SIXIEME DIMANCHE (transféré) APRÈS L’ÉPIPHANIE

Le sénevé est le Christ mystique
La fin approche de plus en plus : le royaume de Dieu parvient à la maturité parfaite. Extérieurement, il ressemble à l’arbre puissant, les peuples de la terre habitent dans ses branches. Intérieurement, il pénètre, comme le levain, l’homme tout entier. Nous apportons notre concours à ce double travail par le saint apostolat et notre sanctification. personnelle. A l’approche de la fin de l’année liturgique, faisons un examen de conscience pour voir si nous méritons, nous aussi, la louange que notre mère, l’Église, nous adresse dans l’Épître.
1. Pensées du Dimanche. — On éprouve une consolation sans pareille quand on suit, en qualité de chrétien, le développement et l’activité de l’Église à travers les siècles. Elle est sortie du cénacle comme un petit grain de sénevé, puis s’est propagée sans arrêt, d’abord à Jérusalem, ensuite en Palestine, pour être portée plus tard par saint Paul dans le monde païen. Au premier siècle, il n’y a déjà plus une ville de l’empire romain où elle n’ait posé le pied. 300 ans de persécutions n’ont pas pu arrêter sa marche pacifique ; le sang des martyrs fut la semence des chrétiens. La voici qui parvient chez les peuples germaniques ; toujours le même spectacle : peu de siècles après, ils étaient devenus chrétiens. Et ce n’était pas là une simple croissance extérieure, mais aussi une transformation intérieure. La face du monde s’est véritablement renouvelée. Pensons seulement à l’esclavage, à la condition de la femme, de l’enfant. Le christianisme a vraiment agi comme un levain dans le monde.
Pourtant, si édifiante que soit cette contemplation, pour nous, amis de la liturgie, elle est encore trop extérieure. Le grain de sénevé est le Christ mystique qui atteint la taille d’un arbre puissant. Chaque saint, qui lui a été incorporé par le baptême, forme un rameau et le demeure après sa mort. Le nombre des élus est déterminé par Dieu ; aussitôt que le dernier rameau sera fixé sur l’arbre du Christ mystique, la mission de l’Église sera terminée. Maintenant, à la fin de l’année liturgique, nous regardons l’arbre pour voir dans quelles proportions le sénevé s’est développé. — Le levain, c’est la vie divine en nous ; elle doit pénétrer tous les domaines. Les saints nous font mieux comprendre ce que cela signifie. Toute leur vie en a été pénétrée. Mais nous avons trouvé la voie pour réaliser, nous aussi, personnellement, cette double parabole. Il convient particulièrement à la fin de l’année liturgique de nous demander : Comment le Christ a-t-il grandi en nous ? Comment a-t-il agi en nous à la manière d’un levain ? Ici, nous pouvons nous faire l’application de l’Épître : avons-nous “ une foi agissante, un amour prêt au sacrifice, une espérance ferme en Notre Seigneur Jésus Christ ? ” — Encore une pensée : L’Eucharistie est aussi un grain de sénevé ; elle est le levain. Tous les dimanches, le Divin Semeur jette ce grain dans notre âme et, pendant la semaine, ce grain doit devenir un arbre qui porte feuilles, fleurs et fruits. Tous les dimanches, la “ femme ”, l’Église, mêle à la farine de l’âme le levain de l’Eucharistie (le mot fermentum désignait, dans la primitive Église, l’Eucharistie envoyée par le Pape) ; maintenant notre âme a besoin d’un levain. C’est le rôle de l’Eucharistie : elle n’est pas un arbre, ni un pain levé, mais un petit grain et un levain ; elle est une force et une grâce qui ne deviennent efficaces qu’avec la collaboration de la volonté humaine.
2. La Messe (Dicit Dominus). — Nous sommes de nouveau sous l’impression des derniers jours ; à l’Introït, nous entendons le Juge parler avec douceur et cependant avec gravité : Mes pensées sont des pensées de paix, et non de châtiment... Une fois encore, nous voyons dans le cortège du clergé notre propre retour dans la maison du Père céleste. Après nous être ainsi remémoré le jour qui approche, nous revenons, à l’Oraison, dans la vie réelle. Ah ! combien nous voudrions ne dire, ne faire, ne méditer que ce qui est agréable à Dieu (Or.). Si le Seigneur revenait maintenant (et chaque messe est déjà une anticipation de son retour), dans quel état trouverait-il le monde, l’Église et notre âme ? Saint Paul nous montre l’image d’une communauté de choix (et aussi d’un Apôtre idéal). Qu’en est-il de notre foi, de notre charité ? En nous aussi, l’Evangile apparaît-il dans toute sa force et sa riche plénitude ? Sommes-nous un exemple pour les autres croyants ? Et attendons-nous vraiment le Sauveur qui descendra du ciel ? A la pensée de cet idéal et de l’attente du Seigneur, nous chantons encore une fois le De profundis. L’Evangile appartient tout entier à notre cercle de pensées. Le royaume de Dieu doit être réalisé sur terre ; cette réalisation présente deux aspects : du point de vue extérieur, tout ce qui est capable de rédemption doit être incorporé au corps mystique du Christ ; l’arbre de l’Église doit donc recevoir son complet couronnement. Toutefois, du point de vue intérieur, le levain de la vie divine doit pénétrer toute la masse. Quand ce moment sera venu, et il dépend des voies de Dieu, alors l’Église retournera dans sa patrie pour le festin éternel. Nous avons déjà montré plus haut l’application des deux paraboles à la messe : l’Eucharistie est un grain de sénevé et un levain qui ne deviennent efficaces qu’avec notre collaboration. Puisse donc la messe d’aujourd’hui, semblable au levain, agir en nous, “ en nous purifiant, en nous renouvelant, en nous dirigeant, en nous protégeant” (Secr.).

3. Le fermentum. — Autrefois, à la messe du Pape, c’était l’usage que deux acolytes apportent, au début, sur l’autel, une parcelle de la Sainte Eucharistie provenant de la messe précédente ; cette parcelle (nommée sancta) était déposée, après le Pater noster, dans le calice. Cette cérémonie avait pour but d’exprimer l’unité et l’union qui existaient entre la messe précédente et la messe actuelle. Dans d’autres églises de Rome, on déposait à ce moment dans le calice le fermentum (c’est-à-dire le levain) ; c’était une parcelle consacrée que le Pape envoyait, le dimanche ou les jours de fête, aux autres églises de Rome, en signe de communion avec le Siège Apostolique. La veille du dimanche des Rameaux, le Pape envoyait aussi le fermentum aux évêques voisins pour la prochaine fête de Pâques. Le fermentum était donc un magnifique symbole de l’unité de l’Église et de l’unité du Sacrifice.