DIMANCHE DE LA PENTECOTE (double de Ire classe avec Octave).

Station à Saint Pierre
         
“ Aujourd’hui est venu le jour de la Pentecôte. Alleluia ; Aujourd’hui le Saint-Esprit est apparu aux disciples dans le feu, et leur a communiqué ses dons de grâce : Il les a envoyés dans le monde entier pour prêcher et rendre témoignage : celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, Alleluia ” (Ant. Magn., IImes Vêpres). Le Jour de la Pentecôte, dans lequel, à Jérusalem, le Saint-Esprit descendit sur les disciples sous la forme de langues de feu ” (Martyr.).
          
Les grandes fêtes doivent être célébrées entièrement avec l’Église ; la journée doit être sanctifiée par la prière des Heures qui est divisée selon le temps, mais le point culminant doit être la messe. (Je suppose que les lecteurs possèdent l’office de la Pentecôte).
          
1. L’office des Heures. — La Pentecôte, comme toutes les grandes fêtes, est encadrée par deux vêpres, les premières, au commencement, et les secondes la fin. Elles sont l’introduction et la conclusion de la fête. Aux vêpres, nous entendons déjà tous les thèmes de la Pentecôte. Nous célébrons l’action du Saint-Esprit ; on entend même le thème du baptême (4e antienne), mais nous chantons surtout l’Esprit Créateur qui répand la vie (hymne). Au magnificat, nous célébrons joyeusement le retour du Christ dans son Église par le Saint-Esprit.
           
Ce qui n’est qu’indiqué d’une manière thématique est développé et exposé dans les matines de la fête. Les matines sont le drame de prière d’une fête. Les matines de la Pentecôte, comme celles de Pâques, n’ont qu’un nocturne. En effet, dans la nuit de la Pentecôte comme dans la nuit de Pâques, avaient lieu les cérémonies du baptême et il ne restait plus qu’une veille de nuit pour la prière nocturne. Les trois psaumes peuvent être comparés à un triptyque qui montre trois images : Ire image : le fait historique et l’importance du miracle de la Pentecôte : sous le voile du psaume 47, nous voyons l’action puissante de l’ouragan de la Pentecôte. 2e image : L’action du Saint-Esprit dans son Église. Si difficile que soit le psaume 67 (c’est un des plus obscurs du psautier), il est cependant clair qu’il s’agit de la marche victorieuse de Dieu par l’arche d’alliance, de l’Égypte à travers le désert jusqu’à la terre promise et à la-colline de Sion, d’où le Dieu d’alliance étend son empire sur le monde. Cet empire universel se développe dans le Christ et son Église — sous l’action du Saint-Esprit. 3e image : La nouvelle création par le Saint-Esprit, Le psaume 103 est une description très poétique de l’œuvre des six jours. La magnificence de la Création visible est une image et un symbole de ta Création spirituelle et invisible, qui est l’œuvre du Saint-Esprit dans l’âme et dans l’Église. — Les leçons de Matines sont tirées d’un sermon de saint Grégoire 1er, que ce grand pape prononça, il y a plus de 1300 ans, dans une cérémonie liturgique de la Pentecôte, à Saint-Pierre de Rome. (Ces leçons nous indiquent qu’à cette époque (vers 600) et certainement aussi, longtemps avant, les deux lectures de la messe étaient les mêmes).
            
“ Et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous établirons notre demeure chez lui. Considérez, très chers frères, quelle dignité c’est que de donner l’hospitalité à Dieu dans son cœur ! Si un ami riche ou puissant venait dans notre maison, est-ce qu’on ne nettoierait pas en toute hâte la maison, afin qu’il ne s’y trouvât rien qui pût déplaire à l’ami au moment de son entrée ? Qu’il écarte donc les souillures des mauvaises œuvres, celui qui prépare la maison de son cœur pour Dieu ! Mais observez bien ce que dit la divine vérité : “ Nous viendrons et nous établirons notre demeure chez lui ”. Dieu vient sans doute dans le cœur de certains hommes, mais il ne prend pas demeure en eux, car bien qu’ils cherchent Dieu au temps de la componction, au temps de la tentation ils oublient tout ce qui les avait amenés à la componction et ils reviennent à leur ancienne vie de péché, comme s’ils n’avaient jamais pleuré leurs péchés ”.
             
Les Laudes sont la prière du matin, dans laquelle nous unissons la louange matinale de la Création à la célébration de la nouvelle Création spirituelle opérée par le Saint-Esprit.
          
