VENDREDI DES QUATRE-TEMPS

Station aux Saints Apôtres
     
Voici que tu es guéri ; ne pèche plus.
     
Le Christ est le “ guérisseur ” des catéchumènes, des pénitents et des fidèles. Nous ressemblons au paralytique et nous sommes guéris dans la piscine de l’Église (Baptême et Eucharistie).
     
1. Thème de station. — Comme on l’a déjà dit pendant l’Avent, l’office de station, chaque vendredi des Quatre-temps, a lieu, depuis l’antiquité, dans la basilique des douze Apôtres. Grisar présume que cette église était l’église pénitentielle de Rome, c’est-à-dire l’église de réconciliation. En tout cas, ce qui est frappant, c’est qu’à chaque vendredi de Quatre-temps on y récite un Évangile qui est nettement un Évangile de pénitence et que, le jeudi de Pâques, où l’on se rend à la même station, l’Évangile est celui de Madeleine la pécheresse.
     
L’Église nous prêche, aujourd’hui, de bien des façons, la pénitence. Les douze Apôtres, qui se tiennent devant nous, sont aussi des prédicateurs de la pénitence, surtout les deux premiers : Pierre, sur les joues duquel coulent encore les larmes de repentir par suite de son reniement, et Paul, qui est pour nous un modèle de la fidélité dans la conversion. C’est là aussi que reposent les ossements des deux Apôtres Jacques et Philippe. Jacques le Mineur fut un homme de prière et de jeûne. — En pratique, nous pouvons faire, de chaque vendredi de Quatre-temps, un jour de pénitence pour les fautes du trimestre écoulé. Autour de l’église, il y avait des portiques et des piscines. C’est peut-être ce qui a déterminé le choix de l’Évangile du malade couché depuis trente-huit ans. Comme, dans l’antiquité, les Romains aimaient faire revivre le souvenir des lieux célèbres de Jérusalem, il n’est pas impossible que l’une de ces piscines ait porté le nom de Béthesda. Ranke fait remarquer que notre vendredi “ est exactement le 38e jour avant Pâques “. On aurait ainsi comparé “les souffrances du malade avec le temps de tristesse du Carême, et sa guérison avec le jour de joie de la Résurrection du Seigneur. “
     
2. Le thème des pénitents et des catéchumènes. — Il est difficile, aujourd’hui, de dire auquel de ces deux groupes s’adresse surtout l’Église : aux pénitents ou aux catéchumènes. Cependant, le thème de la pénitence est souligné plus fortement par les Quatre-temps. Le Prophète Ézéchiel nous fait entendre une prédication pénétrante de pénitence ; il emploie des paroles de consolation et d’avertissement : Dieu est miséricordieux ; Dieu est juste. Dieu ne fait pas acception de personne ; quand on se repent de ses péchés ; il n’y pense plus ; mais quand le juste abandonne obstinément la voie droite, il perd la vie divine et est rejeté. L’Évangile nous dévoile une action dramatique très consolante. Le monde est une maison de malades, où gît l’humanité accablée sous le poids du péché originel et des nombreux péchés personnels. La piscine miraculeuse est l’Église avec ses sources intarissables du baptême et de l’Eucharistie, qui jaillissent de la Croix du Christ. Le Christ, le divin médecin, vient visiter les malades privés de secours et qui aspirent à la délivrance. Il s’avance à travers les galeries et il trouve un malade. Ce malade c’est chacun de nous ; il lui demande : veux-tu être guéri ? Le Christ, dans le baptême, nous a donné la vie divine, et il la renouvelle sans cesse dans son Église. Pendant le carême, nous venons encore vers l’Église, implorant la délivrance et la guérison de nos faiblesses. Le Seigneur nous rencontre et nous adresse cet avertissement : “ Te voilà guéri, ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. “ Dans la source salutaire de l’Eucharistie, notre jeunesse de grâce trouve son renouvellement et sa fleur.
     
3. La messe (De necessitatibus). — L’Introït tire du psaume 24 de graves accents de pénitence : “ Regarde vers ma misère et ma souffrance, pardonne tous mes péchés. ” Nous entendons le malade (que nous sommes) crier vers le Seigneur. Dans la leçon, notre prédicateur de Carême, Ézéchiel, inscrit dans notre cœur deux paroles lapidaires, une parole de consolation et une parole d’avertissement : “ Dieu te pardonnera tous tes péchés si tu te convertis sérieusement ; Dieu rejette le juste, quand il se détourne du bien. “ Pas de certitude pharisaïque du salut, pas d’orgueil des mérites passés. Le graduel fait la liaison entre la leçon et l’Évangile : c’est une prière pour obtenir la guérison et la véritable vie. L’Évangile est le modèle classique d’une action dramatique, c’est un “ mystère “. Le malade, c’est chacun de nous : le sabbat de la guérison est le grand samedi de la nuit pascale que nous anticipons, aujourd’hui, au Saint-Sacrifice. Dans l’Évangile, nous comprenons clairement que les deux sacrements, le Baptême et l’Eucharistie, se complètent, que ce sont les deux sacrements de Pâques qui, d’un homme pécheur, font un homme nouveau exempt de péchés. Dans le Baptême, l’homme reçoit la grâce en germe ; dans l’Eucharistie, il la reçoit dans son achèvement. Que l’on approche des fonts baptismaux ou de la table sainte, c’est toujours la même grâce de Rédemption qui nous est accordée. Cette constatation est importante pour bien comprendre les messes de Carême. A l’Offertoire, nous remercions Dieu, avec émotion, de la grâce du Baptême et de la vocation. Dans le sacrifice, nous recevons, comme dans le Baptême, “ une jeunesse nouvelle et florissante “. Les versets, avec la répétition : “ Ta jeunesse se renouvellera semblable à l’aigle”, sont d’une grande beauté. A la Communion, retentit le psaume 6 qui est un psaume de pénitence, mais dont la tristesse s’éclaire de la conscience de la guérison et du pardon. Nous portons le Christ en nous ; il confondra, par sa présence, tous les ennemis du salut. C’est aussi l’impression du malade guéri que le psaume exprime parfaitement. “ Je suis malade, guéris-moi... je baignais ma couche de larmes... ” 
     
