PREMIER DIMANCHE DE L’AVENT

Station à Saint Marie Majeure

On voit pointer l’aurore du jour de la Rédemption ! 

1. La prière nocturne. Dans les longues nuits de l’Avent, le Prophète Isaïe se tient devant nous. Dans les lectures d’Écriture sainte, nous entendons tous les jours sa voix jusqu’à Noël. C’est là une distinction particulière. On lit les autres Prophètes, depuis Ézéchiel jusqu’à Malachie, pendant le mois de novembre ; leur rôle est de nous annoncer l’achèvement du royaume du Christ. Par contre, l’Église donne la parole à deux Prophètes dans un autre temps. Ces deux Prophètes sont Isaïe et Jérémie. Jérémie est le type (le symbole) du Christ souffrant et nous guide à travers le temps de la Passion. Isaïe, de son côté, est, au cours de quatre semaines, le prédicateur et le prophète de l’Avent. Il est considéré comme le Prince des Prophètes et même comme l’” évangéliste de l’Ancien Testament ”. C’est lui qui, parmi tous les Prophètes, a donné l’image la plus précise du Rédempteur. C’est là une des raisons pour lesquelles son livre est lu pendant l’Avent. Il y a une autre raison, c’est qu’il est la voix de l’humanité implorant le Rédempteur. Cette voix doit pénétrer dans notre âme et y trouver un écho. Mais il est aussi un prédicateur de pénitence et il doit nous conduire à la conversion et à la réforme de notre vie. La lecture d’aujourd’hui contient de sérieux reproches de Dieu à son peuple. Le prophète parle du peuple juif, mais l’Église pense à nous. L’amour méprisé de Dieu prend le ciel et la terre à témoins. Cette leçon retentit comme un écho de la malédiction divine au paradis terrestre (Is. l, 1-9) : 
“ Cieux écoutez, écoute, Ô terre, car Dieu parle :
Le bœuf connaît son maître et l’âne l’étable de son possesseur.
Mais Israël ne me connaît pas et mon peuple ne comprend pas.
Malheur à toi, nation pécheresse, peuple chargé d’iniquités.
Malheur à vous, race impie, fils dégénérés,
Qui avez abandonné le Seigneur et méprisé le Saint d’Israël.
Où pourrai-je encore vous frapper si vous continuez vos prévarications ?
La tête est toute entière malade et le cœur défaillant.
Depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête, il n’y a rien de sain en toi.
Ce n’est que coups, meurtrissures et blessures,
Sans pansement, sans herbe médicale, sans huile adoucissante.
Votre pays est dévasté, vos villes sont incendiées par le feu,
Votre sel est dévoré, sous vos yeux, par les étrangers.
Il n’est resté que la fille de Sion, comme une hutte dans le vignoble,
Comme une tour de garde dans un champ de concombres, comme une tour solitaire.
Si le Seigneur ne nous laisse un germe,
Nous deviendrons comme Sodome et Gomorrhe... ”.
Sérieuses paroles qui doivent nous exhorter au changement de vie !
J’ai nourri des enfants et je les ai élevés et eux m’ont méprisé.
2. La messe (Ad te levavi). La messe d’aujourd’hui, la première que nous célébrions au seuil de l’année nouvelle, nous offre dans ses textes trois choses : un message d’Avent (Évangile), un avertissement d’Avent (Epître) et des prières d’Avent (Introït, Oraisons). 

Nous entrons dans la maison de Dieu. Là, vient à notre rencontre la Mère de Dieu qui prépare déjà la Crèche dans laquelle elle veut déposer le Fils de Dieu. L’église de station est Sainte-Marie-Majeure à la Crèche (dans l’église de station, le saint de la station vient à notre rencontre). Quel beau symbole ! Aujourd’hui, au premier jour de la préparation à Noël, nous voyons déjà Marie auprès de la Crèche. La Mère de Dieu nous introduit alors au Saint Sacrifice, elle nous parle et dicte notre prière. Quels accents d’une beauté profonde n’a pas l’Introït dans sa bouche : “ J’élève mon âme vers toi, mon Dieu, en toi, j’ai confiance... car personne n’est confondu quand il t’attend ”. Mieux que personne. la Mère de Dieu peut nous apprendre à prier, à désirer. 

Nous chantons ensuite le Kyrie. C’est le chant d’exil des enfants de Dieu, c’est notre chant d’imploration. Dans l’Avent spécialement, nous voulons par-là exprimer notre besoin de rédemption. 

Le Gloria disparaît, nous attendrons, pour le chanter de nouveau, la nuit sainte où nous fêterons Noël, dans la même église. Maintenant, notre Mère l’Église étend ses bras pour chanter l’Oraison : C’est la prière typique de l’Avent qui commence par Excita. A la différence des collectes du temps après la Pentecôte. au rythme si calme, celle-ci est impétueuse ; l’accent est sur veni (viens). Nous remarquons que l’Oraison s’adresse directement au Christ. C’est donc comme un antique “ Maranatha ”, c’est-à-dire : Viens Seigneur ! Pourquoi le Seigneur doit-il venir ? Pour nous délivrer : Viens et délivre-nous du péché et de la peine. 

