VENDREDI DE LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

Station à Saint Vital

L’image voilée de la croix.
     
La messe d’aujourd’hui est encore dominée tout entière par le thème de la Passion. Les antiennes du matin et du soir ont aussi pour objet la Passion.
“ Les méchants, il les fera périr misérablement, et il donnera sa vigne à d’autres vignerons qui lui rapporteront du fruit en leur temps ” (Ant. Bened.).
“ Ils cherchaient à l’arrêter, mais ils craignaient le peuple, parce que le peuple le considérait comme un prophète ” (Ant. Magn.).
Nous devons ressentir, aujourd’hui, la tragédie du peuple juif qui, après avoir été le peuple élu, fit mourir son Messie.
     
1. La station. — Le saint de station lui-même est, aujourd’hui, au service de la pensée de la Passion. Au sujet de notre saint de station, saint Vital, le martyrologe relate, le 28 avril : “ A Ravenne (Haute-Italie), mort du saint martyr Vital ; il était le père de saint Gervais et de saint Protais. Il avait emporté secrètement chez lui le corps du bienheureux Ursicinus et l’avait enseveli avec le respect convenable. Ensuite, le consulaire Paulinus le fit arrêter ; il le fit torturer et jeter dans une fosse qui fut comblée avec des pierres et de la terre. Par ce martyre, il s’en alla vers le Christ. “ Le saint subit le martyre vers 70. Au Ve siècle, on dédia une église à ce saint et à ses deux fils, saint Gervais et saint Protais. C’est la plus récente des 25 églises titulaires primitives qui ont une grande importance dans la vie liturgique. Dans cette église qui, au cours des siècles, fut plusieurs fois modifiée dans sa construction se trouvent trois tableaux qui intéressent notre messe au fond de l’abside, un tableau représente le crucifiement du Christ et, sur les murs de l’avant-chœur deux grandes fresques représentent des scènes du martyre de saint Vital (l’une d’entre elles nous le montre jeté dans la fosse). C’est dans cette vénérable église que se rend, aujourd’hui, la communauté chrétienne de l’Occident pour célébrer la messe.
      