4. La prière des Heures. — Saint Augustin essaie d’expliquer allégoriquement le nombre 38. Cette manière de faire paraît un peu recherchée aux modernes que nous sommes. Cependant, les pensées qu’il expose ont une grande importance pour nous : Il Le nombre 40 contient une certaine perfection... Les Saintes Écritures l’attestent souvent ; que le jeûne soit consacré par ce nombre, vous le savez bien (par conséquent, vers 400, le Carême de 40 jours existait déjà). Car Moïse a jeûné pendant quarante jours, et Élie autant de jours. De même, notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a sanctifié ce nombre de jours de jeûne. Par Moïse est signifiée la Loi, par Élie sont signifiés les Prophètes, par le Seigneur est signifié l’Évangile. C’est pourquoi ils apparurent, tous les trois, sur la montagne où le Seigneur se montra dans l’éclat de son visage et de ses vêtements ; il apparut, en effet, entre Moïse et Élie, pour nous indiquer que l’Évangile reçoit le témoignage de la Loi et des Prophètes... C’est pourquoi nous célébrons, dans l’effort, cette quarantaine avant la fête de Pâques ; mais nous célébrerons avec joie, comme des gens qui ont reçu leur récompense, la cinquantaine qui précède la Pentecôte. “ Les deux antiennes du lever et du coucher du soleil songent, peut-être, au baptême (“ l’ange du Seigneur descendait et agitait l’eau ”) et à la Pénitence (“ celui qui m’a guéri m’a ordonné : prends ton lit et va en paix”).
“ Le temps du jeûne nous a ouvert les portes du paradis, recevons-le en priant et en suppliant,
Afin qu’au jour de la Résurrection nous puissions nous glorifier avec le Seigneur ;
Montrons-nous en tout des serviteurs de Dieu, dans une grande patience,
Afin qu’au jour de la Résurrection nous puissions nous glorifier avec le Seigneur, (Rép.).
5. Psaume 6. — Un cantique de pénitence. — Ce cantique, d’après le titre, a été composé par le roi David. Il se divise en trois strophes :
1. Demande de pardon (ne t’irrite pas, aie pitié, guéris-moi, je suis affligé).
2. Motif de la prière et image de la Passion (ma misère doit t’incliner à la pitié).
3. Confiance dans l’efficacité de la prière (certitude d’être exaucé).
Seigneur, ne me punis pas dans ton courroux et ne me châtie pas dans ta colère.
Aie pitié de moi, Seigneur, car je suis sans force ; guéris-moi, Seigneur, car mes os sont tremblants,
Mon âme est dans une affliction extrême ;
Mais toi, Seigneur, jusqu’à quand (tarderas-tu ?)
   
Seigneur, tourne-toi vers moi, délivre-moi, aide-moi dans ta miséricorde.
Dans la mort, personne ne pense plus à toi et, dans les enfers, qui pourrait te louer ?
Je suis épuisé à force de gémir et, chaque nuit, mes larmes baignent ma couche, mon lit est arrosé de mes pleurs.
Mon œil est consumé par le chagrin et j’ai vieilli parmi tous ceux qui me haïssent.
   
Eloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal, le Seigneur a entendu la voix de mes gémissements, le Seigneur a accueilli ma supplication.
Que mes ennemis soient confondus et saisis d’épouvante, qu’ils s’enfuient couverts de honte !
Le cardinal Faulhaber appelle les deux premières strophes un petit Miserere. Récitons ce psaume. Nous jetons un regard en arrière sur notre vie passée, nous y voyons péchés sur péchés ; nous regardons vers l’avenir, nous voyons devant nous le juge éternel : Mon Dieu, j’ai mérité le châtiment éternel, ne me damne pas dans ton courroux ; aie pitié de moi ; je suis une pauvre créature, guéris les plaies de mon âme ; mon corps et mon âme sont profondément ébranlés ; sauve mon âme. Que puis-je invoquer en ma faveur ? 1. Je ne puis pas faire appel à ta justice, non, je fais appel à ta miséricorde. 2. Le motif : si tu me repousses éternellement, je ne pourrai pas te louer dans l’enfer, je serai obligé de te haïr et tu veux être aimé ! (Nous pouvons donner à la conception juive de la mort une interprétation chrétienne). 3. Autre motif : c’est la profonde douleur de mon âme, la contrition : mes larmes baignent ma couche (quel beau passage !) Puis vient la transformation, l'allègement ; l’angoisse de l’âme a disparu ; péchés, éloignez-vous de moi — Dieu m’a pardonné ; il a accepté la douleur de mon âme ; loin de moi, ennemi mauvais, je ne veux rien avoir de commun avec toi : cette strophe exprime le bon propos sérieux et l’assurance du pardon.