POUR FORMER LA VIE LITURGIQUE

La liturgie ne se contente pas de nous indiquer la manière d’accomplir le service de Dieu, l’opus Dei, dans des formes précises, perfectionnées par l’Église au cours des siècles. Elle veut aussi façonner notre vie entière, à condition que nous suivions ses lois internes et en fassions la norme de notre vie. On peut donc réellement parler d’une vie liturgique. Cette vie liturgique s’écarte, en bien des points, de celle qui est actuellement en usage et que nous appellerons subjective. Cette vie liturgique objective peut revendiquer, en face de la vie liturgique subjective, son antiquité et la noblesse de son origine. Elle n’est autre que la piété et la vie de l’ancienne Église et de la Bible.

1. Demandons-nous maintenant comment notre piété et notre vie doivent prendre une forme liturgique. Il faut tout d’abord signaler ceci : l’esprit subjectif, égocentriste, des derniers siècles, doit de plus en plus disparaître de notre vie religieuse. Si nous ne comprenons pas nettement cela, il est inutile de parler de vie liturgique. On peut se servir pieusement de son bréviaire et de son missel sans être jamais entièrement liturgiste. Car la liturgie a un corps et une âme. Le corps c’est la forme, la parole, l’action ; l’âme c’est l’esprit de la liturgie et c’est cet esprit que nous devons faire nôtre. Cela n’est pas l’œuvre d’un jour. Mais il faut y arriver. Certaines personnes y arrivent du premier coup. Dès qu’elles ont aperçu cette distinction, les écailles leur tombent des yeux et elles comprennent clairement l’esprit liturgique. D’autres n’y arrivent jamais. On perd son temps à vouloir discuter et donner des arguments de raison. 

Comment arriver à comprendre l’esprit liturgique ? Exerçons-nous avec zèle à la liturgie. Cessons de dire : “ moi ”, dans nos prières et disons : “ nous ”. Cherchons dans notre piété la communauté et tenons-nous aux formes de la liturgie. Ne nous arrêtons pas aux exercices et aux objets extérieurs de la religion, mais pénétrons de plus en, plus au centre. Que notre prière et notre vie soient christocentriques et théocentriques. Considérons la piété moins du point de vue de l’homme que du point de vue de Dieu. Pensons un peu moins à nos péchés et davantage à la joie d’être rachetés. Il s’agira donc souvent d’une transformation spirituelle et d’une révision des valeurs religieuses. Il faudra nous attendre peut-être à la contradiction dans notre paroisse, de la part de notre pasteur, de notre entourage. — En somme, voici par où il faut commencer : former en nous un état d’âme objectif, théocentrique. 

2. Pour bâtir l’édifice de notre vie spirituelle transformée, il faudra lui donner une triple base : la vie divine — l’Eucharistie — l’Église. 

a) La vie divine. En quoi consiste notre sainteté ? Elle ne consiste pas, en premier lieu, dans nos efforts vers la perfection ni même dans nos vertus. Elle consiste surtout dans l’accroissement et le développement, en nous, de la vie sainte de la grâce. Cette vie est tout d’abord indépendante de notre concours ; c’est une œuvre divine. Dans le Baptême et la Confirmation, nous, avons été sanctifiés ; nous sommes sans cesse sanctifiés de nouveau par l’Eucharistie. Cette vie sainte de la grâce n’est pas seulement la condition préalable de la vertu et de la perfection ; c’est le but perpétuel et propre de notre vie. Si donc nous voulons modeler notre vie selon la liturgie, nous devons avoir le souci de faire croître et mûrir en nous la vie divine. Laissons Dieu opérer dans notre âme. 

b) L’Eucharistie. Les deux plus grands moyens dont Dieu se sert pour agir dans notre âme sont le Baptême et l’Eucharistie. Les deux font un tout. Le Baptême dépose en nous le germe de la vie divine ; l’Eucharistie le développe. L’Eucharistie est, pour ainsi dire, un Baptême sans cesse renouvelé. Comme le Baptême, l’Eucharistie fait mourir à chaque fois un peu plus le vieil homme et revivre un peu plus l’homme nouveau. L’accroissement et la maturité de la vie divine s’accomplissent donc dans l’Eucharistie. Cela nous fera comprendre sa position centrale dans l’Église. 

