de nous recevoir pour la prédication apostolique que la Sainte Église. Et qui mérite mieux d’être notre maître de maison que le Christ qui lave les pieds de ses hôtes. Car il ne laisse pas celui qu’il reçoit dans sa maison demeurer chez lui avec des pieds impurs, mais alors même que la vie précédente a été souillée, il en purifie cependant les pas pour l’avenir. Il est le seul que personne ne doit abandonner, que personne ne doit changer. On peut avec raison lui dire : Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle, et nous croyons ”.
 
Un beau répons convient parfaitement aux pensées principales que nous inspire ce jour :
Il est venu le feu divin qui ne brûle pas mais éclaire, qui ne consomme pas mais brille, et il a trouvé dans les cœurs des disciples des receptables purs.
Et il leur a conféré les dons des grâces, Alleluia, Alleluia.
Il les trouva dans la concorde de la charité, et il les illumina en les comblant, en les inondant de la grâce divine
3. Les sept dons du Saint-Esprit. — On aime résumer dans les sept dons les grâces et les œuvres du Saint-Esprit, qui nous rendent aptes à mener une vraie vie chrétienne. Dans le rite de la Confirmation, l’évêque dit, en étendant les mains sur les confirmands : Dieu tout-puissant et éternel, fais descendre du ciel ton Esprit septiforme, le Paraclet : l’Esprit de sagesse et d’intelligence, l’Esprit de conseil et de force, l’Esprit de science et de piété ; remplis-les de l’Esprit de la crainte du Seigneur ”. Les confirmands répètent souvent : Amen. C’est sans doute là le texte liturgique le plus solennel et le plus important, où soient énumérés les sept dons du Saint-Esprit. Ce texte nous apprend également quels sont les effets du sacrement de Confirmation : Par la Confirmation, nous sommes remplis des sept dons du Saint-Esprit. Cherchons maintenant si nous trouverons, dans la Sainte Écriture, les sept dons ; nous les trouvons dans le Prophète Isaïe (XI, 1-8) : “ Un rameau sortira de la racine de Jessé, et une fleur s’élèvera de sa racine, et l’Esprit du Seigneur reposera sur lui, l’Esprit de sagesse et d’intelligence, l’Esprit de conseil et de force, l’Esprit de science et de piété, l’Esprit de la crainte du Seigneur D. C’est dans ce texte que l’on trouve, pour la première fois, la mention des sept dons. Demandons-nous ce que veut dire ici le Prophète. Il parle du Rédempteur qui sortira, comme un rameau, de la tige de David. Il dit ensuite que l’Esprit de Dieu reposera sur lui, et que cet Esprit est un Esprit de sagesse, d’intelligence, de conseil, de force, etc. De fait, nous lisons dans l’Évangile que, au moment du baptême de Jésus, le Saint-Esprit descendit sur le Seigneur et y demeura. Nous apprenons ainsi que le Sauveur est le premier sur lequel soient descendus les sept dons du Saint-Esprit. Cela est pour nous une pensée importante. Quand Dieu nous communique les sept dons du Saint-Esprit, dans la Confirmation et maintenant, à la Pentecôte, cela signifie que nous devons devenir semblables au Christ ou, comme le dit l’Apôtre, atteindre l’âge d’homme du Christ. Si nous voulons savoir comment les sept dons du Saint-Esprit opèrent en nous, nous n’avons qu’à considérer le Seigneur dans sa vie terrestre, car le Saint-Esprit reposait sur lui avec ses sept dons.
           
Il ne nous serait pas difficile de trouver dans sa vie tel ou tel fait qui nous montre comment le Seigneur a possédé les sept dons d’une manière parfaite. Cela nous conduirait loin. Cependant, si nous comparons les sept dons les uns avec les autres, nous nous rendons compte que la différence entre eux n’est pas très tranchée. On peut les ramener à trois groupes. La sagesse, l’intelligence et le conseil se ramènent à la sagesse. Le deuxième groupe est la force ; nous pourrions dire aussi la force de volonté. Nous réunissons dans le troisième groupe les deux derniers dons, la piété et la crainte de Dieu. Si nous y regardons de près, ces trois vertus constituent l’idéal du chrétien. La première se rapporte à l’intelligence ; la deuxième, à la volonté ; la troisième, à l’amour de Dieu. Les quatre dons qui se rapportent à l’intelligence veulent nous donner la véritable sagesse de vie. C’est la sagesse telle qu’elle est louée et chantée dans l’Ancien Testament, la sagesse qui est à la fois une vertu et l’absence de péché, la sagesse qui, dans toutes les circonstances de la vie, se dirige selon la volonté de Dieu. La force est l’énergie de la volonté dont nous avons besoin pour combattre les attraits de la nature inférieure, pour surmonter les obstacles, pour avoir la patience dans la vie et pour subir le martyre. L’intelligence et la volonté ont été affaiblies et obscurcies par le péché du premier homme. Le Saint-Esprit veut réparer ces dommages et venir à notre secours par ses dons. Le but des deux derniers dons est de nous unir intimement avec Dieu et de nous porter à faire de lui le centre de notre vie. Nous le voyons, le rôle des sept dons est de faire de nous des chrétiens complets et parfaits.
          
Encore une dernière pensée. Les sept dons ont aussi une relation avec le triple ministère du Christ. Le Christ est Roi, Prêtre et Prophète. Mais nous aussi, nous participons à cette triple dignité. Cela est dit, en effet, dans la bénédiction du saint chrême : “les fidèles sont investis de la dignité royale, sacerdotale et prophétique ”. Le roi a besoin de sagesse, de conseil et de force ; le prêtre a besoin de piété ; le prophète doit posséder tous les dons, car il doit porter l’action de Dieu parmi les hommes.
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[1] Nous aurions, là, un exemple typique d’un formulaire de messe comme nous en trouvons dans les missels du Moyen Age pour les lundi, mercredi et vendredi de chaque semaine ; on prenait, pour ces trois jours, la messe du dimanche précédent avec des lectures propres. C’est vers ce modèle qu’il faudrait tendre pour l’avenir. Ce serait le moyen de revenir, autant que possible, à la lectio continua (lecture à la suite). Ainsi, l’année liturgique reprendrait plus d’importance. Les fêtes des saints, qui ne sont qu’ornement dans l’année liturgique reprendraient une place plus modeste.