CINQUIEME DIMANCHE APRES PAQUES

Demandez et vous recevrez.
               
Que ce dimanche soit entièrement dominé par les pensées de la prière, cela apparaît déjà dans les deux antiennes directrices du matin et du soir. “ Jusqu’ici vous n’avez rien demandé en mon nom : demandez et vous recevrez” (Ant. Bened.). “ Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit pleine ; le Père lui-même vous aime, parce que vous m’aimez et que vous croyez en moi, Alleluia ” (Ant. Magn.)
           
1. La. messe (Vocem jucunditatis). — Plus le départ du Christ approche, plus est grande la JubilatIon de l’Alleluia (l’Église ne s’attache pas à un deuil sentimental du départ) : “ Que le cri de la joie résonne et que tous l’entendent : Alleluia ! Annoncez-le jusqu’aux extrémités de la terre : le Seigneur a racheté son peuple, Alleluia, Alleluia ”. De nouveau, nous chantons le cantique de l’action de grâces pour la délivrance de l’exil. C’est le psaume 65, le canticum resurrectionis (Intr.). Dans l’oraison, notre Mère l’Église demande pour nous deux dons importants : que nous comprenions la dignité de l’état de chrétien et que nous vivions conformément à cet état. L’oraison nous fait déjà pressentir les pensées des deux lectures. L’Évangile se préoccupe toujours volontiers du dogme et du mystère, alors que l’Épître nous instruit plutôt de la morale et de la vie. C’est le cas, ici. L’Épître nous fait pénétrer dans la vie chrétienne pratique. Depuis le troisième dimanche, l’Église s’efforce de nous former à la vie rude. L’Apôtre saint Jacques qui, la semaine dernière, nous a donné tant de leçons substantielles et pratiques, se fait, aujourd’hui encore, notre prédicateur. Cet homme qui, à force de prier, avait des “ durillons” aux genoux, est parfaitement qualifié pour être notre docteur en ce dimanche de prière. Il développe l’une des demandes de l’oraison. Il ne suffit pas d’écouter la parole de Dieu, il faut la pratiquer ; il faut mettre un frein à sa langue et se garder pur de ce monde. L’Alleluia est comme un écho de l’Épître. Nous devons être de petits soleils, des lumières, un reflet du Ressuscité qui se lève au-dessus de nous comme le Soleil de Pâques. Le second verset est une pièce magnifique :
“ Je suis sorti de mon Père
Et je suis venu dans le monde ;
Je quitte de nouveau le monde
Et je vais à mon Père ”.
L’Église nous expose toute la vie du Seigneur dans ces quatre phrases brèves et majestueuses. Comme quatre colonnes, elles portent l’œuvre de la Rédemption. Mais, en chantant ces paroles, nous pouvons nous en faire l’application. Nous pouvons tous les jours les redire. A l’Évangile, le Seigneur nous donne sa parole sacrée que la prière faite en son nom sera exaucée. C’est vraiment, en ce dimanche de prière, le “ joyeux message” sur lequel s’appuient les trois jours qui vont suivre. Ensuite, le Seigneur parle de l’éclat du temps messianique. L’ère messianique est le commencement, pour les enfants de Dieu, de deux grands bienfaits. Ils trouvent un cœur paternel qui leur est ouvert (la prière au nom de Jésus). Le Saint-Esprit exprime sans image, d’esprit à esprit, ta vérité intérieure. La réalisation de ces bienfaits, nous la trouvons dans toute la vie liturgique cultuelle de l’Église. Le Christ, dans cet Évangile, a donné la plus belle définition de la sainte liturgie. Envisagée de notre point de vue, c’est la parole, la prière adressée au Père au nom de Jésus ; du point de vue de Dieu, c’est la manifestation sans voile de la vérité et la communication directe de la grâce par notre Père céleste à ses enfants. Les quatre magnifiques phrases de la bouche du Seigneur sont comme la conclusion et le résumé de sa vie avant son Ascension. Il veut, avant son départ, nous dire encore une fois : voilà quelle fut mon œuvre ! A l’Offertoire, nous chantons encore le cantique pascal (Ps. 65). Dans la personne des néophytes, nous remercions le Seigneur de ce qu’il “ a donné la vie à notre âme ” et nous a délivrés des filets de Satan. A la Secrète, nous demandons que passant par les fêtes eucharistiques, nous puissions arriver à la gloire céleste ” (par conséquent, que nous puissions suivre le Seigneur au ciel). L’antienne de la Communion est, elle aussi, remplie de jubilation et de joie.
           