Parmi les petites Heures (prières du jour), l’Heure de tierce (qui se récite vers 9 heures) a une importance particulière, parce que c’est justement à cette heure-là que le Saint-Esprit descendit, le jour de la Pentecôte C’est pourquoi Tierce est consacrée, toute l’année, au Saint-Esprit (chaque jour, dans l’hymne, on implore sa descente). Pendant toute l’Octave, cette petite Heure est caractérisée par ce fait qu’on y chante la belle hymne : Veni Creator.
          
2. La messe (Spiritus Domini). — L’Église s’adapte encore d’une manière précise à la succession du temps. Cinquante jours après Pâques, l’Église se réunit dans le “ Cénacle” de la maison de Dieu. Elle se réunit vers la “ troisième heure” (l’heure de tierce — 9 heures — est consacrée au Saint-Esprit ; c’est aussi, les jours de fêtes, l’heure où l’Église désire que l’on célèbre la messe), et attend la plénitude du Saint-Esprit dans le sacrifice eucharistique. La messe de la fête est donc la célébration du mystère de la descente du Saint-Esprit. Nous sommes à Saint-Pierre, l’église des peuples, comme jadis, le jour de la première Pentecôte, les peuples de toutes langues se rassemblaient autour du Cénacle. Introït : L’Esprit vit désormais dans les cœurs des hommes de tous les peuples ; il unit les langues alors que le péché les avait brouillées. Dans le psaume 67, nous chantons le triomphe de l’Église à travers les temps. La leçon décrit le miracle historique de la Pentecôte. Ce miracle se renouvelle et, même, se réalise d’une manière plus complète qu’alors. Et pourtant, le miracle de la Pentecôte est loin d’être achevé en nous. Tant que nous vivons et tant que l’Église demeure sur la terre, il faut que les langues de feu descendent sur nous. C’est pourquoi les textes contiennent de si instantes implorations : “ Veni — Viens. Saint-Esprit... ” (Alleluia et Séquence) Ce Veni Sancte Spiritus n’est pas une parole de l’Écriture ; c’est un texte composé par l’Église. Mais il lui est si cher : qu’elle le chante et le récite à genoux. Il a quelque chose du Maranatha de la primitive Église. La Séquence n’est qu’une méditation sur cet impérissable “ Veni Sancte Spiritus ”. Dans l’Evangile, (le dernier passage du discours d’adieu qui parle du Saint-Esprit), le Seigneur lui-même décrit l’action du Saint-Esprit : il fait de nous le temple de la Trinité (pensée chère à saint Paul et à la primitive Église), il est notre docteur et notre inspirateur, il nous confère le don de la paix, il nous insuffle l’esprit du martyre. Ce don, nous le recevons, aujourd’hui et chaque jour, dans le sacrifice eucharistique. Une pièce d’une particulière beauté est l’Offertoire. En tant que rois (nous avons été remplis de l’esprit des princes), nous faisons notre procession d’offrande vers Jérusalem (c’est notre autel) ; nous portons nos présents et nous demandons le renouvellement de la Confirmation (confirma) et l’affermissement de l’œuvre pascale en nous (la Pentecôte est l’achèvement de Pâques). La communion est le renouvellement de l’envoi du Saint-Esprit et le miracle de la Pentecôte s’accomplit en nous (Comm.).
         
