TROISIÈME DIMANCHE DE L’AVENT

Station à Saint-Pierre
     
1. Le dimanche rose. — C’est un dimanche de joie pendant l’Avent. Comme des enfants qui attendent impatiemment l’Enfant-Jésus, nous ne pouvons plus maîtriser la joie que nous cause la venue du Seigneur ; ce sentiment de joie nous domine. Cette joie est comme une joie de Noël anticipée. La couleur liturgique est au lieu de violet, le rose. Le rose est une atténuation du violet, il tient par conséquent le milieu entre la couleur de la pénitence et celle de la joie ; il signifie une joie modérée, une joie anticipée. On peut, aujourd’hui, à la différence des autres dimanches de l’Avent, orner l’autel de fleurs et les orgues se font entendre. A la grand’messe, le diacre et le sous-diacre portent la dalmatique et la tunique.
     
Ces jours exceptionnels doivent être fêtés d’une manière particulière par les amis de la liturgie qui s’efforceront d’en pénétrer tout le sens. Il est à désirer qu’à l’église (vêtements liturgiques, parure de l’autel) et même à la maison (fleurs sur la table) la couleur rose domine ; les pasteurs devraient faire de la décoration de leur église, en ce jour, une prédication muette, une leçon de choses. Très peu de dimanches ont un caractère sentimental aussi marqué.
     
Assurément la joie de l’Avent a un fondement plus profond que nous fait découvrir la liturgie de ce jour. Il importe beaucoup que nous comprenions l’idée essentielle de la liturgie d’aujourd’hui. Que veut nous dire l’Église ? où réside le progrès dans notre préparation de Noël ? Le premier dimanche, la Rédemption apparaissait encore dans le lointain : “ Vous verrez venir le Fils de l’Homme. Élevez vos têtes, car votre rédemption approche.” Le deuxième dimanche, l’Église nous montre le divin médecin qui nous dit de lui-même, en expliquant son programme rédempteur, qu’il vient “ faire voir les aveugles... ; ressusciter les morts... ”. Aujourd’hui, le Précurseur nous crie : “ Il est au milieu de vous. ” Il est vrai que “ nous ne le connaissons pas encore ” comme nous le connaîtrons un jour et que nous devons chercher à le reconnaître, maintenant, dans la foi et le mystère. Ce message joyeux est très semblable au message de Noël. Aussi comprenons-nous qu’au-dessus de ce dimanche plane une joie contenue mais intime et profonde, ainsi qu’une grande impression de respect. La liturgie de ce jour comprend comme deux étapes : les deux causes de notre joie. Nous sommes invités à nous réjouir : 1° parce que le Seigneur est proche, 2° parce qu’il est au milieu de nous.
     
A proprement parler, il y a ici une contradiction ; comment peut-il être proche et cependant au milieu de nous ? La liturgie seule peut résoudre l’énigme. Par la grâce, il est au milieu de nous, pour la gloire, il est proche. La liturgie est le pont qui conduit de la grâce à la gloire. Considérée du point de vue divin, la liturgie est la voie qui mène à la gloire. Ainsi le Christ est au milieu de nous et en nous parce que nous sommes membres de son corps mystique ; il est également tout proche parce que nous marchons vers sa gloire et sa manifestation. II, est au milieu de nous à la sainte messe, et il est proche, car la vie chrétienne est une révélation continuelle de ce qu’il est, une attente de son retour.
     
2. Le Seigneur est proche. — Le prophète Isaïe chante un beau cantique d’Avent et de rédemption (XXVI, 1-14) :
“ En ce jour-là, on chantera ce cantique dans la terre de Juda :
Le mur de fortification de notre ville de Sion est le Sauveur,
Il s’en est fait le mur et l’avant-mur.
Ouvrez les. portes, laissez entrer le peuple juste qui garde la vérIté.
L’antique erreur s’est évanouie, tu donnes la paix,
Oui, la paix ; nous avons confiance en toi.
Ayez confiance dans le Seigneur pour les temps éternels,
Dans. le Seigneur, le Dieu fort, pour toujours.
Car il a abaissé ceux qui demeuraient sur les hauteurs,
Il a humilié la ville superbe.
Il l’a abaissée jusqu’à terre,
Il lui a fait toucher la poussière,
Elle a été foulée sous les pieds,
Sous les pieds des humbles,
Sous les pas des malheureux.
Le sentier du juste est droit,
Unie la voie que foule l’homme pieux.
Sur le sentier de tes jugements, Seigneur, nous t’attendons,
Ton nom et tes pensées sont le désir de notre âme.
Mon âme te désire pendant la nuit
Et je veille avec un cœur qui te recherche dès le matin. ”
Saint Paul est aujourd’hui le vrai messager de joie. Son Épître est comme le centre de la messe et même de toute la journée : : “ Mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur sans cesse, je vous le dis de nouveau : réjouissez vous, que votre modestie soit connue de tous les hommes, car le Seigneur est proche. N’ayez pas de soucis anxieux, mais, en toute circonstance, faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces. Et que la paix de Dieu qui surpasse tout sentiment garde vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus notre Seigneur. ”
     
Que veut dire saint Paul ? Il pensait alors, en écrivant ces paroles, au retour du Christ ; mais aujourd’hui l’Église parle par sa bouche du triple avènement du Seigneur : la fête de Noël est proche, pendant laquelle nous célébrerons son premier. avènement ; son avènement de grâce est proche, dans la messe d’aujourd’hui, comme du reste dans toute messe et spécialement dans la messe de Noël ; proche enfin est son retour.
     