2. Lecture d’Écriture (1 Pierre, 1, 1-21). — Cette semaine, l’Église nous fait lire les deux Épîtres de l’Apôtre saint Pierre. Ce sont les lettres pastorales du premier pape à l’Église. Nous lirons donc ces deux Épîtres avec un grand respect. Au début de la première Épître, saint Pierre parle, en termes solennels, de la vie de la grâce. “ Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés par la Résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour une vivante espérance, pour un héritage incorruptible, sans souillure et inflétrissable, qui vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi pour le salut, qui est prêt à se manifester au dernier moment. Dans cette pensée, vous tressaillez de joie, bien qu’il vous faille encore, pour un peu de temps, être affligés par diverses épreuves, afin que l’épreuve de votre foi, beaucoup plus précieuse que l’or périssable qu’on ne laisse pourtant pas d’éprouver par le feu, vous soit un sujet de louange, de gloire et d’honneur, lorsque se manifestera Jésus-Christ. Vous l’aimez sans l’avoir jamais vu ; vous croyez en lui bien que, maintenant encore, vous ne le voyiez pas. C’est pourquoi vous tressaillerez d’une joie ineffable et pleine de gloire, quand vous aurez atteint le but de votre foi, le salut de votre âme ”. Ensuite, saint Pierre exhorte à la conduite sainte : “ Soyez saints dans toute votre conduite, comme est saint celui qui vous a appelés ”. Il est écrit, en effet : “ Soyez saints parce que je suis saint ”. Si vous donnez le nom du Père à celui qui, sans acception de personne, juge chacun selon ses œuvres, vivez dans la crainte ; pendant que vous êtes des étrangers ici-bas. Vous savez, en effet, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous teniez de vos pères, non par des biens périssables, de l’or et de l’argent mais par le sang précieux du Christ qui est comme un Agneau innocent et immaculé. Il a été choisi pour cela, dès avant la création du monde, et est apparu dans les derniers temps à cause de vous. C’est par lui que vous êtes parvenus à la foi en Dieu qui l’a ressuscité des morts et l’a glorifié. Ainsi votre foi est en même temps, votre espérance Dieu ”.
              
3. Les enseignements liturgiques de ce dimanche. — Nous avons déjà pu observer, pendant les deux derniers dimanches, que l’Église dirige notre regard vers l’avenir. La Pentecôte est précisément, dans l’esprit de la liturgie, l’époque de la maturité. A Pâques, nous avons reçu de nouveau la filiation divine ; à la Pentecôte, nous devons recevoir la maturité spirituelle. A la Pentecôte, l’Église nous laisse aller dans le monde : nous sommes des chrétiens complets. C’est pourquoi, dans la seconde moitié du temps pascal, la liturgie s’est appliquée à nous donner des leçons et des avis pratiques. Le troisième dimanche, elle nous dit que nous sommes des étrangers et que nous n’appartenons pas au monde ; le quatrième dimanche, elle nous a lu l’Épître : si pratique, de saint Jacques et nous a exhortés à la patience. Aujourd’hui encore, nous recevons une série de conseils pour notre vie. Le Sauveur nous recommande très instamment la prière fervente en son nom et l’Épître de saint Jacques nous donne des leçons pratiques.
            
Mais nous découvrons, aujourd’hui à la messe, trois enseignements particuliers pour une association liturgique ou pour les amis de la liturgie.
            
1. Le premier enseignement est la prière au nom de Jésus. Qu’est-ce qu’une prière au nom de Jésus ? C’est une prière faite selon les intentions du Christ et appuyée sur les mérites du Christ, mais aussi une prière dont les demandes puissent être soutenues. par le Christ. Cette prière n’est autre que la prière liturgique. La prière liturgique se fait au nom de l’Église et du Christ ; c’est la prière du corps mystique du Christ. Combien la prière liturgique est élevée au-dessus de la prière privée ! Dans la prière privée, c’est le moi qui prie ; dans la prière liturgique, c’est l’Église. Ma prière privée n’a de valeur qu’autant que j’en ai moi-même devant Dieu ; quant à la prière de l’Église, elle a toujours une grande valeur, car l’Église est l’Épouse sans tache du Christ, son corps mystique. Quand l’Église prie, c’est le Christ qui prie ; sa prière est donc, au sens le plus élevé, la prière au nom du Christ.
            
Quelles sont ces prières liturgiques faites au nom de Jésus ? D’abord le bréviaire. Ce n’est pas la prière du prêtre, mais la prière de l’ensemble de l’Église. Certes, les fidèles ne peuvent pas réciter cette prière tout entière, mais ils peuvent en réciter quelques parties avec l’Église. La messe, aussi, est une prière de l’Église ; c’est même la plus sublime prière au nom de Jésus. Dans chaque messe, nous ne nous contentons pas d’en appeler à la parole du Christ, mais nous recevons de lui un gage : nous pouvons offrir au Père céleste son corps et son sang. Rappelons-nous aussi que chaque oraison se termine ainsi : “ Par Notre-Seigneur Jésus-Christ ”, ce qui veut dire que le Sauveur est le médiateur de cette prière. Chrétiens, cultivons avec ardeur la prière liturgique.
             