Maintenant, Marie s’avance de nouveau pour nous instruire, dans l’Epître. C’est une parole magnifique, surtout dans la bouche de Marie. Marie se tient debout devant nous, à l’aurore du jour de délivrance. Sur la terre s’étendait jusqu’ici une nuit profonde ; les hommes dormaient, revêtus du vêtement nocturne du péché. Mais le jour de la Rédemption n’est pas éloigné, les premiers feux de l’aurore s’allument à l’horizon, le Roi est proche. Il appelle au combat ses chevaliers de lumière ; Marie parle comme notre guide Revêtez la cuirasse de lumière ; mieux encore : revêtez-vous du Seigneur Jésus, comme je m’en suis revêtue moi-même. 

A l’Évangile, le Seigneur paraît dans sa puissance et sa majesté. C’est déjà la réponse à l’Excita. Nous regardons en haut et nous levons nos têtes, car notre Rédemption s’approche. 

La Parole est maintenant suivie de l’Acte, tant du côté des hommes que du côté de Dieu. Pour montrer que ce ne sont pas de simples paroles, nous nous offrons nous-mêmes dans le symbole de l’offrande et nous accompagnons cette offrande de nos désirs. l’Offrande est par conséquent le culte de prière de l’avant-messe, transformé en acte. Et l’Acte de Dieu est la venue du Christ par la grâce avec les mêmes effets que ceux qui sont décrits dans la Parole de Dieu (l’Évangile). 

Cette venue du Christ est encore une venue cachée, voilée, mais elle est la préparation, la première, de son grand avènement de grâce au jour de Noël (Postc.). Qu’on observe la Postcommunion, elle s’inspire du Ps. 47, “ Puissions-nous, Seigneur, recevoir ta miséricorde au milieu de ton temple ”. En voici le sens symbolique : nous sommes agenouillés dans la maison de Dieu, les mains jointes, et nous attendons que la Miséricorde (incarnée) soit déposée dans nos bras comme jadis dans ceux du vieillard Siméon. Telle est notre attitude au début de ce cycle festival. A la fin du cycle, le 2 février, nous prierons avec les mêmes paroles du psaume : “ Nous avons reçu ta miséricorde... ” (Intr.). 

Le banquet eucharistique doit calmer l’impatience que nous avons de l’avènement du Seigneur, il doit être la semence déposée dans la terre fertile, qui doit produire à Noël des fruits abondants (Comm.). Notre cœur doit ressembler à la Mère de Dieu et à la Crèche. 

Faisons une remarque. Quand il s’agit d’exprimer l’attente de l’homme, nous chantons le psaume 24 (Intr. Grad. Off) ; quand il s’agit d’exprimer la réponse de Dieu qui vient, nous entonnons le psaume de Noël, le psaume 84 (ALI. Comm.). 

3. Marie. — Pendant l’Avent, l’Église nous donne, pour nous accompagner, la Mère de Dieu ; la Sainte Vierge nous ens,eigne à attendre le Seigneur. C’est pourquoi nous commençons la célébration de l’Avent dans la grande église romaine de Sainte-Marie “ ad praesepe ” “ à la Crèche ”. Cette église de station fut reconstruite en 432 pour commémorer le concile d’Éphèse et dédiée à la “ Mère de Dieu ”. Elle est l’église spéciale de station pour le temps de Noël (on y célèbre six fois pendant ce temps). Au reste, les secondes oraisons des messes de l’Avent sont les oraisons de la Sainte Vierge. Ces oraisons ont un contenu très riche. Elles affirment la maternité divine, elles rappellent le message de l’ange et nous assurent de la protection maternelle de Marie. L’oraison de la communion est devenue l’oraison de l’Angelus et, à ce titre, fait partie du trésor populaire. — Une oreille sensible reconnaîtra aussi, dans l’antienne de communion de ce jour, une allusion à la Mère de Dieu : Nous nous demandons ce qu’entend la liturgie par “ notre terre ” qui “ porte son fruit ” ? Il faut sans doute penser d’abord à la terre de l’Église et de notre âme qui maintenant, dans le banquet sacrifical, porte des fruits de rédemption. Cependant l’Église pense sûrement à son modèle, la Vierge bénie entre toutes les femmes, et au “ fruit de ses entrailles ”, à la Mère de Dieu et au Fils de Dieu. C’est justement au moment de la communion que nous ressemblons à Marie dans sa dignité de Mère de Dieu. D’une certaine manière, nous pouvons, nous aussi, concevoir le Seigneur, le porter, afin qu’il puisse prendre forme en nous et que nous le mettions au monde le jour de Noël. 

Avec beaucoup plus de clarté que dans le Missel, l’Église chante Marie au bréviaire.
     
“ Marie dit : Que signifie cette salutation ? Mon âme est toute troublée : je dois enfanter le Roi qui ne me fera pas perdre ma virginité” (Ant. Matines). Comme on le voit, dès le premier jour de l’Avent, l’Église fait déjà entendre la cloche de l’Ave. Ne nous étonnons donc pas de voir que les deux antiennes chantées au lever et au coucher du soleil ont aujourd’hui Marie pour objet. Au lever du soleil, nous chantons : “ Le Saint-Esprit descendra sur Toi, ô Marie, ne crains pas, Tu porteras dans Ton sein le Fils de Dieu, Alleluia ”.
     
Et au coucher du soleil : “ Ne crains pas, Marie ; Tu as trouvé grâce devant le Seigneur, voici que Tu concevras et enfanteras un Fils, Alleluia ”.