VENDREDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CARÊME

Station à Saint Laurent in Lucina
     
Le Christ, le second Moïse, nous donne l’eau de vie du baptême et de l’Eucharistie.
    
Cette messe, elle aussi, est un monument de l’antique liturgie chrétienne. Elle apporte, aux catéchumènes comme aux fidèles, un joyeux message. Toute la journée est placée sous le signe de la Samaritaine.
Chants directeurs du jour : “ Celui qui boit de cette eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif” (.4nt. Ben.).
“ Seigneur, je vois que tu es un Prophète ; nos pères ont adoré sur cette montagne “ (Ant. Magn.).
1. Thème de la station. — Le saint de station est encore le patron des catéchumènes, Saint-Laurent. Il est vrai que c’est dans une autre église. Cette église est un des anciens titres. Elle fut fondée par une chrétienne, une certaine Lucine, peut-être au me siècle. Sur son emplacement, le pape Sixte III (432-440) fit construire une grande basilique qu’il dédia à saint Laurent. C’est là que, depuis l’antiquité, on conserva une grande partie du gril sur lequel Saint Laurent fut torturé. Auprès de l’église de station, il y avait ur. puits célèbre chez les Romains. C’est peut-être ce qui a déterminé les deux lectures sur l’“ eau ”. Ce fut peut-être aussi le contraire ; on put choisir cette station afin de représenter aux catéchumènes le baptême sous l’image du puits historique et des deux lectures. D’après la tradition, la Samaritaine s’appelait Photina. Or ce nom grec est l’équivalent du latin Lucina (la brillante). C’était aussi le nom de la fondatrice de la station.
      
2. La messe (Fac mecum). — Désormais, à l’Évangile, nous n’entendrons plus que la voix de saint Jean. Mieux que les autres évangélistes, il nous fait pénétrer dans l’âme souffrante de Jésus. Le thème de la Passion ira chaque jour en s’accentuant. La messe d’aujourd’hui est encore consacrée aux catéchumènes. Deux images leur révèlent l’importance du baptême. Moïse conduit à travers le désert le peuple altéré ; Dieu lui apparaît dans sa gloire et lui ordonne de frapper le rocher, pour en faire jaillir de l’eau et apaiser abondamment la soif du peuple (Leçon). Le Christ est le nouveau Moïse qui, du bâton de sa Croix, frappe le rocher ; bien plus, il est, selon Saint Paul, le rocher qui accompagne les Juifs, qui donne aux catéchumènes l’eau vive du Baptême et, avec cette eau, la vie éternelle. C’est de cette eau vive que le Christ parle à la Samaritaine (Évangile) ; cette eau qui devient une source de vie éternelle est, pour les catéchumènes, le Baptême ; les fidèles possèdent déjà cette eau ; elle jaillit tous les jours pour eux dans l’Eucharistie.
     
A l’Introït, les catéchumènes demandent un “ signe de ta bonté ” (signum). Ce signe est la Croix dont ils sont marqués, c’est le signe indélébile du baptême et, devant ce signe, s’enfuient les ennemis du salut. Le psaume 85, qu’on récite maintenant, est une prière fervente et confiante qui convient très bien dans la bouche des catéchumènes, des pénitents et des fidèles. L’oraison est une des prières typiques de Carême, elle nous montre l’esprit et le sens du jeûne. “ Que nous nous abstenions des péchés, comme nous nous privons des aliments corporels. “ Sous l’influence des lectures, les catéchumènes et les pénitents sentent leur “ chair fleurir” par le rafraîchissement de la boisson salutaire. L’Offertoire se rattache aux dernières paroles de l’Évangile. Les Samaritains reconnurent le Seigneur comme “ Sauveur du monde” et nous, à l’Offrande, nous nous approchons du Christ et nous lui disons : “ mon Seigneur et mon Dieu] “ Nous trouvons réellement dans l’Eucharistie cette eau promise, c’est ce que chante et dit l’antienne de Communion : “ Cette eau deviendra une source vive qui jaillira dans la vie éternelle. ”
     
3. Notre âme altérée. — Les deux lectures contiennent beaucoup d’enseignements, même pour nous qui renouvelons la grâce du baptême. Pénétrons ces images et mettons-nous au centre. a) Le peuple épuisé, assoiffé et murmurant, c’est l’âme humaine. Sans doute, elle a été délivrée de la servitude d’Égypte, elle a traversé la Mer Rouge du baptême ; maintenant, elle traverse le désert de la vie, accompagnée de la nuée de la divine Providence, nourrie de la manne de l’Eucharistie, sous la direction du divin Moïse ; néanmoins, elle est souvent faible et désorientée, elle soupire, elle murmure, elle voudrait retourner en Égypte (vers son ancienne nature). Combien de fois elle fait entendre ce cri : Je ne puis plus avancer, je suis épuisée. C’est alors que le Christ est le rocher qui lui donne de l’eau vive, qui la réconforte et apaise sa soif. Seigneur, relevez-nous, afin que nous ne succombions pas sur le chemin et que nous puissions voir la terre promise. Le rocher d’où jaillit l’eau vive, c’est le Christ à la messe.
     
