SAMEDI APRÈS LE 1er DIMANCHE DE L’AVENT

Un entant nous est né
     
1. Lecture de l’Avent. — Nous lisons aujourd’hui une prophétie messianique d’Isaïe que nous entendrons de nouveau à l’heure sainte des matines de Noël (Is. IX, 1-16) :
Il opprime d’abord le pays de Zabulon et le pays de Nephtali;
Mais ensuite viendront de nouveaux honneurs
Aux pays qui tombent à la mer, au pays d’au-delà du Jourdain et au district des Gentils;
Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit une grande lumière.
Et sur ceux qui habitaient les pays de l’ombre et de la mort se lève une lumière.
Tu multiplieras ton peuple et lui accorderas une grande joie,
II se réjouira devant toi comme on se réjouit à la moisson, comme on pousse des cris d’allégresse en partageant le butin;
Car le joug pénible qui pesait sur lui tu l’as brisé comme à la journée de Madian[1]
Ainsi que la verge qui frappait son épaule et le bâton de son exécuteur
Car toute armure de guerrier sera le butin du feu
Et tout manteau sanglant sera la proie des flammes;
Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné;
Sur ses épaules repose l’empire et on le nommera
Conseiller admirable, Dieu fort, Père de l’avenir. Prince de la paix;
II sera assis sur le trône de David pour accomplir son alliance,
Pour l’établir et l’affermir par e droit et la justice, dès maintenant et pour toujours.
Le zèle du Seigneur des armées fera cette œuvre. ”
Ce passage est une des plus importantes prédictions des Prophètes.
     
2. Chants de l’Avent. — C’est vers cet enfant-Roi que l’Eglise soupire dans ses chants :
“ Voici que viennent les jours, dit le Seigneur,
Et je susciterai à David un rejeton juste.
Il régnera comme Roi et sera sage
Il exercera le droit et la justice sur la terre
Et voici le nom qu’on lui donnera :
Notre Seigneur juste.
En ces jours, Juda sera sauvé
Et Israël habitera dans la sécurité ” (Répons)
Dès le matin, l’Église se console ainsi : Sion, ne crains pas, ton Dieu va venir, Alleluia.
     
3. Désirs ardents. — Notre premier guide à travers l’Avent nous prêche l’attente et le désir. Tous les jours nous chantons et nous disons après lui : “ Cieux, répandez votre rosée ; nuages, laissez tomber, comme une pluie, le Juste. Que la terre s’entr’ouvre et fasse germer le Sauveur. ” Demandons-nous, une bonne fois, ce que signifie cette parole : nous devons pendant l’Avent avoir un grand désir du Sauveur !
     
Jetons d’abord nos regards sur la nature. Le champ ne reçoit la semence que lorsque la charrue l’a pénétré et ouvert. Le labourage est, pour ainsi dire, le désir du champ. Quand, pendant l’été, le soleil impitoyable a brûlé les champs et les prés, que pendant des semaines il n’est pas tombé une goutte d’eau, le sol a soif d’eau. Le champ aspire à l’eau. Pour que la nourriture soit profitable il faut que nous ayons la sensation de la faim. La faim est l’aspiration de l’organisme. Dans la vie physique, il y a des aspirations naturelles qui sont une préparation et une condition préalable pour la croissance et la fécondité.
     
Regardons maintenant vers la vie naturelle de l’homme. Le désir est le sentiment primitif et foncier du cœur humain. Y a-t-il un homme qui ne désire plus rien ? L’enfant se bâtit déjà des châteaux en Espagne. Quelle soif de bonheur n’ont pas les hommes ! Le cœur humain est un abîme qui demande toujours davantage. “ La sangsue a deux filles qui s’appellent : Toujours plus, toujours plus” (Prov. XXX, 15). Combien est grande la faim de l’or chez l’homme ! Combien sont violents et difficiles à dompter les instincts sensuels et les passions de l’homme ! L’ardeur du cœur humain pour les biens de la terre est donc très grande. Et ces désirs, semblables à l’eau sous pression, tendent sans cesse à faire irruption et à se satisfaire.
     