2. La messe (Ego autem). — Cette messe d’une belle unité, la seule qui soit nettement une messe de la Passion pendant le Carême, peut se comparer à une composition de quatre tableaux. Au milieu, la scène du crucifiement (si l’on veut, celle de notre église de station) ; au-dessus le martyre de saint Vital jeté dans la fosse ; à gauche Joseph jeté par ses frères dans la citerne ; à droite la parabole des mauvais vignerons. — C’est aujourd’hui vendredi, quatre semaines avant le Vendredi-Saint, et nous comprenons que la liturgie parle, à la messe, de la Passion du Seigneur, bien que ce soit en images et en figures. L’Introit est une magnifique prière qui nous suggère de nombreuses pensées : “ Pour moi, je paraîtrai dans la justice, devant ta face ; je serai rassasié quand ta gloire se révèlera. “ Nous nous demandons : Qui parle ainsi ? On peut mettre ces paroles dans la bouche des catéchumènes, des pénitents, des fidèles, qui font leur entrée. Plus tard, ce sera l’espérance pascale ; maintenant, ils sont encore dans l’humiliation du Carême. Dans la nuit de Pâques, les catéchumènes paraîtront en habits blancs devant la face du Seigneur et se rassasieront du pain de vie. Les pénitents seront réconciliés le Jeudi Saint. Quant aux fidèles, ils goûtent déjà, par avance, au Saint-Sacrifice et dans la communion, la gloire pascale. Pour ces trois groupes, cette parole est le but du long voyage de Carême, qui est décrit en termes très beaux dans le psaume entier (l’antienne est le dernier verset du psaume) : “ Écoute, Seigneur, ma juste prière, fais attention à ma supplication... Tu éprouves mon cœur et le visite pendant la nuit... à cause de tes commandements j’ai dû suivre une voie pénible... “ — Cependant, nous pouvons aussi mettre cette parole dans la bouche du Christ et dans celle de saint Vital. Eux aussi marcher vers le but du “ pénible chemin” de la souffrance, dans lequel ils sont entrés. L’Introït est, en tout cas, une belle prière d’entrée, que nous pourrions réciter comme oraison jaculatoire avant la messe. Dans chaque messe, nous contemplons la face du Seigneur (Canon) et nous nous rassasions de sa gloire (Communion). L’Oraison exprime les mêmes pensées : après le “ pénible chemin” du Carême, puissions-nous parvenir, avec des cœurs purs, aux fêtes qui vont venir — ad sancta ventura — à la fête de Pâques. La leçon nous fait déjà apercevoir la Croix dans le clair-obscur de l’Ancien Testament, en nous rapportant l’histoire de Joseph vendu par ses frères. Objet de la prédilection de son père, envoyé par lui vers les troupeaux de ses frères qui le haïssent, jeté par eux dans une citerne, puis vendu pour vingt pièces d’argent — mais, plus tard, sauveur de son peuple en Egypte, Joseph est une figure du Christ. Le Christ, le bien-aimé en qui le Père a mis sa complaisance, est envoyé en tant qu’homme vers ses frères ; mais il est haï par ses concitoyens, vendu et trahi pour trente pièces d’argent et livré aux païens ; mais c’est justement sa souffrance qui en a fait le Sauveur de son peuple et du monde entier. Au Graduel, nous entendons Joseph, le Christ, Vital, s’écrier dans la détresse de leur souffrance : “ J’ai invoqué le Seigneur dans mon oppression et il m’a exaucé. “ Ce que la leçon faisait pressentir obscurément, le Seigneur l’exprime dans l’Évangile, en parabole sans doute, mais cependant d’une manière claire. C’est au moment des derniers discours de combat, peu de jours avant la mort du Seigneur. Le Christ annonce, sans réticence, aux Juifs, sa mort, sa filiation divine, la réprobation du peuple élu, la vocation des païens. Dans cette parabole, se trouve contenue toute l’histoire du salut : ( Ils cherchèrent à s’emparer de lui, mais ils craignaient le peuple. “ L’antienne de l’Offertoire est un écho des lectures ; par là est indiqué le sens de la procession de l’Offrande : entrer en communion avec la Passion du Christ. La Communion, elle aussi, est en relation avec les lectures. Ce sont les paroles du Christ souffrant : “ Tu nous garderas et nous protégeras de cette génération mauvaise. “ La postcommunion est d’une beauté classique et d’un contenu très riche : “Nous avons reçu le gage du salut éternel. “
      
3. Psaume 11. — Parole de Dieu et phrases des hommes. — Le psaume est la plainte de l’homme au cœur noble en face du mal qu’il voit dans le monde : partout le péché, le mensonge, l’égoïsme. Alors le psalmiste se réfugie vers la seule chose qui soit vraie et noble : la parole de Dieu.
Seigneur, aide-moi, car il n’y a plus d’hommes pieux, plus de fidélité parmi les hommes.
Ils se disent des mensonges les uns aux autres, ils parlent avec des lèvres trompeuses et un cœur double.
Retranche, Seigneur, les lèvres trompeuses et les langues qui discourent avec jactance ;
Ils disent : “ Par notre langue nous sommes forts et nos lèvres sont à nous ; qui est notre maître ? ”
“ A cause de l’oppression des affligés et du gémissement des pauvres, je me lève, dit le Seigneur.
J’aide tous ceux qui soupirent après le secours. ”
Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, elles sont comme de l’argent éprouvé dans le feu, qui est passé au creuset, purifié sept fois.
Toi, Seigneur, tu nous garderas et nous protégeras à jamais contre cette génération.
Autour de nous les méchants se promènent avec arrogance et au milieu des hommes triomphe la bassesse.