QUATRIÈME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE

Le pêcheur d’hommes.
              
Le deuxième et le troisième dimanches, nous avons considéré l’amour et le souci de Dieu pour les hommes ; l’amour qui invite (le banquet) et l’amour qui cherche (brebis perdue). Nous voyons, aujourd’hui, comment le Sauveur, dans son amour, a fondé une institution de salat et établi des pêcheurs d’hommes... Ainsi Jésus apparaît devant nous sous des images variées : comme Bon Pasteur (3e dimanche) et comme pêcheur d’hommes (4e dimanche). Nous sommes à l’époque de la fête de saint Pierre et de saint Paul. Ce dimanche dépend étroitement d cette fête (autrefois, on comptait les dimanches suivants d’après cette fête). Pierre reçoit la Mute mission de pêcheur d’hommes. La barque de Pierre, dans laquelle le Seigneur prononce son sermon inaugural, est l’image de l’Église catholique (dans beaucoup de régions, on procède. à cette époque, à l’ordination sacerdotale).
              
1. La messe (Dominus illuminatio). — La messe n’a pas la même unité architecturale que, par exemple, les messes de Pâques. Cependant, en considérant cette messe du point de vue de l’Évangile des pêcheurs, nous pouvons lui donner une certaine unité. — Nous entrons, le cœur lourd, dans le sanctuaire. Les Chants psalmodiques et les oraisons supposent une grande détresse. Cependant, nous chantons, à l’Introït, un chant d’ardente confiance (récitons le beau psaume 26 dans son entier). En Dieu, je suis vainqueur de tous mes ennemis. Le Christ, dans la messe du dimanche, est le phare dans l’obscurité de la semaine. Aujourd’hui, nous implorons aussi la paix extérieure ; nous demandons “ que l’Église puisse jouir sans trouble de son culte” (Or.). Nous venons, en effet, du monde impie et l’on nous apprend (Ép.) que les souffrances terrestres sont nécessaires à l’enfant de Dieu, que ce sont les douleurs de l’enfantement qui préparent la béatitude éternelle. Une phrase d’or : “ Les souffrances de ce temps ne sont rien en comparaison de la gloire qui sera révélée en nous ”. L’Epître est une méditation profonde et élevée sur la nature, un cri de la nature qui attend ardemment l’immortalité et la rédemption. La nature nous prêche l’attente du retour du Seigneur. L’Évangile nous offre à la fois un enseignement et une image mystique de la messe. Nous apprenons que la Sainte Église, l’institution chargée du soin des âmes, est la barque de Pierre et, en même temps, le filet dans lequel se trouve le “ poisson du Christ ” ; nous apprenons ensuite que le Christ est le grand pêcheur d’hommes et que ses auxiliaires sont les Apôtres, les évêques, les prêtres de l’Église. Leur grande tâche est de prendre les poissons. Ainsi l’Évangile est tout une instruction pastorale. Cependant l’Evangile doit aussi se réaliser dans la messe d’aujourd’hui. Nous sommes les foules que le Seigneur enseigne de la barque de Pierre (prédication — parole de Dieu). Nous sommes même les poissons qui fûmes“ tirés” de la mer du monde quand il fit “jour”, quand le Christ fut notre “ lumière ” (Intr., Offert.). Cela se produisit d’abord dans le baptême, mais cela se produit encore dans la Sainte Eucharistie. Nous devons être Pierre qui s’écrie, plein d’humilité : “ Éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur ” qui suit avec obéissance l’appel du Christ : “ Ils quittèrent tout ”. Comme action de grâces, nous récitons tout le psaume 17, dans lequel David, à la fin de sa vie, remercie Dieu pour ses victoires.
              
2. Symboles du poisson et du pêcheur. — Dimanche dernier, l’Église nous a montré le Bon Pasteur qui prend la brebis sur ses épaules. Pasteur et. brebis, tel est le symbole le plus fréquent dans l’ancienne Église. L’Église dessine aujourd’hui une autre image charmante, celle du pêcheur et du poisson. Cette image est, elle aussi, un symbole très aimé et très important. Examinons-le de plus près.
              
a) Le pêcheur d’hommes. On retrouve dans les catacombes une image qui représente un jeune homme prenant des poissons à la ligne. Cette image remonte aux premiers siècles. Elle illustre une parole du Sauveur : Désormais, vous serez des pêcheurs d’hommes. Ici, le pêcheur, c’est le Christ lui-même, et le poisson qu’il prend avec sa ligne, c’est le chrétien. Savons-nous quand le Christ nous a pêchés ? C’est au moment du baptême. Quand il nous a tirés de l’eau du baptême, nous sommes devenus les poissons du Christ. Sur l’image, on voit aussi un vase et un filet. Dans le vase, il y a déjà quelques poissons. Ce vase signifie l’Église. Elle est désignée aussi par le filet, car le Sauveur lui-même l’a comparée à un filet. L’image montre chez le divin pêcheur un soin et une attention extraordinaires. Cette image est donc une représentation du baptême. Chaque dimanche est une petite fête de Pâques, un renouvellement de la grâce du baptême. L’Église veut donc nous dire dans l’Évangile : Vous êtes des poissons du Christ ; il vous a pêchés au baptême ; laissez-vous prendre de nouveau, et davantage encore, par le bon pêcheur d’hommes qu’est le Christ ; laissez-vous prendre dans la Sainte Eucharistie.
            