2. Nous découvrons encore un second enseignement liturgique dans la messe d’aujourd’hui. Le Seigneur nous expose, à grands traits, sa vie de Rédempteur : “ Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde ; je quitte de nouveau le monde et je vais au Père ”. L’Église souligne ces paroles en les chantant à l’Alleluia. Elle veut donc que nous leur donnions une attention particulière et que nous les méditions. Si nous les examinons de plus près, nous verrons que le Seigneur indique, par là, le double cycle festival de l’année liturgique. “ Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde ”, c’est le cycle de Noël. “ Je quitte de nouveau le monde et je vais au Père ”, c’est le contenu principal du cycle pascal : La messe d’aujourd’hui nous recommande donc de vivre en union avec l’année liturgique. Mais nous entendons encore, de la bouche du Seigneur, une parole mystérieuse : “ Je vous ai dit ces choses en paraboles. Mais l’heure vient où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais je vous parlerai ouvertement du Père ”. Que veut dire cela ? La vie du Christ, ses miracles et ses actions étaient. des figurés de son action dans l’Église et dans les âmes. Notre tâche est d’étudier la vie du Seigneur et d’y voir l’image de son action salutaire en nous. Cela nous donne la clef qui nous fera pénétrer réellement dans le sens de la Sainte Écriture. Nous ne nous appliquerons pas à voir dans l’Évangile uniquement le récit. historique ; ce n’est. pas la manière de la liturgie. L’Église ne veut pas nous annoncer du passé, mais du présent. Les dispositions, les pensées, les sentiments, les actions du Christ sont aujourd’hui les mêmes qu’autrefois. Le Christ, autrefois, “ disait ces choses en paraboles” ; il nous parle aujourd’hui sans paraboles. Il faut donc que nous considérions les faits évangéliques dans notre cœur. Les paroles du Christ nous sont adressées à nous aussi, ou bien elles sont. prononcées pour noua. Toute la plénitude des évangiles appartient aussi à l’Église et, dans l’Église, nous appartient. Quand nous lisons dans l’Évangile le récit des miracles du Christ, quelle en est la signification, sinon celle que l’Église nous indique ? C’est une Image de l’action du Christ dans notre âme. Jadis, le Seigneur guérissait. les maladies corporelles ; il guérit, actuellement, les maladies de l’âme. Jadis, le Seigneur ressuscitait les morts ; il ressuscite, maintenant, les morts spirituels. Bref, toute la vie du Seigneur, avec ses miracles et ses actions, est une grande image, une figure de son action dans l’Église et dans les âmes Tel est le second enseignement pour les amis de la liturgie.
              
Nous accueillons avec joie et reconnaissance let deux premiers enseignements. Nous en recevons un troisième, un avis, qui, peut être, nous fera rougir ; “ Ne vous contentez pas d’écouter la parole, mettez-la aussi en pratique ; autrement, vous vous trompez vous-mêmes ”. Que veut dire cela ? L’Église nous dit. c’est très bien d’aller exactement aux offices, d’écouter les paroles du prédicateur, bref, de participer avec zèle aux solennités de la sainte liturgie. Mais ce n’est pas assez. Vous devez aussi, dans le monde, vous conduire selon l’esprit de la liturgie. Le chrétien liturgique a aussi des devoirs dans le monde. Nous sommes assurément les enfants de prédilection de l’Église et du Christ ; c’est pourquoi nous avons le devoir strict de transporter la liturgie dans notre vie. Rappelons-nous la prière que nous faisons le dimanche blanc : nous devons garder l’esprit de Pâques dans notre conduite et notre vie. Nous pouvons en dire autant de chaque fête, de chaque dimanche. Ce que nous avons fêté aujourd’hui doit se réaliser pendant toute la semaine dans notre vie. Les chrétiens liturgiques doivent être des chrétiens pratiques. Saint Jacques, le grand homme de prière, l’Apôtre liturgique, nous indique comment nous devons faire. Il nous dit : Si vous voulez vraiment être liturgiques, exercez aussi la liturgie de la vie ; gardez votre langue, prenez soin des pauvres, gardez-vous des souillures de ce monde. La langue qui, dans les saintes solennités, loue le Seigneur, la langue qui se rougit du sang du Christ, doit rester sainte. L’âme qui, dans les offices religieux, appelle Dieu son Père, doit, dans le monde, traiter les hommes comme des frères. Le corps qui sert Dieu dans la liturgie doit aussi se garder des souillures du monde.
           
Tel est l’idéal des chrétiens liturgiques : prier avec !’Église, vivre avec l’Église et l’année liturgique, et faire passer la liturgie dans la vie.