Nos relations sont au ciel
Nous approchons de plus en plus de la fin ; l’Église
se montre artiste dans le développement dramatique du thème de la parousie. Comme
elle nous a fait jouer, depuis le XVIIIe dimanche après la
Pentecôte, toute la gamme des accords de la parousie, depuis la profonde
nostalgie jusqu’à la crainte salutaire du jugement ! Sur ce dimanche-ci
nous pouvons placer la légende suivante : Bienheureux retour. Aussi bien
noùs offre-t-il une belle unité de pensées : Je crois à une résurrection
de la chair. Notre patrie est au ciel ; le Christ reconstituera notre
corps : nos noms sont écrits au livre de vie (Ép.) ; le
résultat de la venue du Christ est la délivrance de la maladie et la
résurrection du corps, conformément à l’image de la guérison évangélique et à
la résurrection de la jeune fille (Év.). Nous demandons d’être délivrés
des liens du péché (Or.) et, de la prison de la vie matérielle d’ici-bas,
nous lançons un appel chargé d’ardents désirs (Grad., Offert.).
1. La Messe (Dicit Dominus). —
Les chants de ce dimanche sont plus joyeux, plus consolants que ceux de
dimanche dernier. Le thème du retour passe à travers la plupart
d’entre eux (Intr., Ali., Off.). Aujourd’hui nous entrons dans le
sanctuaire et nous sommes agréablement surpris d’y voir le. Seigneur ,sur son
trône avec le message de paix : l’exil touche a sa fin ; Il ne veut
pas être un juge, mais un sauveur, un “ pacificateur ”. Le mot paix
désigne ici la béatitude éternelle. Le jugement dernier ne doit pas être un
Dies irae (jour de la colère), mais un retour dans la céleste patrie
(c’est-à-dire la paix). Qu’ils sont aimables les accents du psaume 84 ! Le
clergé entrant en ornements de fête est le symbole du retour des enfants de
Dieu. Le temps -de l’exil approche de sa fin, le retour dans la Jérusalem
céleste est proche. “ La justice et la paix s’embrassent ” ; (comme
préparation à cette messe, il faut méditer le psaume tout entier). Les chaînes
doivent tomber ; celles-ci n’ont pas été forgées par les hommes, comme
celles que porte saint Paul (Ép.), mais ce sont les chaînes du péché
dont nous demandons, dans l’Oraison, d’être délivrés. De nouveau,
l’Église (saint Paul aux Philippiens) se tient devant ses enfants comme une
mère tendrement suppliante (Ép.) : en prévision du retour, elle dit
aux tièdes en paroles touchantes, parmi ses larmes, de ne pas être “ ennemis de
la croix du Christ ”, de ne pas faire de “ leur ventre leur Dieu ” et de ne pas
mener une vie terrestre ; aux fidèles, dont “ les noms sont dans le livre
de vie ”, “ sa joie, sa couronne ”, elle adresse de cordiales paroles
d’encouragement ; ils se considèrent comme des étrangers sur terre et
aspirent à la patrie : “ leurs relations sont déjà au ciel ”, ils mènent
une vie céleste ; leur patrie est le ciel, “ d’où ils attendent le
Seigneur Jésus-Christ qui transformera leur misérable corps en sorte qu’il
devienne semblable au corps de sa splendeur ” (c’est le passage capital de l’Epître
et à la fois le commentaire de l’Evangile ; car ce qui est dit
ici sous forme d’enseignement est présenté dans l’Evangile sous le
revêtement de l’image. Actuellement, le. Christ transforme les âmes par
l’Eucharistie, les reveille de la mort spirituelle et les guérit de toutes les
maladies morales ; un jour, il réveillera et guérira aussi le corps).
Alors nous reconnaîtrons que ce que nous nommions mort n’était qu’un sommeil. —
Nous nous pénétrons si bien de la pensée de ce bienheureux retour que nous le
voyons déjà pour ainsi dire présent, et nous nous écrions avec des accents de
jubilation : “ Nous sommes délivrés ” de cette vallée de larmes, délivrés
de tous les oppresseurs (Grad.). L’Alleluia chante le radieux
appel de notre foi en la résurrection au retour du Seigneur (le célèbre De
profundis). Les antiennes de l’Offertoire et de la communion sont également
aujourd’hui des cantiques de retour dans la céleste patrie ; la première
exprime un ardent désir (Off.), la seconde une foi joyeuse (Comm.). L’antienne
de la communion est développée dans le psaume 129. Ce psaume du désir et de la
pénitence a une force toute particulière quand on le rapproche de la promesse
que le Christ a faite d’exaucer nos prières. — Au Saint Sacrifice se vérifie
aussi ce que l’Épître et l’Evangile nous annoncent :
l’Eucharistie est bien le gage de la glorification future ; dans
l’Eucharistie nous avons le germe de la transfiguration de notre vie
terrestre ; le contact avec l’Eucharistie donne à l’âme santé et jeunesse
— mais au corps aussi. C’est ainsi que l’Evangile est l’image des effets
du Saint Sacrifice.
