SEPTIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE

Esclaves du péché — esclaves de Dieu.
             
Nous avons pris plaisir, les dimanches précédents, à faire ressortir une pensée et une image qui nous ont permis de caractériser d’un mot chacun de ces dimanches. Nous avons vu dans le Christ notre hôte généreux (2e dimanche), le bon Pasteur (3e dimanche), le divin Pêcheur (4e dimanche). Le cinquième dimanche a été le dimanche de l’amour du prochain. Quant au sixième dimanche, nous l’avons intitulé : Baptême et Eucharistie. Maintenant commence une série de dimanches qui nous offrent une antithèse. ns nous montrent deux camps : ici, le royaume de Dieu ; là, le royaume du monde ; ici, le bon chrétien ; là, le mauvais chrétien. Ce parallèle nous est présenté. pendant ces dimanches, sous différentes images.
            
1. Premières impressions. — Le dimanche d’aujourd’hui nous montre deux images opposées : une image guerrière et une image pacifique.
             
a) La première est une image guerrière. Le livre des Exercices de saint Ignace en donne une vive peinture. Nous voyons la plaine de Babylone. Sur un trône de feu et de fumée est assis le roi du monde, Lucifer. Il rassemble tous ses soldats. Il leur donne l’ordre de s’en aller dans tout pays et dans toute ville pour tenter les hommes. Ils doivent jeter leurs chaînes et tendre leurs filets pour soumettre beaucoup de sujets à leur roi. Lucifer indique aussi à ses soldats les moyens de captiver les hommes. C’est. d’abord, par le désir des biens terrestres ; puis, par la recherche du vain honneur du monde : cela les conduit à l’orgueil indomptable. Nous voyons les soldats de Lucifer s’en aller pour exécuter avec zèle leur mission. Si nous nous demandons quelle est la solde des soldats de Lucifer, nous apprenons avec horreur que l’unique solde de ces soldats, c’est la mort, la mort éternelle. — Nous voyons une autre réunion de guerriers. C’est dans la plaine de Jérusalem. Là aussi, un trône est érigé. Sur ce trône est assis le Roi Jésus-Christ : u Tous les peuples applaudissent, car terrible est le grand Roi de l’univers entier” (Intr.). Il enrôle ici aussi des soldats pour son service. Il les envoi conquérir et agrandir le royaume de Dieu. Ils doivent aller dans toute ville, dans toute maison. Le Christ, lui aussi, indique les moyens de soumettre les hommes à son empire : ses soldats doivent les amener au mépris du monde, à l’acceptation de la souffrance et de la croix, et enfin à l’humilité. Si nous demandons quelle est la récompense des soldats du Christ, on nous répond : c’est la vie éternelle. — Est-ce que l’Église nous laisse le choix entre ces deux récompenses ? Non, nous avons déjà choisi. Déjà, dans le baptême, nous avons renoncé au service de Lucifer. Quand le prêtre nous demanda : Renoncez-vous au démon, nous avons répondu : j’y renonce. Nous avons reconnu de tout cœur le Christ pour notre véritable Roi. Si l’Église a mis sous nos yeux cette image, c’était simplement pour que nous nous rappelions avec gratitude notre délivrance du joug de l’esclavage. Le dimanche est un jour de Pâques, un jour de baptême. Renouvelons nos promesses du baptême. Ne soyons pas des traîtres, des déserteurs, en adhérant tantôt à un parti, tantôt à l’autre. Rangeons-nous aujourd’hui de toute notre âme sous les étendards du divin chef de l’armée du ciel.
              
