VENDREDI APRES LE MERCREDI DES CENDRES

Station à Saint Jean et Saint Paul
     
L’esprit de l’aumône.
     
L’Eglise nous a montré, hier, une image guerrière, elle nous montre, aujourd’hui, une image pacifique : deux oliviers dans le jardin de Dieu. L’Eglise nous instruit au sujet de l’aumône qui est un exercice de Carême.
      
1. L’aumône. — Nous nous rendons, aujourd’hui, en pèlerinage dans la basilique de deux saints bienfaiteurs des pauvres, saint Jean et saint Paul. Cette église était précédemment une diaconie (maison des pauvres au sens chrétien). A l’origine, c’était la maison privée des deux saints frères, par conséquent un lieu de miséricorde et de charité. Les deux martyrs (v. 26 juin) sont très honorés à Rome ; le bréviaire les appelle “ les hommes de miséricorde, deux oliviers et deux candélabres brillants devant le Seigneur “. Ils partagèrent eux-mêmes leurs biens entre les pauvres, “ afin de pouvoir entreprendre plus aisément le voyage de l’éternité. “ Il convenait donc que les lectures de la messe traitent de l’aumône. L’aumône, en effet, est un des trois exercices principaux du Carême. Le jeûne et l’aumône se complètent. Faisons donc régulièrement, pendant le Carême, notre offrande de Carême, si petite soit-elle. Mais l’Église, qui entreprend notre renouvellement spirituel, nous explique immédiatement quel doit être “ l’esprit de l’aumône. L’aumône n’est, pour ainsi dire, que le fruit de l’arbre ; l’arbre c’est l’amour du prochain. Nous nous rappelons que, le dimanche de la Quinquagésime, l’Église nous a prêché l’Épître de la charité. Elle voulait nous faire comprendre que le centre vital du travail de Carême c’est la charité, la divine charité qui supporte tout, qui fait abnégation de soi-même et qui ne cessera jamais. Les deux lectures traitent principalement de la charité. Quelles belles pensées n’exprime pas la leçon ! “ Délie les nœuds de la méchanceté, déchire les liens de l’oppression, affranchis les esclaves et brise tout joug. Offre ton pain à celui qui a faim. “ Ce que le Prophète exprime d’une manière plutôt négative, le Christ l’expose d’une manière positive : il annonce le précepte de l’amour des ennemis. En ce jour, notre Mère l’Église implore aussi pour ses enfants, comme fruit du Saint-Sacrifice, la charité : “ Verse dans nos cœurs l’esprit de ton amour et fais que tous ceux que tu rassasies d’un seul pain soient un seul cœur dans ta bonté” (Postcommunion). Par l’aumône, nous combattons également un mauvais esprit et nous le chassons : l’esprit de l’amour propre, de l’avarice. C’est ce mauvais esprit qui dévore la substance du christianisme et c’est pourquoi le Christ l’a si vivement combattu. L’égoïsme, en effet, enlève leur valeur aux saints exercices du Carême : la prière, le jeûne et l’aumône. Aussi, dans l’Évangile, le Christ nous met en garde contre ce danger. Et l’Église fait ressortir, dans le bréviaire, deux paroles qui doivent écarter l’esprit d’égoïsme : “ Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait la droite “ (Laudes). “ Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ainsi ton Père” (Vêpres). Réfléchissons à ces pensées pendant tout le jour : l’aumône entretient l’esprit de charité et fait disparaître l’esprit d’égoïsme.
     
2. La messe (Audivit). — C’est avec une prière d’action de grâces sur les lèvres que nous nous rendons dans la maison de Dieu. Pourquoi ces actions de grâces ? Nous remercions Dieu d’avoir eu pitié de nous. Que nous soyons dans les rangs des catéchumènes ou dans ceux des pénitents, c’est à la miséricorde de Dieu que nous devons d’avoir “ été admis” au nombre de ses enfants. Récitons en entier le psaume 29 ; c’est déjà un chant pascal ; il nous fera entrer dans le véritable esprit du Carême. Cet esprit n’est pas seulement un esprit de pénitence. Ce que veut surtout le Carême, c’est faire vivre en nous la grâce du baptême. L’oraison demande, pour ce début du Carême, la grâce et la bénédiction. Dans les deux lectures, l’Église nous enseigne le véritable exercice de la miséricorde et de l’amour du prochain. Au Graduel, nous demandons d’être admis dans la maison paternelle céleste : “ Je n’ai demandé qu’une chose au Seigneur, c’est de pouvoir habiter dans la maison de Dieu. “ Les deux saints martyrs ont donné à Dieu leur maison paternelle terrestre pour en faire une église, ils demandent en retour (et nous avec eux) d’être reçus dans la maison paternelle céleste. A l’Offertoire, nous demandons la grâce de la filiation divine. A la Communion, l’Église nous recommande de servir le Christ avec une crainte et une joie filiales, de nous attacher à la “ discipline “ du jeûne, afin d’être armés pour le grand combat qui se livre en nous entre le Christ et Satan (Psaume 2). Comme fruit du sacrifice, nous demandons l’esprit de charité, puisque nous mangeons d’un seul pain. Toute la messe retentit des chauds accents de l’amour paternel de Dieu et de l’amour filial des chrétiens.
     
3. Le psaume 2. — Un chant du Christ-Roi. — Le psaume 2 est un chant célèbre, directement messianique ; c’est en même temps un des psaumes poétiques et classiques. Nous pouvons l’appeler un chant du Christ-Roi. Saint Bernard l’appelle : “ le rugissement du lion de Juda” contre ses ennemis. Le psaume nous place en plein combat du royaume de Dieu et commence d’une manière très dramatique :
     
Pourquoi les nations s’agitent-elles en tumulte et les peuples méditent-ils de vains projets ?
Les rois de la terre se soulèvent et les puissants tiennent conseil pour combattre contre Dieu et contre son Oint :
“ Brisons leurs liens et jetons loin de nous leurs chaînes. “
Celui qui est assis dans le ciel rit,
Le Seigneur se moque d’eux.
Mais ensuite il les domine dans sa colère et il les épouvante dans sa fureur :
“ Moi-même, je l’ai établi Roi sur Sion ma montagne sainte.
Je vais publier son décret :
“ Le Seigneur m’a dit :
Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui.
Demande et je te donnerai les nations pour héritage, pour domaine les extrémités de la terre.
Avec un sceptre de fer tu les conduiras, tu les briseras comme le vase du potier. ”
Et maintenant, rois, soyez sages, laissez-vous instruire, juges de la terre,
Dans la crainte, soyez soumis au Seigneur et dans le tremblement rendez-lui hommage.
Recevez la sagesse ; autrement le Seigneur s’irritera contre vous, et votre chemin conduira à la ruine. Quand bientôt s’allumera sa colère,
Heureux ceux qui mettent en lui leur confiance ”
Plan. — Notre psaume est d’une grande beauté et d’une construction harmonieuse. Il se compose de quatre strophes distinctes par les idées, mais semblables dans la forme :
1. Soulèvement des rois terrestres contre Dieu (v. 1-3).
2. Réponse de Dieu (v. 4-6).
3. L’institution royale du Messie (v. 7-9).
4. Enseignement aux rois de la terre (v. 10-13).