b) La pauvre pécheresse de Samarie, c’est notre âme. Le Christ s’assied, fatigué, au puits de Jacob ; il semble se reposer ; en réalité, il attend la Samaritaine, notre pauvre âme. La messe est le puits de Jacob, c’est là qu’il nous attend chaque jour. -. Et maintenant il nous parle. Comme il sait nous saisir ! Malgré nos rebuffades fréquentes, il ne renonce pas à sa tentative, il ne nous laisse pas partir. Le Christ se préoccupe de toute âme humaine égarée. Aucune n’est trop mauvaise pour lui. Il s’en approche à sa manière. Il nous trouvera sûrement. — Il nous parle de l’eau vive qu’il nous donnera et qui étanchera notre soif. La volupté est comme de l’eau salée qui n’apaise pas la soif ; le Christ, seul, étanche notre soif. L’eau vive qui jaillit dans la vie éternelle est l’Eucharistie. Que d’enseignements ne me donne pas son entretien ! Il m’apprend que les vrais adorateurs peuvent offrir partout leur sacrifice ; est-ce que nous apprécions comme il faut le sacrifice de la messe qui est offert chaque jour, en tout lieu ? Il nous enseigne à adorer en esprit et en vérité. Nous devons ennoblir notre culte ; il faut qu’il soit débarrassé de superstition et d’égoïsme (prières mesquines). — La pécheresse ne veut pas seulement accepter les enseignements du Christ, elle veut exercer l’apostolat ; satisfaisons à la justice de Dieu pour nos péchés par le dévouement envers les âmes. Nous avons profané des créatures par le péché ; en compensation, sanctifions d’autres créatures. Et, maintenant, jetons encore un regard dans le Cœur du Sauveur : il a une telle soif des âmes qu’il en oublie la faim corporelle. Il voit dans l’avenir et aperçoit la grande moisson des âmes ; il faut que chacun de nous soit, dans cette moisson, un épi plein et lourd. Le Seigneur nous donne encore un grand enseignement : “ Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir ses œuvres. “ La volonté de Dieu doit être notre nourriture à nous aussi. — Nous avons donc, aujourd’hui, appris à connaître deux choses : notre pauvreté et notre Sauveur (Saint Augustin : noverim me, noverim te).
      
4. Psaume 16. — Dieu est le secours de ceux qui le servent. — Celui qui n’est pas initié ne sait pas qu’il faudrait chanter aujourd’hui, à la Communion, le psaume 16, car l’antienne est tirée de l’Évangile. Ce psaume fut composé par David pendant qu’il était poursuivi. C’est un cri vers Dieu, du milieu de la tentation, de l’épreuve et de la persécution. C’est ce psaume que saint Laurent récitait dans son martyre sur le gril (il est donc en harmonie avec l’église de station). Ce cantique se divise en trois strophes : la triple prière est fondée : 1. sur l’innocence du psalmiste, 2. sur la méchanceté des ennemis, 3. sur l’apparente injustice qui règne sur la terre.
Seigneur, entends ma justice, écoute mon cri.
Prête l’oreille à la prière de mes lèvres qui sont exemptes de toute tromperie ;
Que mon jugement vienne devant toi, car tes yeux regardent ce qui est juste.
   
Tu as éprouvé mon cœur, tu l’as visité la nuit, tu m’as visité dans le creuset, et tu n’as pas trouvé d’injustice en moi.
Ma bouche ne parle pas selon la manière des hommes ; à cause de la parole de tes lèvres, j’ai évité les voies mauvaises.
Dirige mes pas sur tes sentiers et mes pieds ne chancelleront pas.
   
Je crie vers toi, car tu m’exauces, Ô Dieu, incline vers moi ton oreille, écoute ma prière.
Opère les merveilles de ta grâce, car tu sauves tous ceux qui se réfugient en toi. Garde-moi de ceux qui se révoltent contre ta droite, protège-moi comme la prunelle de l’œil,
Mets-moi à l’abri à l’ombre de tes ailes contre les impies qui me persécutent.
Garde-moi des ennemis qui m’environnent, qui ferment leur cœur sans pitié et ont à la bouche des paroles hautaines.
De tous côtés ils cherchent à m’encercler ; leurs regards m’épient pour me faire tomber,
Ils m’observent comme un lion avide de butin, comme un lionceau caché dans un fourré.
   
Lève-toi, Seigneur, va à sa rencontre et terrasse-le, délivre-moi du méchant par la force de ton glaive et de mes ennemis par ta main.
Préserve-moi, Seigneur, de ces hommes dont la part est la vie de cette terre, qui remplissent leur ventre de tes biens.
Ils peuvent avoir des fils en abondance et laisser leur superflu à leurs enfants.
   
Pour moi, dans mon innocence, je contemplerai ta face ; à mon réveil, je me rassasierai de ta beauté.