VINGT-ET-UNIÈME DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE

Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés
L’automne liturgique présente les pensées, les sentiments et les avertissements les plus divers. La messe de dimanche dernier était une messe lyrique ; notre cœur avait été saisi par de profonds sentiments de nostalgie et de désir de la céleste patrie ; sous la figure de l’exil nous voyions la vie de cette terre. La messe (l’aujourd’hui se situe dans le domaine de l’action : c’est le combat contre les ennemis du salut, la patience dans la vie, la charité et le pardon qui constituent les préceptes du jour. Du désir naissent la crainte et l’inquiétude à la pensée de la reddition des comptes au jour du jugement. Nous voyons de nouveau le Christ à son retour, cette fois-ci comme roi miséricordieux et magnanime dans le pardon, sévère dans le jugement. Si nous voulions définir ce dimanche, ce serait : la vie chrétienne à la lumière du second avènement.
1. La Messe (In voluntate). — Une atmosphère de profonde gravité plane sur cette messe. Environnée de nombreux ennemis, se représentant la gravité du jugement à venir, l’âme s’approche du sanctuaire. Dans l’abside de l’église, elle voit trôner le juste Juge : l’Introït est une belle image dramatique : le Christ, Roi universel, sur son trône de juge ; toutes les créatures rassemblées devant lui. Devant cette image, nous chantons le célèbre chant de route de ceux qui parcourent sans tache le chemin de la vie. A l’Oraison, l’Église demande protection : Il Sois le gardien de ta famille ; fais qu’elle soit dégagée de tout mal et qu’elle serve ton nom par sa bonne conduite. ” L’Epître nous transporte aux derniers jours de l’Église, au “ mauvais jour ”, au second avènement du Christ (à la mort). Le Graduel est un écho de l’Épître : le Dieu éternel est un refuge dans le combat. L’Alleluia fait de nouveau songer à la parousie : dans la terre promise du ciel, loin de la servitude de la vie terrestre, c’est là qu’il y a un éternel Alleluia. L’Evangile (Matth. XVIII, 24-35) dit : Le second avènement du Christ est le grand jour de la reddition des comptes ; Dieu est royal dans le pardon ; il est prêt à pardonner ici-bas les péchés si nous pratiquons le pardon dans la charité. Si donc nous voulons obtenir un jugement de miséricorde, nous devons nous assurer dès ici-bas la possession de la charité qui pardonne, afin qu’elle plaide pour nous. Ceux qui sont durs et impitoyables seront sévèrement punis. L’acte magnanime que le Roi Jésus a accompli jadis en mourant sur la croix est rappelé aujourd’hui au Saint Sacrifice ; il nous remet la dette immense de nos péchés ; en retour de ce don, nous devons pratiquer l’amour du prochain. — L’Offertoire est particulièrement beau ; il constitue aujourd’hui tout un récit : la patience de Job, une illustration de l’Épître. Ce Job patient, c’est l’Église ; c’est nous aussi ; il représente les combats de la vie ; l’enfant de Dieu est sur terre un enfant disgracié que “ Satan cherche afin de le tenter ”. Par conséquent, ne nous attendons pas à trouver le bonheur sur terre ; la souffrance est une grande grâce de Dieu qui nous permet de demeurer sur terre en étrangers ; que les amertumes de la vie soient notre offrande au Saint Sacrifice. Dans l’antienne de la communion, notre âme laisse échapper un cri d’ardent désir vers la terre de notre espérance, hors du champ de bataille de la vie d’ici-bas.
2. Les trois leçons du dimanche. — Cette messe de dimanche peut être illustrée par une image formant triptyque : au milieu, le divin Juge à son second avènement (Ev.),. d’un côté, le combattant revêtu de son armure, au mauvais jour (Épître) ; de l’autre, Job, l’homme patient (Off.). Ce sont les trois leçons du dimanche : la Vie chrétienne à la lumière du second avènement, en rapport avec : a) l’amour du prochain (le pardon dans la charité), b) le combat dans la tentation, c) la patience dans les souffrances.
a) Au milieu se tient donc le Juge éternel ! Il nous faut examiner la saisissante image. Le Juge si miséricordieux et pourtant si sévère ! D’un mot il nous remet l’énorme dette — mais nous ne voulons pas pardonner aux hommes leurs légères offenses. Tout se révolte en nous devant cette comparaison, et nous considérons comme une juste satisfaction que l’homme impitoyable soit puni. Et pourtant, cet homme, c’est nous ! Leçon : Nous devons pratiquer le pardon charitable si nous voulons trouver un juge clément. Le Christ a fixé cette leçon dans le Notre Père... (Chaque messe réalise aussi ces deux aspects : Dieu nous remet, au Saint Sacrifice, l’énorme dette ; nous, au baiser de paix, nous remettons la petite dette de nos semblables).
b) La vie est un combat ; ce fut le thème de plusieurs dimanches après la Pentecôte (les deux riches) ; toutefois, il est exposé aujourd’hui en considération de la fin. C’est la volonté de Dieu que nous gagnions le ciel en combattant (“ Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive ”). Nous sommes dans l’Eglise militante. L’ennemi, c’est le démon, le monde, la chair, le moi. Toutefois, dans ce combat nous ne sommes pas seuls. L’Eglise nous arme (l’épître nous revêt d’une armure complète). La messe du dimanche est la meilleure école de combat pour le combat de la semaine : La parole de Dieu, à l’avant-messe, est pour nous bouclier et épée ; le sacrifice et la communion nous donnent force et grâce. L’immolation du Christ est l’expression la plus haute du combat héroïque de notre chef, le Christ, sur le champ de bataille du Golgotha.

c) Nous nous familiarisons avec l’image de Job, l’homme patient. L’Eglise nous indique le meilleur moyen de combattre : C’est la patience, elle est la maîtresse de la vie. Job sur le tas de cendres de sa maison est l’image de notre vie, avec sa vocation, son destin, ses peines. Que pouvons-nous donner au Juge éternel ? Notre vie patiente et résignée. L’Eglise nous donne donc une triple leçon à la lumière de la justification passée : pratiquons le pardon charitable ; combattons le bon combat et persévérons dans la patience.