3. Le miracle de la Pentecôte. — Racontons maintenant comment le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres. Comme on le sait, après l’Ascension du Seigneur les Apôtres et les disciples retournèrent à Jérusalem. Ils demeurèrent ensemble dans la salle du Cénacle, dans ce lieu sacré où le Sauveur était si souvent apparu, dans ce lieu qui fut la première église chrétienne. Ils étaient rassemblés, là, environ 120 personnes. C’est là qu’ils élurent Matthias Apôtre à la place du malheureux Judas ; c’est là qu’ils prièrent et qu’ils attendirent le Saint-Esprit. Dix jours étaient passés depuis l’Ascension du Seigneur. C’était un dimanche, un jour de Résurrection ; vers 9 heures du matin, ils se trouvaient réunis et ils priaient avec ferveur. C’est alors que le Saint-Esprit descendit sur eux. Remarquons bien que tous les grands événements, dans la vie du Christ, se produisirent pendant qu’il priait. Au moment où le Sauveur, après son baptême, priait, le ciel s’ouvrit et le Saint-Esprit apparut sous la forme d’une colombe ; de même, c’est pendant qu’il priait sur le mont Thabor que le Seigneur fut transfiguré. Sans doute, c’est pendant qu’elle priait que la Sainte Vierge reçut le message de l’ange et fut couverte de l’ombre du Saint-Esprit. Il en est de même ici. C’est par la prière que la petite communauté prépara la voie à l’Esprit qui descendit sur elle. Il en est de même aujourd’hui à la messe et, en définitive, dans toutes les messes. Par la prière, nous rendons notre âme apte à recevoir le Saint-Esprit. La descente du Saint-Esprit sur les Apôtres fut, il est vrai, intérieure et invisible, mais elle fut accompagnée de manifestations extérieures. Ces manifestations furent les suivantes : Il se fit un grand bruit, comme si avait soufflé un vent violent. Ce bruit vint soudain du ciel ; ce n’était pas une tempête qui faisait rage autour de la maison, mais ce bruit remplit toute la maison ; le Cénacle où ils étaient assis. Ce n’était donc pas un vent naturel, mais un miracle de Pentecôte. La seconde manifestation consista en des langues de feu qui se reposèrent sur chacun des Apôtres et des disciples. Ces langues étaient le signe visible qui indiquait la venue du SaintEsprit en eux. Quand nous célébrons aujourd’hui la sainte messe, surtout au moment de la Communion, la force du Saint-Esprit descend aussi sur nous. Sans doute nous ne voyons pas de langues de feu, mais nous recevons tout ce qu’indiquent les langues de feu. On nous parle encore d’un troisième effet extérieur de la descente du Saint-Esprit. Les Apôtres et les disciples purent parler en plusieurs langues. L’Écriture nous raconte encore qu’en entendant le grand bruit, de nombreux pèlerins, venus pour la fête, se hâtèrent vers le Cénacle. La Pentecôte, en effet, était une des trois grandes fêtes juives pour lesquelles les Juifs devaient se rendre à Jérusalem. A ces fêtes, venaient aussi, volontiers, des Juifs des pays étrangers, et aussi des païens qui avaient adopté la religion juive. Il y avait donc là une multitude variée de gens qui parlaient toutes sortes de langue. Ce furent ces gens qui vinrent. Alors, s’avancèrent les Apôtres. Ces hommes, jusque-là si timides et qui se renfermaient par peur, sortirent de la maison et chacun se mit à parler dans une langue différente. Les étrangers furent frappés de stupeur. Les Apôtres n’étaient pourtant que de simples Galiléens qui ne savaient que leur langue maternelle, et voilà qu’ils parlaient dans toutes les langues du monde. Comment cela pouvait-il se faire ? Mais les juifs malveillants ne tardèrent pas à arriver à leur tour. Ils voulurent détruire l’effet du miracle de la Pentecôte. Tous ces Galiléens, dirent-ils, sont ivres et c’est dans l’ivresse qu’ils prononcent ces paroles. Mais Pierre fut prompt à la riposte. Il dit immédiatement : Non, frères, ce n’est pas cela ; nous ne sommes pas ivres. Il n’est que 9 heures du matin et les hommes ne sont pas ivres à cette heure-là. Mais ce que vous voyez est l’accomplissement de la prophétie de Joël qui dit : Aux jours du Messie, Dieu répandra son Esprit sur les hommes et ils prophétiseront... Puis, Pierre reproche aux Juifs d’avoir mis Jésus à mort en le suspendant à la Croix. Cependant, Dieu l’a ressuscité. Remonté au ciel, il a envoyé le Saint-Esprit sur. les Apôtres. — Quand les nombreux pèlerins eurent entendu le premier sermon de Pentecôte, ils rentrèrent en eux-mêmes et demandèrent à Pierre : Que devons-nous faire ? Pierre répondit : Convertissez-vous, faites-vous baptiser, alors vous recevrez le don du Saint-Esprit. En ce même jour, 3.000 personnes reçurent le baptême.
           
Nous nous demanderons peut-être : quelle est l’importance du miracle des langues ? Rappelons-nous la tour de Babel. Les hommes, alors, voulurent, dans leur orgueil, élever une tour jusqu’au ciel. Dieu, pour les punir, brouilla leurs langages. Le péché sépara et désunit les hommes. Mais le Christ est venu pour rassembler tous les hommes dans une seule Église et les unir avec lui. Il faut qu’il n’y ait plus désormais qu’une seule famille de peuples. C’est ce que veut indiquer le miracle des langues. Nous aussi, chrétiens, nous avons reçu un don des langues qui fait que tous les hommes nous comprennent. Ce don des langues, c’est la charité qui a été répandue en nous par le Saint-Esprit. La charité unit tous les peuples ; par la charité, on peut se faire entendre de tous les hommes.