Il faut cependant comprendre l’Eucharistie dans son essence. Elle existe moins pour continuer la présence du Christ sur la terre que pour être un sacrifice et une nourriture de nos âmes. Elle rend présent le sacrifice rédempteur, elle est l’aliment de notre vie de grâce. Elle est le sacrifice commun de la famille de Dieu ; elle est l’acte le plus élevé de notre culte et la source de toutes les grâces. Si l’on veut donner à sa vie une forme liturgique, il faut placer l’Eucharistie au point central. Cela doit s’entendre tout d’abord de la messe du dimanche. 

c) L’Église. La troisième base de la vie liturgique est la communauté dans et avec l’Église. Il faut que nous recommencions à voir dans l’Église notre Mère, le corps mystique du Christ, l’Épouse immaculée du Christ. Nous ne nous présentons pas devant Dieu comme des individus séparés, mais dans la communion sainte avec l’Église. Chacun de nous est pécheur, misérable ; mais, en tant que membre de l’Église, il est saint et immaculé. Aussi nous devons rechercher la communion avec l’Église dans toutes nos actions religieuses, dans la prière, dans le sacrifice, dans la vie. La communion des saints doit être pour nous un dogme très important. C’est l’union avec les habitants du ciel, l’union des chrétiens entre eux. “ Vae soli ! ” (Malheur à celui qui reste seul !). Au temps de l’individualisme. on croyait que la personnalité était tout et que la communauté nous diminuait. Ceux qui voulaient être des “ surhommes ” s’imaginaient qu’ils pourraient. comme des titans, élever une tour qui monterait jusqu’au ciel. “ Vous serez semblables à Dieu, vous connaîtrez le bien et le mal ”. Les fruits de cette semence satanique ont été le subjectivisme, le rationalisme, le nationalisme, le matérialisme et les erreurs modernes aux noms multiples. 

Il faut revenir à la communauté, à la communauté religieuse comme à la communauté sociale. Il faudra encore beaucoup de travail pour arracher l’humanité contemporaine à l’égoïsme, à l’isolement, à la division et à la fierté de caste. Pour la vie liturgique, spécialement, l’esprit de communauté est une des conditions préalables les plus importantes. 

La vie divine, l’Eucharistie et l’Église sont les bases sur lesquelles doit s’édifier la vie liturgique. 

3. Il nous faut parler maintenant de là répartition liturgique du temps. La liturgie entoure le temps de notre vie de quatre cercles concentriques. Elle sanctifie le jour, la semaine, l’année, notre vie entière. 

a) Le jour liturgique. L’Église a donné au jour une forme liturgique d’une grande beauté. Elle l’a fait : 1° par la célébration de la messe ; 2° par la prière des Heures ; 3° par les fêtes des saints. Sans doute un laïc est moins complètement enserré dans les mailles de ce filet sacré que ne l’est un clerc. Il lui reste cependant de nombreuses possibilités de donner à sa journée, sous une forme abrégée, une figure liturgique. Et, — remarquons-le ici, — c’est justement le but de ce livre, d’extraire les pensées liturgiques de chaque journée, pour permettre à chacun d’en tirer profit pour sa vie. Si l’on consacre chaque soir un petit quart d’heure à la préparation du jour suivant, on y trouvera certainement utilité et édification. 

Le point culminant, le soleil du jour, c’est l’Eucharistie. C’est le culte religieux suprême ; mais c’est aussi la source intarissable où nous puiserons des forces pour la journée. Quand on peut assister quotidiennement à la messe, on dispose d’un grand trésor de vie. On doit s’efforcer alors de pénétrer de plus en plus profondément dans l’intelligence de la messe, afin qu’elle devienne vraiment le sacrifice de notre œuvre quotidienne. 

Autour de la messe évoluent, comme les planètes autour du soleil, les Heures de prière. Le chrétien qui veut donner à sa vie une forme liturgique doit s’adonner aussi à la prière des heures. Ille fera peu à peu et progressivement. Il se contentera d’abord d’une prière liturgique le matin et le soir. Aux autres heures du jour, il fera tout au moins des oraisons jaculatoires. A tierce, il invoquera le Saint-Esprit ; à sexte et à none Jésus crucifié. Plus tard, il arrivera certainement à réciter chacune des prières des Heures qui sanctifient le jour. Pour donner au jour sa forme liturgique, il faut absolument prendre l’habitude de réciter une prière des Heures, si courte soit-elle. 

Le culte des saints peut aussi faire progresser notre vie religieuse. Nous lirons la courte biographie du saint du jour et nous nous efforcerons d’imiter ses vertus particulières. Ne sommes-nous pas, dans la messe, en étroite communion avec ce saint ? 

Chaque jour nous lirons un passage de l’Écriture, soit une page de l’Évangile, soit un extrait de l’Écriture occurrente. C’est ici qu’il faut appliquer la règle : 
Nulla dies sine linea.

b) La semaine liturgique. La semaine, elle aussi, constitue une unité dont Dieu a donné le modèle dans l’œuvre créatrice des six jours. La semaine est sanctifiée par le dimanche. Le dimanche est le grand jour liturgique ; c’est le jour de la commémoration du baptême, c’est le jour de la vie divine. La célébration convenable du dimanche doit attirer toute l’attention du chrétien. Notre époque irréligieuse essaie de faire disparaître la différence entre le dimanche et les Jours ordinaires. Nous ne devons pas l’imiter. 