b) La seconde est une image pacifique. Nous entrons dans un beau jardin bien entretenu où se trouvent des arbres fruitiers innombrables. Dans ce jardin, le jardinier et ses aides travaillent inlassablement. A travers le jardin coule un ruisseau qui apporte la fraîcheur aux arbres. Le soleil brille avec une chaleur douce ; il fait mûrir les pommes rougissantes. Or, le maître de la maison vient trouver le jardinier. Tous les deux examinent un arbre qui a bien des feuilles, mais ne porte aucun fruit. Le maître secoue pensivement la tête et dit : “ Il y a des années que je viens ici pour chercher des fruits sur cet arbre et je n’en trouve pas. Abats-le donc. Pourquoi occupe-t-il la terre ? ” Le jardinier intercède auprès du maître : “ Maître, laisse-le encore debout cette année. Je creuserai tout autour et je mettrai du fumier. Peut-être portera-t-il des fruits dans l’avenir. Sinon, tu pourras le faire abattre ” (Luc, XIII, 7 sq.). Le père de famille se laisse toucher. Tous les deux s’en vont. Ils voient les arbres chargés de beaux fruits et se réjouissent dans leur cœur. — Comprenons-nous cette seconde image ? Dans la première, il nous fallait choisir entre le Christ et le diable. Dans la seconde, nous entrons dans le jardin le l’Église. Chaque chrétien est un arbre de ce jardin. Le jardinier, c’est le Christ qui plante, nourrit, lie et appuie les arbres. Le ruisseau a jailli de la plaie du côté du Christ et coule dans les sacrements à travers le jardin de l’Église. Le soleil est le Saint-Esprit qui fait mûrir les fruits. Or, le père de famille circule avec le jardinier à travers les rangées d’arbres. Maintenant, Dieu le Père et le Christ visitent notre âme. Ils l’examinent en tenant compte non de la belle couronne de feuilles, mais des fruits, c’est-à-dire : des bonnes œuvres. Ils s’arrêtent devant un arbre. C’est moi. Hélas ! j’ai bien des feuilles, mais peu ou pas de fruits. Le Père de famille me regarde avec sévérité, mais le Christ prie pour moi. Il prie en ce moment à la messe ; il rappelle sa Croix.
            
2. La messe (Omnes gentes). — L’Introït donne souvent l’impression générale du jour. Aujourd’hui, c’est une impression pascale. Le Christ, le Roi glorifié, trône au-dessus de nous. La raison de la joie pascale, c’est la vie divine. Le psaume 46 dans son entier expose cette raison. Dieu a vaincu en nous l’ennemi de notre âme, il nous a choisis pour son héritage. Notre seul souci, notre seul désir doit être d’écarter l’ennemi de notre âme. Oraison : Les enfants de Dieu demandent à leur Père, dont la Providence sage veille sur eux, de leur donner les moyens convenables pour arriver à la véritable vie... Maintenant, notre docteur se présente de nouveau devant nous et, dans l’Epître (Rom. VI, 19-23), nous fait jeter un regard sur le passé pour nous rappeler tout notre bonheur et aussi la grande tâche qui s’impose à nous. Saint Paul nous présente dans une puissante antithèse deux images : l’esclave du péché et l’esclave de Dieu. Autrefois, avant notre conversion, nous étions soumis à la tyrannie du péché et nous mettions toutes nos forces à son service. Maintenant, nous servons Dieu et nous devons mettre notre âme, notre corps et notre vie à son service. C’est là la véritable liberté. Le fruit d’une telle vie, c’est la sainteté, et sa fin est la béatitude éternelle. “ Mais maintenant que vous êtes délivrés du péché, vous avez comme fruit la sainteté, et comme fin la vie éternelle ”. Ce sont là des paroles que le monde entier devrait méditer. — Au Graduel, c’est notre Mère l’Église qui veut nous enseigner cet esclavage de Dieu, le “ fruit du Seigneur ”. Par là nous deviendrons des “ hommes de lumière ”. L’Alleluia, lui aussi, est un chant joyeux de Pâques. — Le disciple nous a parlé des fruits de la vie au service du péché et de la vie au service de Dieu. Nous entendons maintenant le même enseignement de la bouche du Maître. L’Évangile est un extrait du Sermon sur la montagne. Jésus y parle des tentateurs (faux-prophètes) et nous indique à quels signes nous les reconnaîtrons : leurs oeuvres. Que veut nous dire l’Église ? Elle nous enseigne à distinguer la véritable vie chrétienne de la fausse. On reconnaît l’arbre à ses fruits ; de même on reconnaît le vrai chrétien non pas à ses paroles pieuses, mais à la manière dont il accomplit la volonté de Dieu. L’Évangile nous propose un sérieux examen de conscience : Gardons-nous de l’illusion ; sommes-nous un bon arbre avec de bons fruits ? L’Offertoire et la Secrète sont aujourd’hui d’importantes prières sacrificales, qui empruntent leurs images aux rites de l’Ancien Testament et nous rappellent de nouveau la supériorité de la messe. Le fruit du Saint-Sacrifice est, aujourd’hui, la force et la grâce d’accomplir la volonté de Dieu, d’être un esclave de Dieu, un bon arbre.