Le Christ dans sa puissance
1. Il arrive parfois que trois des dimanches après
l’Épiphanie, qui, en raison de la date précoce de Pâques, avaient été omis,
sont intercalés ici entre le XXIIIe et le dernier dimanche après la
Pentecôte. Cette translation nous fournit une remarque importante sur la
structure des textes liturgiques. Le texte de la messe, Il, avec les lectures
et oraisons, est repris au complet ; seuls, les chants psalmodiques sont
différents. De là il résulte que les chants psalmodiques expriment l’esprit
d’un temps, tandis que les lectures de ce temps peuvent emprunter leurs pensées
à d’autres temps. Examinons seulement ce dimanche. Que voulait dire l’Evangile
de la tempête dans le temps qui suit l’Épiphanie ? C’était avant tout une
puissante épiphanie, c’est-à-dire une manifestation du Fils de Dieu au
monde ; mais c’était aussi une transition normale entre le cycle de Noël
et la fête de Pâques : A Noël, le Christ a édifié Sion (l’Église) et il
apparaît dans sa majesté ; toutefois, il n’est pas venu“ apporter la paix,
mais le glaive ”. -La ville de Dieu est environnée par les ténèbres, comme la
barque par les vagues et la tempête. — Tout autres sont les pensées que nous
offre l’Evangile maintenant à la fin de l’année : la barque au
milieu des vagues mugissantes, c’est l’Église au cours des temps, spécialement
à la fin ;. quant à l’apaisement de la tempête, c’est la parousie, le
retour du Seigneur dans sa majesté. Oui, la tempête de l’enfer sera apaisée
d’un seul coup ; le Seigneur, qui paraît maintenant dormir, se lèvera dans
son Église et il se fera un grand calme.
A la vérité, les deux dimanches, aussi bien le dimanche
après l’Épiphanie que le dimanche après la Pentecôte, se rejoignent dans la
pensée de Pâques, car chaque dimanche est une fête pascale. La scène de la
tempête sur la mer est l’image du combat et de la victoire pascale du Christ.
Chaque dimanche, nous célébrons la mort et la résurrection du Christ à
Jérusalem, mais aussi la mort et la résurrection du Christ en nousmêmes. Et,
si, pendant toute la semaine, nous avons été agités par la tempête et par les
vagues, à la messe du dimanche, le Seigneur monte dans la barque, il commande à
la tempête et réalise la paix de la résurrection. Chaque dimanche nous procure
une part de cette paix pascale de l’âme. Ainsi chaque dimanche est un anneau de
la grande chaîne qui va du baptême au dernier combat et à la victoire.
2. La Messe. (Dicit Dominus). —
Les chants psalmodiques sont ceux du XXIIe dimanche. Il importe de
prêter grande attention à ces chants, car ils sont caractéristiques et nous
indiquent l’esprit des dernières semaines de l’année liturgique. Aujourd’hui,
en pénétrant dans le sanctuaire, nous sommes surpris de voir le Seigneur sur
son trône avec le message de l’amitié : l’exil touche à sa fin ; il
ne veut pas être un juge, mais un sauveur, un porteur de “ paix ”. Qu’ils sont
charmants les accents du psaume 841 Le clergé, faisant son entrée en ornements
de fête, est le symbole du retour des enfants de Dieu dans la patrie. Quel
contraste entre l’Evangile de la tempête sur la mer et l’oraison
s’accordant à cette pensée : ainsi en est-il de la vie de l’homme ;
ainsi de l’Église sur terre, “ menacée de toute part de si grands dangers ”.
Qu’il est saisissant le De profundis qui s’élève, à l’Alleluia et à
l’Offertoire, de la barque engloutie par la tempête et les flots : “ Du
fond de l’abîme je crie vers toi ! ” L’Église réussit vraiment aujourd’hui
à mettre dans nos âmes le désir du ciel et à nous faire considérer la vie
terrestre comme un exil, bien plus, comme l’abîme d’une mer démontée. Entre ces
deux sentiments pénibles : la nostalgie de la patrie et la douleur de
l’exil, se placent encore deux calmes leçons pour le temps présent :
l’amour du prochain (Ép.) et la prière confiante (Comm.).