Le Seigneur a aussi envoyé des pêcheurs d’hommes visibles sur la terre ; ce sont les prêtres de la Sainte Église. Ils sont ses aides. Ils jettent à sa place, avec sa grâce et sur son ordre, les filets qui doivent prendre les hommes. Voyons donc dans les prêtres le divin pêcheur d’hommes lui-même. En effet, de même que Pierre, sans le Christ, jeta toute la nuit son filet sans rien prendre, de même toute l’action, tout le ministère des prêtres serait vain, si le Christ ne donnait pas sa grâce et ne conférait pas la mission. D’un autre côté, quelle consolation et quelle bénédiction dans l’œuvre pastorale de l’Église et des prêtres ! Ce n’est pas une œuvre humaine, c’est l’œuvre du Sauveur. Ce qui convertit, ce n’est pas la persuasion humaine, mais la grâce qui vient d’en haut. Ceux que son Père lui donne viennent comme des poissons dans le filet du Christ. Le rôle des prêtres est d’accueillir ces poissons, de les conserver et de les garder.
              
b) Les poissons. Considérons maintenant la seconde image. Une autre image des catacombes nous montre les poissons nageant vers le filet soutenu par une poutre en forme de T. La signification est claire. Le filet est l’Église, et la poutre en forme de T est la Croix du Christ. Le filet est tendu sur cette poutre parce que toute l’efficacité de l’Église vient de la Croix. Sans la Croix, l’Église ne serait qu’une association qui essaie de réunir les hommes. Mais, de la Croix, elle reçoit tous les biens du salut, toute grâce et toute force. C’est de la Croix que découle dans notre âme la vie divine que nous recevons au baptême et dans l’Eucharistie. Nous devrions chaque dimanche nous rendre avec empressement à la messe pour nous laisser prendre dans le filet suspendu à la Croix. “ Nous sommes les petits poissons du Christ ”, a écrit Tertullien. Cette phrase répond parfaitement à la parole du Christ dans l’Évangile d’aujourd’hui.
                
c) Le grand poisson. Si nous sommes les petits poissons, le Christ est le grand poisson. L’ancienne Église, dans son langage secret, aimait désigner le Christ sous le nom de poisson. Le mot grec qui veut dire poisson est : Ichtus. Les cinq lettres sont les premières lettres du titre complet du divin sauveur : I(esus), Ch(ristos), Th(eou), U(ios), S(oter) ; ce qui veut dire : Jésus, Fils de Dieu, Sauveur. Les premiers chrétiens gardaient leur foi secrète devant les païens. Aussi ils peignaient par exemple un poisson. Personne n’en savait la signification, sauf eux. Ou bien ils parlaient du poisson en entendant le Sauveur. On représentait volontiers le poisson avec une corbeille de pain. La corbeille remplie de cinq pains rappelait d’abord le miracle de la multiplication des pains. Cette multiplication est une image du Sacrement de l’autel. L’eau dans laquelle nage le poisson rappelle l’eau du baptême. Ainsi, nous retrouvons encore ici la représentation des deux sacrements principaux : le baptême et l’Eucharistie. Ce sont ces deux sacrements que les premiers chrétiens appréciaient le plus ; ils doivent aussi nous être tes plus chers. Le baptême nous donne la vie divine, l’Eucharistie l’entretient et la développe.
             
d) La barque. Maintenant, considérons l’image suivante. La barque dans laquelle monta le Seigneur appartenait à Pierre. La barque de Pierre est une image de la sainte Église. C’est de cette barque que prêcha le Seigneur ; c’est dans cette barque aussi que fut déposée la pêche miraculeuse. Cela est significatif. Dans l’Église, le Christ enseigne toujours. C’est dans l’Église qu’il rassemble les hommes pêchés dans la mer du monde et dont il a fait ses poissons. Et comme la maison de Dieu, l’église paroissiale, est une image de notre sainte Mère l’Église, on parle aussi du vaisseau de l’église ; c’est l’espace réservé aux fidèles. Nous avons là encore une image du dimanche. Le dimanche, les chrétiens sont rassemblés pour la messe ; les poissons du Christ sont renfermés dans la barque de Pierre.
            
e) L’ancre. Les premiers chrétiens étaient inépuisables dans leurs symboles. Ils ont également donné une signification aux agrès du navire, et particulièrement à l’ancre. L’ancre est, dans un navire, un objet très important et nécessaire, surtout quand le navire est ballotté par les flots et qu’il faut le fixer. C’est pourquoi on parle volontiers de l’ancre de l’espérance. Mais comme l’ancre a une certaine ressemblance avec la Croix, les premiers chrétiens aimaient y voir un symbole de la Rédemption et du salut. C’est pourquoi ils plaçaient volontiers une ancre sur les tombeaux. Faisons, nous aussi, de la Croix du Christ, notre ancre. Le Christ crucifié doit être notre tout. Dans la Croix se trouve notre salut.