SAMEDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CAREME

Station à Sainte Susanne
    
Le Christ, l’ami des pécheurs.
     
La journée que nous commençons constitue, elle aussi, une unité complète. Nous nous tenons, aujourd’hui, dans les rangs des pénitents. L’âme, qui est adultère devant Dieu (tout péché constitue une infidélité de l’Épouse de Dieu), reçoit son pardon du Christ.
    
Nous chantons, au commencement et à la fin du jour : “ Jésus se baissa et écrivit sur le sol : que celui qui est sans péché lui jette la pierre” (Ant. Bened.).
     
“ Personne ne t’a condamnée, femme ? “ “ Personne, Seigneur. “ “ Moi non plus, je ne te condamnerai pas ; mais ne pèche plus” (Ant. Magn.). Nous vivons donc tout le jour le drame de la femme adultère.
     
1. Thème de la station. — Station à Sainte-Susanne. Au sujet de la sainte de station, le martyrologe nous dit le 11 août : “ A Rome, la sainte vierge Susanne ; elle était issue d’une famille distinguée et était la nièce du bienheureux pape Caïus ; au temps de Dioclétien, elle eut la tête tranchée et conquit ainsi la palme. “ Le bréviaire ajoute la cause du martyre : “ Elle fut décapitée parce qu’elle avait refusé d’épouser le fils de l’empereur Dioclétien, Galère Maxime, car elle avait déjà fait le vœu de virginité perpétuelle. “ — L’église de station est un très antique sanctuaire, qui remonte peut-être jusqu’au me siècle ; il est vrai qu’aujourd’hui il est entièrement renouvelé. A côté de la sainte martyre Susanne, on honorait, dans cette église, la Susanne de l’Ancien Testament, injustement accusée d’adultère.
      
2. La messe (Verba mea). — La messe est un chef-d’œuvre de composition. Les deux lectures forment un beau parallèle : deux femmes, l’une, condamnée injustement ; l’autre, coupable et cependant pardonnée. Dans les deux scènes, il y a trois groupes de personnages : une femme accusée d’adultère, de méchants juges qui se donnent l’apparence de défendre la foi ; un libérateur. Le sommet et le point culminant du parallèle est l’absolution du Christ. C’est justement dans le contraste des deux scènes qu’apparaît la sublime grandeur du Christ. L’Ancien Testament pouvait tout au plus préserver l’innocence d’une condamnation injuste, le Nouveau donne le pardon au coupable. Dans le sacrifice, notre âme est la femme adultère qui, par le péché, a été infidèle envers Dieu et à qui Jésus accorde le pardon (Comm.). Ces pensées ont leur écho dans les chants. A l’Introït, cherchant le pardon et la grâce, je m’approche, “ dès le matin, de mon Roi et de mon Dieu “, comme la femme adultère. La leçon, la condamnation et l’acquittement de la chaste Susanne, n’est que le sombre arrière-plan de l’Évangile. Le récit vraiment dramatique était très connu des anciens chrétiens ; on en voyait la représentation dans les Catacombes. Susanne était considérée comme le symbole de l’Église qui est persécutée par les Juifs et les païens, mais est placée sous la protection de Dieu. Suzanne est aussi l’image de l’âme devant le juge éternel ; elle est accusée par le diable, mais elle est sauvée par le divin Daniel (Le Christ). Le Graduel fait écho à cette leçon : “ Quand je devrais passer à travers un enfer de calomnie et de persécution, mais aussi de fautes, je ne crains rien, car le bon pasteur me conduit. ” L’Évangile est un message consolant pour tous les pécheurs. Le Christ ne nous condamne pas. Prend-il donc le péché à la légère ? Non. Ce qu’est le péché pour lui, il le montre dans sa Passion, et même maintenant à la messe. Il est mort pour le péché ; mais, envers les pécheurs, il est miséricordieux et bon. Il est le grand ami des pécheurs, il ne leur pose qu’une condition : “ Ne pèche plus. ” Ainsi la procession de l’Offrande est une image du “ droit chemin ”, d’après la parole de Jésus (c’est un cantique de voyage). La repetenda est très impressionnante : “ Afin que le péché ne règne pas en moi. “ La communion d’aujourd’hui est encore le banquet de réconciliation de l’âme pénitente et retrouvée, comme samedi dernier (au reste ces deux messes ont beaucoup de ressemblance). Les prières sont parfaitement en harmonie avec l’Évangile.
      
