VINGT-TROISIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE

Nos relations sont au ciel
Nous approchons de plus en plus de la fin ; l’Église se montre artiste dans le développement dramatique du thème de la parousie. Comme elle nous a fait jouer, depuis le XVIIIe dimanche après la Pentecôte, toute la gamme des accords de la parousie, depuis la profonde nostalgie jusqu’à la crainte salutaire du jugement ! Sur ce dimanche-ci nous pouvons placer la légende suivante : Bienheureux retour. Aussi bien noùs offre-t-il une belle unité de pensées : Je crois à une résurrection de la chair. Notre patrie est au ciel ; le Christ reconstituera notre corps : nos noms sont écrits au livre de vie (Ép.) ; le résultat de la venue du Christ est la délivrance de la maladie et la résurrection du corps, conformément à l’image de la guérison évangélique et à la résurrection de la jeune fille (Év.). Nous demandons d’être délivrés des liens du péché (Or.) et, de la prison de la vie matérielle d’ici-bas, nous lançons un appel chargé d’ardents désirs (Grad., Offert.).
1. La Messe (Dicit Dominus). — Les chants de ce dimanche sont plus joyeux, plus consolants que ceux de dimanche dernier. Le thème du retour passe à travers la plupart d’entre eux (Intr., Ali., Off.). Aujourd’hui nous entrons dans le sanctuaire et nous sommes agréablement surpris d’y voir le. Seigneur ,sur son trône avec le message de paix : l’exil touche a sa fin ; Il ne veut pas être un juge, mais un sauveur, un “ pacificateur ”. Le mot paix désigne ici la béatitude éternelle. Le jugement dernier ne doit pas être un Dies irae (jour de la colère), mais un retour dans la céleste patrie (c’est-à-dire la paix). Qu’ils sont aimables les accents du psaume 84 ! Le clergé entrant en ornements de fête est le symbole du retour des enfants de Dieu. Le temps -de l’exil approche de sa fin, le retour dans la Jérusalem céleste est proche. “ La justice et la paix s’embrassent ” ; (comme préparation à cette messe, il faut méditer le psaume tout entier). Les chaînes doivent tomber ; celles-ci n’ont pas été forgées par les hommes, comme celles que porte saint Paul (Ép.), mais ce sont les chaînes du péché dont nous demandons, dans l’Oraison, d’être délivrés. De nouveau, l’Église (saint Paul aux Philippiens) se tient devant ses enfants comme une mère tendrement suppliante (Ép.) : en prévision du retour, elle dit aux tièdes en paroles touchantes, parmi ses larmes, de ne pas être “ ennemis de la croix du Christ ”, de ne pas faire de “ leur ventre leur Dieu ” et de ne pas mener une vie terrestre ; aux fidèles, dont “ les noms sont dans le livre de vie ”, “ sa joie, sa couronne ”, elle adresse de cordiales paroles d’encouragement ; ils se considèrent comme des étrangers sur terre et aspirent à la patrie : “ leurs relations sont déjà au ciel ”, ils mènent une vie céleste ; leur patrie est le ciel, “ d’où ils attendent le Seigneur Jésus-Christ qui transformera leur misérable corps en sorte qu’il devienne semblable au corps de sa splendeur ” (c’est le passage capital de l’Epître et à la fois le commentaire de l’Evangile ; car ce qui est dit ici sous forme d’enseignement est présenté dans l’Evangile sous le revêtement de l’image. Actuellement, le. Christ transforme les âmes par l’Eucharistie, les reveille de la mort spirituelle et les guérit de toutes les maladies morales ; un jour, il réveillera et guérira aussi le corps). Alors nous reconnaîtrons que ce que nous nommions mort n’était qu’un sommeil. — Nous nous pénétrons si bien de la pensée de ce bienheureux retour que nous le voyons déjà pour ainsi dire présent, et nous nous écrions avec des accents de jubilation : “ Nous sommes délivrés ” de cette vallée de larmes, délivrés de tous les oppresseurs (Grad.). L’Alleluia chante le radieux appel de notre foi en la résurrection au retour du Seigneur (le célèbre De profundis). Les antiennes de l’Offertoire et de la communion sont également aujourd’hui des cantiques de retour dans la céleste patrie ; la première exprime un ardent désir (Off.), la seconde une foi joyeuse (Comm.). L’antienne de la communion est développée dans le psaume 129. Ce psaume du désir et de la pénitence a une force toute particulière quand on le rapproche de la promesse que le Christ a faite d’exaucer nos prières. — Au Saint Sacrifice se vérifie aussi ce que l’Épître et l’Evangile nous annoncent : l’Eucharistie est bien le gage de la glorification future ; dans l’Eucharistie nous avons le germe de la transfiguration de notre vie terrestre ; le contact avec l’Eucharistie donne à l’âme santé et jeunesse — mais au corps aussi. C’est ainsi que l’Evangile est l’image des effets du Saint Sacrifice.
