SAMEDI DE LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

Station à Saint Pierre et Saint Marcellin
      
Il voulait, pour pénitence, devenir esclave, le Père en fit un fils de roi.
 
Le Seigneur appelle, sans mérites préalables, les catéchumènes et les pénitents. Nous qui sommes appelés, célébrons le mystère de l’élection et de la conversion.
     
Dans les antiennes du lever et du coucher du soleil, l’Église nous fait, pendant toute la journée, prendre part au drame de l’Enfant prodigue. Le matin, nous allons, pleins de repentir et de componction, “ vers le Père “, c’est-à-dire dans l’Église ; le soir, nous sommes revêtus de la dignité de fils de roi.
“ Je me lèverai et j’irai vers mon père et je lui dirai : Père, fais de moi un de tes journaliers “ (Ant. Bened.).
“ Le père dit à ses serviteurs : Apportez vite sa première robe (stolam primam) et revêtez-l’en, mettez-lui un anneau à sa main et des chaussures à ses pieds “ (Ant. Magn.). 
Il voulait, pour pénitence, devenir esclave — le père en fit un fils de roi. Remarquons la sublime scène liturgique de l’élévation à la dignité de fils de roi ; elle rappelle la vêture solennelle d’un évêque à qui on met ses vêtements pontificaux. Ainsi donc, ces deux antiennes constituent les termes essentiels de toute pénitence, mais nous y voyons aussi la pédagogie consolante de l’Église dans le temps de Carême et de Pâques.
      
1. Vocation et conversion. — Aujourd’hui, nous remercions Dieu de deux grandes grâces, celle de notre vocation et celle de notre conversion. En tant que catéchumènes, nous célébrons le mystère de la vocation ; en tant que pénitents, la grâce de la conversion. Ayons conscience d’être des hommes élus et appelés. Sans mérites de notre part, nous avons été choisis parmi des milliers. Outre la grâce de l’appel, Dieu nous donne encore celle de la conversion. La conversion ne coïncide plus avec le baptême. La plupart des hommes doivent, en tant qu’adultes, passer d’une vie tiède ou même pécheresse à une vie meilleure et se convertir à Dieu. Enfin, nous devons, tous les ans, pendant le Carême, nous convertir de nouveau. C’est ce que l’Église nous indique aujourd’hui dans la parabole de l’Enfant prodigue, cette parabole d’une beauté impérissable, qui est la vraie parabole de Carême. Le fils plus jeune, c’est chacun de nous. Nous sommes partis loin de la maison paternelle, vers la terre étrangère, la terre où Dieu est étranger et nous avons éprouvé la nostalgie de notre Père et de la maison paternelle. C’est déjà une grande grâce de ne pouvoir vivre en paix avec le péché. Dieu ne nous a pas laissé de repos. Or, voici le joyeux message : le Père attend avec impatience le retour de son enfant, il le laisse à peine dire un mot, il l’embrasse et le couvre de baisers, il lui rend tous ses droits anciens de fils de prince (anneau, chaussures et robe nuptiale). C’est sur cela que la parabole insiste, sur la joie de l’heureux retour. L’Église désire qu’aujourd’hui nous nous mettions à la place du fils retrouvé. Pendant tout le jour, pensons avec reconnaissance que nous sommes des hommes élus et convertis.
      
2. Le thème de la station. — Les saints de la station d’aujourd’hui sont les martyrs romains, saint Pierre et saint Marcellin ; le premier était prêtre et l’autre, exorciste. Sous l’empereur Dioclétien, ils convertirent, dans leur prison, beaucoup de monde à la vraie foi. Après un dur emprisonnement et de nombreux supplices, ils furent décapités. — Le texte de la messe a subi l’influence des saints de la station. A cause de ces deux saints fraternellement unis, on nous présente, dans chacune des deux lectures, deux frères. Ces saints étaient très vénérés dans l’Église romaine et leurs noms se trouvent, depuis des siècles, dans les diptyques du Canon romain. L’Église de station, dans laquelle nous nous rendons aujourd’hui en pèlerinage, est un antique sanctuaire déjà attesté au VIe siècle et, comme station, au Vile siècle. Aujourd’hui, l’église est entièrement reconstruite et de la basilique primitive il ne reste plus rien.
     