3. C’est toi. — Méditons, pendant la journée, les deux récits.
     
a) Susanne. — Il y a peu de lectures de la Sainte Écriture qui excitent notre sympathie autant que celle-ci. En quelques traits d’une grande beauté, la noble femme nous est décrite comme un modèle d’honneur et de chasteté ; nous n’en sommes que plus indignés contre les monstres de juges. Peut-il y avoir de tels hommes ? “ Leur cœur est un nid de vipères. “ Nous nous sentons soulagés quand ces deux juges subissent enfin le juste châtiment. Mais l’Église veut nous faire regarder encore dans notre cœur : voilà comment tu es. Elle est si misérable, la nature humaine pour laquelle le Christ veut mourir ! — Depuis la faute d’Adam, un fleuve de boue roule sur la terre — ne m’a-t-il pas atteint, moi aussi ? Pauvre cœur humain ! 
 
b) Mais plus impressionnante encore est la seconde lecture : le Sauveur à la fête des Tabernacles. Les Pharisiens lui amènent une malheureuse femme surprise en adultère. Nous ne connaissons pas les circonstances, c’est pourquoi nous n’avons pas à juger. — Il s’agit d’une grande faute. Cette femme avait sacrifié son honneur et violé la foi conjugale ; la loi juive punissait cette faute de la peine de mort. Mais les Pharisiens sont plus coupables qu’elle ; la femme a peut-être péché par faiblesse, mais le cœur des Pharisiens est entièrement corrompu ; ils se repaissent de la vue de leur victime, ils la traînent devant Jésus auquel ils veulent tendre un piège. Observons le Seigneur dans sa majesté. Ils l’interrogent et lui écrit sur le sable. Oui, il écrit le péché sur le sable ; il ne veut rien savoir de ce procès. Il n’est pas venu pour juger. — Ne jugeons pas si nous n’avons pas été établis juges, ne condamnons personne, soyons indulgents. — Mais les Pharisiens le pressent ; il se lève et prononce le “ jugement de Salomon” : “ Que celui qui est sans faute... “ Il veut dire : Certes, d’après la loi, elle devrait mourir, mais la loi exige que les exécuteurs de la sentence soient exempts de la faute. Ils ne s’attendaient pas à cela. Le Seigneur porte le flambeau dans leur âme sombre ; ils craignent que celui qui sait tout ne révèle leurs péchés. Jésus s’incline de nouveau — il ne prend pas plaisir à leur embarras et il veut leur donner la possibilité de s’éloigner sans honte. Et ils s’en vont l’un après l’autre. Le silence se fait, il ne reste plus que Jésus — la femme — le peuple. Jésus lève les yeux. “ Personne ne t’a condamnée ? “ demande-t-il à la femme. “ Non, Seigneur. “ “ Moi non plus, je ne te condamnerai pas ne pèche plus. “ Tombons à genoux et adorons la sainte parole du Christ. C’est un message consolant pour tous les pécheurs. Jésus ne me condamne pas.
    
4. Psaume 17 — Cantique d’action de grâces pour la victoire — Aujourd’hui encore, il n’est plus possible de voir, dans le texte de la messe, qu’il faudrait chanter, à la Communion, le psaume 17, car l’antienne est tirée de l’Evangile. Le psaume 17 est un cantique célèbre. David le chante à la fin de sa vie, c’est son chant du cygne. Il jette un regard en arrière sur ses combats et sa victoire finale sur tous ses ennemis. Le psaume est un des plus beaux du psautier. A cause de sa longueur, nous ne présenterons que la grandiose théophanie au milieu de l’orage. Ce passage s’harmonise très bien avec la messe où nous voyons Susanne et la pécheresse délivrées d’une grande détresse.
Je t’aime, Seigneur, toi qui es ma force ! le Seigneur est pour moi un roc et une forteresse et un lieu d’asile.
Mon Dieu, mon appui, auprès de qui je trouve un refuge,
Mon bouclier, la corne de mon salut, ma citadelle ! J’ai invoqué, en le louant, le Seigneur et j’ai trouvé secours contre mes ennemis.
     
Les douleurs de la mort m’environnaient, les torrents de l’iniquité m’épouvantaient,
Les liens de l’enfer m’enlaçaient et les filets de la mort étaient tombés sur moi.
Alors dans ma détresse je criai vers le Seigneur, je criai vers mon Dieu.
Et de son saint temple il entendit mon appel et mon cri pénétra jusqu’à ses oreilles.
 
La terre fut ébranlée et trembla, les fondements des montagnes frémirent, ils commencèrent à trembler devant son courroux ;
Un nuage de fumée s’éleva dans sa colère, et un feu dévorant sortit de sa face, il en jaillissait comme des charbons ardents.
Le ciel s’inclina et il descendit ; une sombre nuée était sous ses pieds.
 
Il monta sur les chérubins et il vola, il planait sur les ailes du vent.
Il fit des ténèbres sa retraite, sa tente autour de lui : des eaux obscures et de sombres nuages.
De l’éclat qui le précédait s’élancèrent ses nuées avec de la grêle et des charbons ardents.
Le Seigneur tonna dans les cieux, le Très-Haut fit retentir sa voix, grêle et charbons ardents.
Il lança ses flèches et les dispersa, il multiplia ses foudres et les confondit.
Alors le lit des eaux apparut, les fondements de la terre furent mis à nu,
Devant ta menace, Seigneur, au souffle du vent de tes narines.
 
Il étendit sa main d’en haut et me saisit, et me retira des grandes eaux.
Il me délivra des mains de mes ennemis puissants, et de ceux qui me haïssaient et étaient plus forts que moi.
Ils m’avaient surpris au jour de mon malheur, mais lui, le Seigneur, fut mon protecteur.
 
Il m’a mis au large, il m’a sauvé parce qu’il m’aimait.