2. La résurrection de la chair. — L’Église nous présente aujourd’hui l’avant-dernier article de notre profession de foi : Je crois à la résurrection de la chair. Selon son habitude, l’Église met sous nos yeux cet article de foi à l’aide d’une image facilement intelligible et, en même temps, nous en indique les conséquences pratiques pour la vie.
1) En premier lieu, elle nous enseigne par une image le fait de la résurrection de la chair : c’est l’image de la femme atteinte d’un flux de sang et la résurrection de la fille de Jaïre. L’Église veut nous dire par là : Voyez, de même que le Seigneur a guéri instantanément la femme malade, au contact de son vêtement, de même en sera-t-il au jugement dernier ; alors, toutes les maladies et toutes les souffrances disparaîtront. Et de même que la jeune fille a été ressuscitée par la puissance de la parole du Christ, ainsi les morts se lèveront de leurs tombes et fleuriront d’une jeunesse toute nouvelle. Si nous visitons à pareil jour le cimetière, nous pouvons dire avec le Sauveur : Ceux qui sont couchés ici dans leurs tombes sont seulement endormis. Ce que nous nommions jusqu’ici mort n’est qu’un sommeil. Oui, nous croyons fermement à la résurrection de la chair.
2) Mais l’Église ne nous inculque pas seulement le fait de la résurrection, elle nous enseigne encore le comment de la résurrection. Ici se dresse devant nous le Docteur des nations qui nous parle dans l’Épître : Nous, chrétiens, nous n’appartenons pas à la terre, nous sommes une colonie de citoyens du ciel, et notre patrie est le ciel. Même quand nos pieds touchent à la terre, nous sommes déjà de cœur au ciel. Sans doute, nous portons encore actuellement un misérable corps, sujet aux maladies, aux infirmités, aux péchés et à la mort. Mais cela ne durera pas ; nous attendons l’avènement de notre Sauveur, Jésus-Christ, qui transformera notre corps humilié et le rendra semblable à son corps glorifié. C’est là une parole particulièrement consolante. Nous savons donc que nous ressusciterons au jugement dernier : notre âme sera réunie à notre corps, mais ce corps sera glorifié et deviendra semblable au corps glorifié du Christ lors de sa résurrection. Quel était l’état du corps glorieux du Ressuscité ? Il n’était plus soumis à la souffrance ni au changement, il était spiritualisé, il était immortel, il était élevé à une beauté parfaite. C’est ainsi, chrétiens, que notre corps sera lui aussi glorifié. Soyons remplis de cette espérance !
3) Maintenant à l’œuvre ! Notre transfiguration corporelle dans l’au-delà doit être précédée de notre transfiguration spirituelle sur terre. Dès cette terre nous devons être spiritualisés ; à cette condition seulement, nous serons aptes à être transfigurés corps et âme. La messe d’aujourd’hui nous trace le chemin : a) L’Épître dit : Quittez l’homme de chair ; saint Paul gémit en pleurant de ce que beaucoup de chrétiens se comportent en ennemis de la croix ; leur fin est la corruption, leur Dieu est leur ventre. b) L’oraison demande que nous soyons délivrés des chaînes de nos péchés, dans lesquelles nous sommes retenus à cause de notre fragilité. c) C’est pourquoi l’Église nous fait pousser deux fois un cri d’appel : “ Du fond de l’abîme je crie vers toi, Seigneur. ” C’est le cri implorant le détachement des choses de la terre. d) Aux attributs du corps glorifié doivent correspondre dès maintenant des vertus semblables : Puisque nous devons être là-haut soustraits à la souffrance, il nous faut ici-bas nous libérer des satisfactions sensibles et surmonter toutes les souffrances et peines de la vie. Puisque là-haut nous devons être spiritualisés, il nous faut ici-bas renoncer à toutes les attaches de la sensualité, aux plaisirs des yeux et de la chair. Puisque là-haut nous devons être délivrés de tous les liens de la matière, il nous faut ici-bas avoir du zèle pour le bien. Enfin, puisque là-haut notre corps doit briller d’une beauté étincelante et d’une jeunesse nouvelle, il nous faut ici-bas travailler à la beauté de notre âme.

Nous avons un moyen de préparer la résurrection de la chair et la glorification du corps. Ce moyen, c’est la Sainte Eucharistie ; elle est le sacrement de la glorification par lequel nous “ deviendrons participants de la divinité ”. Le contact avec le corps très saint du Christ nous rendra semblables à son corps glorieux. De même que, dans l’Evangile d’aujourd’hui, la femme malade fut guérie par l’attouchement des vêtements du Christ, de même, par le contact avec le corps du Christ dans l’Eucharistie, notre âme sera guérie, et nous serons ainsi préparés à la glorification corporelle et spirituelle.