Les Matines sont riches en beaux répons. Nous n’en donnons que deux exemples :
“ Voici que le Seigneur apparaîtra sur la nuée brillante
Et des milliers de saints autour de Lui,
Et il y aura écrit sur ses vêtements et sur sa ceinture :
Roi des rois et Seigneur des seigneurs.
Il viendra certainement et il ne trompe pas,
S’il tarde espère en lui, car il viendra, oui il viendra ” (Répons).
“ Bethléem, cité du Dieu suprême De toi sortira le Souverain d’Israël
Et sa sortie sera comme des jours de l’éternité.
Et il sera glorifié au milieu de l’Univers
Et il y aura paix sur notre terre quand il sera venu,
Il annoncera la paix parmi les nations
Et sa puissance s’étendra de la mer à la mer” (Répons).
Dès l’aurore, l’Église voit dans le soleil qui se lève l’image du Roi : “ Sur le trône de David, dans son royaume, il siègera pendant l’éternité, Alleluia. ” Le coucher du soleil est consacré à la Mère de Dieu : “ Tu es bienheureuse, ô Marie, d’avoir cru au Seigneur, en toi s’accomplira ce qui t’a été dit par le Seigneur, Alleluia. ” Cette fois encore, l’antienne convient merveilleusement au Magnificat.
3. Il se tient au milieu de vous. — Dans l’Évangile, saint Jean-Baptiste nous apporte le plus joyeux message du jour. n reçoit une ambassade du grand Conseil et il assure les envoyés et nous-mêmes que le Messie n’est pas seulement proche : “ Je baptise dans l’eau, mais il y a au milieu de vous quelqu’un que vous ne connaissez pas. C’est lui qui doit venir après moi, n était avant moi et je ne suis pas digne de délier les courroies de sa chaussure ”. C’est là le vrai message chrétien : nous attendons le Seigneur et nous le possédons déjà Mais le Baptiste est notre prédicateur : “ Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez les voies du Seigneur, comme l’a dit le Prophète Isaïe. ” Telle est sa vocation, non seulement parmi le peuple juif, mais encore dans l’Église, tant qu’elle erre encore sous l’habit de pèlerin. Tous les ans, pendant les quatre semaines de l’Avent, il crie à la chrétienté : “ Voix qui crie dans le désert : Préparez les voies du Seigneur, rendez droits ses sentiers. ” Remarquons la progression de ces trois messages. Le premier était plein d’espérance joyeuse (Isaïe), le second respirait l’allégresse causée par la venue prochaine du Seigneur (S.Paul), le troisième nous montre déjà le Seigneur au milieu de nous. Il peut maintenant apparaître réellement, dans le mystère du Saint Sacrifice.
     
4. La messe. — Nous célébrons le Saint Sacrifice au tombeau du Prince des Apôtres (la messe ne fait aucune allusion à la station). L’introït remplit réellement son rôle, il nous fait pénétrer dans les sentiments du jour et de la messe : “ Réjouissez-vous dans le Seigneur, je vous le dis de nouveau, réjouissez-vous, car le Seigneur est proche. ” Voilà ce que nous annonce la liturgie dès les portes de l’église.
     
C’est un double avènement que nous attendons dans la joie : l’avènement dans la chair et l’avènement dans la gloire. Dans la messe d’aujourd’hui, cette double attente se trouve exprimée. Comme réponse au message de joie, nous chantons le cantique de délivrance, le psaume 84 et nous le chantons trois fois aujourd’hui : à l’Introït, à l’Offertoire et à la Communion, par conséquent aux trois processions de la messe. A la Collecte, l’Église, s’inspirant du symbole naturel de la nuit et de la lumière, demande à Dieu de nous faire passer de la nuit du péché à la lumière éclatante de la “ visite divine ”. L’Epître est, dans sa brièveté, d’une plénitude remarquable. Les versets principaux, si impressionnants, ont déjà été chantés à l’Introït. Le Seigneur est proche, proche e t son avènement à Noël ainsi que son avènement de grâce à la messe et son retour au dernier jour. Il est le Sauveur et il nous apporte la joie et la paix de Noël. Le Graduel est un cri de supplication appelant la Rédemption, un “ Rorate coeli ” de l’humanité non rachetée et de l’humanité rachetée (nous connaissons déjà ce cantique de l’Avent, psaume 79), c’est aussi un “ maranatha ” un cantique de Parousie. A l’Évangile, nous voyons l’ambassade du sanhédrin venir trouver Jean Baptiste pour éprouver sa dignité de prophète. Le Précurseur nous assure que le Seigneur est proche “ Il est même au milieu de nous ”. A la différence des Juifs, nous le connaissons et au Saint Sacrifice, sa présence sera une réalité. Là encore, le Baptiste est le précurseur du Christ. A l’Offertoire, nous chantons notre cantique de Rédemption (psaume 84) qui retentit au début du sacrifice comme l’accomplissement du grand espoir de l’Avent. Nous y remarquons la gradation déjà signalée : le Seigneur est proche — il est au milieu de vous — le Sacrifice de la messe le fait apparaître. A la Communion, nous éprouvons une joie frémissante, quand notre Mère l’Église nous assure" : Notre Dieu va venir et il nous sauvera. Et nous chantons encore (pour la troisième fois aujourd’hui) notre cantique de délivrance, le psaume 84 qu’il faudrait lire dans son entier. Et nous demandons que le pain du ciel nous prépare dignement à “ la fête qui s’approche ” (Postcommunion).
     
Chrétiens, ce jour est un jour de joie anticipée. Si cette joie est déjà si belle et si grande, que sera donc la joie de Noël ? que sera surtout la joie céleste de l’éternel Noël ?