La nature, selon la volonté de Dieu, est l’image de la surnature. Pourquoi les forces puissantes qui sont dans l’homme ne pourraient-elles pas être mises au service du divin ? Oui, l’homme peut avoir le désir ardent du divin. Dieu s’en servit comme moyen d’éducation pour préparer à la venue du Christ. Il fallait amener les Juifs et les Gentils à désirer le Rédempteur. Les Juifs y furent amenés par la voix des Prophètes ; les païens, par la connaissance de la ruine complète de leur vie spirituelle et morale. C’est pourquoi on entend retentir dans l’antiquité ce cri : Cieux répandez votre rosée et laissez descendre le Juste.
     
Or, depuis la venue du Rédempteur, le désir n’est pas éteint. Le grand saint Augustin a prononcé cette parole célèbre : “ Notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en Dieu. ” Les biens terrestres ne peuvent étancher la soif du cœur humain ; Dieu seul peut le rassasier.
     
Posons maintenant cette question : Comment pouvons-nous désirer le Rédempteur, puisque nous le possédons déjà ? Est-ce que le désir de l’Avent ne doit être qu’un sentiment confus, sans valeur réelle ? Entendons ce désir comme un désir concret, l’aspiration à la Rédemption et au royaume de Dieu. Le Notre Père contient dans ce sens une prière d’Avent : “ Que ton règne nous arrive. ” Que veut dire cela ? L’âme doit être conquise pour Dieu, elle doit devenir le royaume de Dieu. L’est-elle déjà ? L’est-elle complètement ? N’y a-t-il aucune région dans cette âme où règnent le monde, le moi, le diable ? — Nous sommes les membres du Christ, mais est-ce que le membre que nous sommes est entièrement rempli de la vie divine ? Ayons donc lé désir d’une vie divine complète, le désir de la domination absolue de notre âme par Dieu. Voilà ce que signifie le désir de l’Avent.
     
Le Christ doit régner sur toutes les forces de notre âme. L’intelligence doit avoir soif de la connaissance divine, afin de pouvoir connaître la profondeur, la hauteur et la longueur de l’état chrétien. La volonté. doit être remplie de la force et de la grâce du Christ, afin de pouvoir accomplir ce que Dieu exige d’elle. Ah ! comme elle est donc faible notre volonté humaine ! Le cœur, qui est souvent si froid ou si tiède, doit s’enflammer d’ardeur pour son Roi Jésus-Christ. Il n’a que trop de passion encore pour les biens terrestres. Toutes nos puissances, toutes nos facultés doivent tendre vers l’action vertueuse. En d’autres termes : nos désirs ardents, pendant l’Avent, doivent être le sentiment de notre besoin de Rédemption.
     
Nous pouvons encore entretenir ces désirs d’une autre manière, en désirant pour les. païens de chez nous et ceux des pays lointains. Ce désir doit nous porter à nous préoccuper des âmes. Prions pour ceux qui ne désirent pas encore le Rédempteur. Disons tous les jours pendant l’Avent, avec ferveur et désir d’être exaucés : Adveniat regnum tuum. Ainsi nos aspirations, pendant l’Avent, ouvriront le champ de notre âme pour la semence de la nouvelle année liturgique.
     
3. Samedi soir : Le soir nous récitons déjà et nous chantons les Vêpres du second dimanche. Les antiennes sont de nouveau remplies de l’attente de l’Avent : “ Voyez, dans les nuées du ciel, le Seigneur va venir avec une grande puissance, Alleluia. ” Puis nous nous tournons vers la ville de Jérusalem. Demain nous entendrons beaucoup parler d’elle : “ La ville de notre force est Sion, le Sauveur est établi en elle comme mur et avant-mur ; ouvrez les portes, car Dieu est avec nous, Alleluia. ” Et de nouveau l’Église nous console : “ Voici que le Seigneur va paraître et il ne mentira pas ; s’il tarde, attends-le, car il viendra et l’attente ne sera pas longue, Alleluia. ” A l’arrivée du Seigneur, la Création louera Dieu : “ Les montagnes et les collines chanteront au Seigneur un cantique de louange et tous les arbres des forêts applaudiront, parce que le Seigneur souverain viendra dans son royaume éternel. ” Son arrivée sera aussi pour nous une illumination : “ Voici que le Seigneur va venir avec puissance et il illuminera les yeux de ses serviteurs, Alleluia. ” A Magnificat, nous chantons avec supplication ardente : “ Viens, Seigneur, visite-nous dans la paix afin que nous nous réjouissions devant Toi, d’un cœur parfait. ”
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[1] Gédéon infligea aux Madianites une grande défaite.