3. La messe (Lex Domini). — Dans cette messe nous sommes immédiatement frappés par le parallélisme voulu des deux lectures et des deux frères (la messe de samedi prochain est construite absolument sur le même modèle et doit remonter à la même époque). Les chants sont extraordinairement joyeux La messe est, pour nous, une messe d’action de grâce ! et de joie. A l’Introït, nous chantons aujourd’hui le chant du soleil ; nous en extrayons joyeusement la seconde partie qui célèbre la majesté de la Loi. Les catéchumènes et les pénitents pouvaient prendre part à ce chant, célébrer la doctrine chrétienne qui rafraîchi l’âme et apporte la sagesse aux petits. Dans l’Oraison nous demandons que le jeûne corporel contribue : rassasier notre âme. Les deux lectures forment parallèle : deux frères, dont le plus jeune, qui a moins d, droits, est élevé, alors que l’aîné est rabaissé. La leçon convient surtout aux catéchumènes ; l’Evangile, au : pénitents. La leçon traite du mystère de l’élection Jacob reçoit, de préférence à son aîné, Ésaü, la bénédiction du premier-né. L’Évangile traite de la grâce de la conversion. Ces deux frères cadets représentent la vocation de l’Église des Gentils. Le sacrifice eucharistique est le banquet joyeux que le Père nous prépare à tous, aux pénitents et aux catéchumènes, comme avant-goût du Jeudi-Saint et de la nuit de Pâques C’est pourquoi l’antienne de Communion, extraite de l’Évangile, respire la joie et la reconnaissance. L’Église nous dit, pour ainsi dire : Réjouissez-vous, car vos frères, les catéchumènes et les pénitents, sont ressuscités des morts. C’est ce qui nous explique le caractère joyeux de ces chants. C’est le thème pascal : nous nous voyons déjà à la fin de notre travail de jeûne et de conversion. Le soleil de Pâques se lève déjà aux yeux des convertis. A l’Offertoire, nous sommes déjà environnés de la clarté de la lumière pascale et nous demandons la véritable conversion, comme le “ fils ressuscité des morts “. la pensée de la pénitence, que nous aimons retirer de cette parabole, ne semble pas occuper la liturgie, dans cette messe ; elle attire surtout notre attention sur le mystère de l’élection.
      
4. La prière des Heures. — La prière des Heures approfondit, aujourd’hui, la parabole de l’Enfant prodigue. Aux Matines, nous consacrons même un Répons à ce sujet, ce qui t :st une des rares exceptions en Carême. A la différence de la messe, la prière des Heures semble mettre au premier plan la pensée de la pénitence. Nous lisons, aux Matines, un extrait du commentaire de saint Ambroise sur saint Luc. Citons-en quelques passages caractéristiques : “ Il n’y a pas, dans le royaume de Dieu, d’âge mineur et la foi ne s’apprécie pas d’après les années. ” “ Celui-là perd son patrimoine qui se sépare de l’Église. ” “ Quel plus grand éloignement que de se séparer de soi-même, alors même qu’on n’est pas séparé par des pays étrangers, mais par sa conduite ?... Car celui qui est séparé du Christ est banni de sa patrie, c’est un citoyen de ce monde. Quant à nous, nous ne sommes pas des étrangers et des passants, mais nous sommes des concitoyens des saints et les commensaux de Dieu. Autrefois, nous étions éloignés, mais nous sommes rapprochés dans le sang du Christ. “ “ Le pays éloigné est l’ombre de la mort. Mais nous, pour qui le souffle devant la face est le Christ Notre Seigneur, nous sommes à l’ombre du Christ. “ Quelles profondes pensées dans ces phrases !
Père, j’ai péché devant le ciel et devant toi,
Je ne suis pas digne d’être appelé ton fils.
Fais de moi l’un de tes serviteurs.
Tant de serviteurs ont du pain en abondance dans la maison de mon Père,
Et moi, ici, je meurs de faim !
Je me lèverai et j’irai vers mon Père et je lui dirai :
Fais de moi l’un de tes serviteurs (Rép.).      
5. Psaume 12. — De la désolation à l’allégresse de la reconnaissance. — Ce psaume, d’une belle construction, nous fait passer par les trois degrés que doit gravir toute bonne prière : 1. dans la détresse ; 2. demande fervente ; 3. joie d’avoir été exaucé.
Jusqu’à quand, Seigneur, m’oublieras-tu complètement? jusqu’à quand me cacheras-tu ta face?
Jusqu’à quand porterai-je le chagrin dans mon âme et mon cœur devra-t-il se consumer dans la peine?
Jusqu’à quand mon ennemi s’élèvera-t-il contre moi ?
Regarde, écoute-moi, Seigneur mon Dieu !
Donne la lumière à mes yeux, afin que je ne tombe pas dans le sommeil de la mort ; afin que mon ennemi ne dise pas :.je l’ai vaincu, et que mes adversaires ne se réjouissent pas en me voyant chanceler.
Mais moi j’espère en ta bonté.
Mon cœur tressaille déjà à cause de ton secours ;
Je chanterai le Seigneur pour le bien qu’il m’a fait, je louerai le nom du Très-Haut.