2. La résurrection de la chair.
— L’Église nous présente aujourd’hui l’avant-dernier article de notre
profession de foi : Je crois à la résurrection de la chair. Selon
son habitude, l’Église met sous nos yeux cet article de foi à l’aide d’une
image facilement intelligible et, en même temps, nous en indique les
conséquences pratiques pour la vie.
1) En premier lieu, elle nous enseigne par une image le
fait de la résurrection de la chair : c’est l’image de la femme atteinte
d’un flux de sang et la résurrection de la fille de Jaïre. L’Église veut nous
dire par là : Voyez, de même que le Seigneur a guéri instantanément la
femme malade, au contact de son vêtement, de même en sera-t-il au jugement
dernier ; alors, toutes les maladies et toutes les souffrances
disparaîtront. Et de même que la jeune fille a été ressuscitée par la puissance
de la parole du Christ, ainsi les morts se lèveront de leurs tombes et fleuriront
d’une jeunesse toute nouvelle. Si nous visitons à pareil jour le cimetière,
nous pouvons dire avec le Sauveur : Ceux qui sont couchés ici dans leurs
tombes sont seulement endormis. Ce que nous nommions jusqu’ici mort n’est qu’un
sommeil. Oui, nous croyons fermement à la résurrection de la chair.
2) Mais l’Église ne nous inculque pas seulement le fait de
la résurrection, elle nous enseigne encore le comment de la résurrection. Ici
se dresse devant nous le Docteur des nations qui nous parle dans
l’Épître : Nous, chrétiens, nous n’appartenons pas à la terre, nous sommes
une colonie de citoyens du ciel, et notre patrie est le ciel. Même quand nos
pieds touchent à la terre, nous sommes déjà de cœur au ciel. Sans doute, nous
portons encore actuellement un misérable corps, sujet aux maladies, aux
infirmités, aux péchés et à la mort. Mais cela ne durera pas ; nous
attendons l’avènement de notre Sauveur, Jésus-Christ, qui transformera notre
corps humilié et le rendra semblable à son corps glorifié. C’est là une parole
particulièrement consolante. Nous savons donc que nous ressusciterons au
jugement dernier : notre âme sera réunie à notre corps, mais ce corps sera
glorifié et deviendra semblable au corps glorifié du Christ lors de sa
résurrection. Quel était l’état du corps glorieux du Ressuscité ? Il
n’était plus soumis à la souffrance ni au changement, il était spiritualisé, il
était immortel, il était élevé à une beauté parfaite. C’est ainsi, chrétiens,
que notre corps sera lui aussi glorifié. Soyons remplis de cette espérance !
3) Maintenant à l’œuvre ! Notre transfiguration
corporelle dans l’au-delà doit être précédée de notre transfiguration
spirituelle sur terre. Dès cette terre nous devons être spiritualisés ; à
cette condition seulement, nous serons aptes à être transfigurés corps et âme.
La messe d’aujourd’hui nous trace le chemin : a) L’Épître
dit : Quittez l’homme de chair ; saint Paul gémit en pleurant de ce
que beaucoup de chrétiens se comportent en ennemis de la croix ; leur fin
est la corruption, leur Dieu est leur ventre. b) L’oraison demande que
nous soyons délivrés des chaînes de nos péchés, dans lesquelles nous sommes
retenus à cause de notre fragilité. c) C’est pourquoi l’Église nous fait
pousser deux fois un cri d’appel : “ Du fond de l’abîme je crie vers toi,
Seigneur. ” C’est le cri implorant le détachement des choses de la terre. d)
Aux attributs du corps glorifié doivent correspondre dès maintenant des
vertus semblables : Puisque nous devons être là-haut soustraits à la
souffrance, il nous faut ici-bas nous libérer des satisfactions sensibles et
surmonter toutes les souffrances et peines de la vie. Puisque là-haut nous
devons être spiritualisés, il nous faut ici-bas renoncer à toutes les attaches
de la sensualité, aux plaisirs des yeux et de la chair. Puisque là-haut nous
devons être délivrés de tous les liens de la matière, il nous faut ici-bas
avoir du zèle pour le bien. Enfin, puisque là-haut notre corps doit briller
d’une beauté étincelante et d’une jeunesse nouvelle, il nous faut ici-bas
travailler à la beauté de notre âme.
Nous avons un moyen de préparer la résurrection de la
chair et la glorification du corps. Ce moyen, c’est la Sainte
Eucharistie ; elle est le sacrement de la glorification par lequel nous “
deviendrons participants de la divinité ”. Le contact avec le corps très saint
du Christ nous rendra semblables à son corps glorieux. De même que, dans l’Evangile
d’aujourd’hui, la femme malade fut guérie par l’attouchement des vêtements du
Christ, de même, par le contact avec le corps du Christ dans l’Eucharistie,
notre âme sera guérie, et nous serons ainsi préparés à la glorification
corporelle et spirituelle.