Quel aspect doit donc présenter un dimanche idéal ? Dès le samedi soir, nous en commençons la célébration par la préparation spirituelle. Plus qu’en tout autre jour, c’est le dimanche que nous devons réciter toute la prière des Heures : le samedi soir, les vêpres et les matines ; le dimanche matin, les laudes et prime ; avant la messe, tierce ; l’après-midi, les vêpres. Le dimanche, le corps est revêtu de l’habit de fête qui est le symbole de la robe festivale de l’âme. Qu’on se rende à la messe sans précipitation, solennellement. La messe du dimanche est le grand sacrifice de la semaine entière. Qu’elle soit, autant que possible, une célébration de communauté. Le travail, la souffrance et la prière de la semaine, nous portons tout cela à l’autel au moment de l’offertoire. La communion du dimanche nous confère des forces de grâce pour la semaine à venir. L’instruction du dimanche sera le programme de vie pour cette semaine. Le dimanche est un jour de Dieu, un jour de joie, un jour de repos, un jour de rénovation spirituelle. Son rôle est de sanctifier la semaine qui suit. La célébration convenable du dimanche contribue essentiellement à la formation de notre vie liturgique. 

c) L’année liturgique. L’année ecclésiastique, avec ses temps et ses fêtes, est d’une importance primordiale pour la tonalité de notre vie liturgique. Il faut nous adapter à ce rythme. Ce qu’est la succession des saisons pour la nature, les époques de l’année liturgique le sont pour la vie de notre âme. Et cette année liturgique est au service de la vie divine. Au sens le plus profond, les deux grandes périodes festivales, Noël et Pâques, sont les deux sommets de la vie de grâce. Entre ces sommets, l’Église et l’âme rencontrent, deux fois par an, la plaine et un fleuve. La plaine ce sont les temps de préparation ; le fleuve, ce sont les fêtes des saints. Quelle abondance de joie spirituelle, d’édification et de force n’offre pas, pour notre vie, l’année ecclésiastique ! Il importe donc d’entrer de plus en plus profondément dans l’esprit de l’année liturgique. 

d) Sanctification de la vie. Le cercle le plus vaste, celui qui entoure notre vie entière, est la sanctification de cette vie par l’Église, grâce aux sacrements et aux autres moyens de salut. Ce dernier cercle, lui aussi, est tout entier au service de la vie surnaturelle. C’est de ce point de vue que nous devons considérer l’organisation des sacrements. 

Il faut ici commencer par le sacerdoce. En premier lieu, le Christ a donné à son Église un sacrement spécial pour lui fournir des ministres, des moyens de salut et pour ainsi dire des générateurs de la vie surnaturelle. Le prêtre est le dispensateur des mystères de Dieu. Comme nous devrions, chrétiens éveillés à une vie nouvelle, apprécier la grâce du sacerdoce, remercier Dieu de ce grand bienfait et en user comme il faut ! 

En second lieu, Dieu a institué un sacrement qui doit fournir la condition préalable de la vie divine : la vie terrestre. C’est le sacrement de mariage. Le mariage, lui aussi, est au service de la vie divine. Ainsi donc ces deux sacrements du sacerdoce et du mariage posent les bases de la vie divine des individus. Le mariage nous donne le générateur de la vie terrestre ; le sacerdoce, le générateur de la vie divine. Il faut en outre que le mariage soit sanctifié, afin que sur le tronc naturel de la vie terrestre puisse être greffé le noble rameau de la vie divine. De ce fait se tire une application importante : le mariage est la pépinière de la vie divine. Les époux reçoivent, dans le sacrement de mariage, la grâce qui leur permettra de faire, des enfants de leur chair, des enfants de Dieu. 

Ce n’est qu’ensuite (après ces deux sacrements) que l’on peut songer au baptême. C’est la renaissance, une seconde naissance, beaucoup plus précieuse que la première parce qu’elle enfante l’homme à une vie plus haute. Le Baptême élève donc à une forme nouvelle de vie ; par lui l’homme reçoit la vie sainte, il devient membre du corps du Christ. Le chrétien doit, par conséquent, entretenir en lui avec zèle la pensée de son baptême. L’Église lui facilite ce devoir, car tout son programme d’éducation tend à ce but. Le Carême et Pâques sont destinés à retremper l’âme dans l’esprit de filiation divine que lui a communiqué le baptême ; chaque dimanche marque un rappel et comme un renouveau de cette vie baptismale. 

Le sacrement institué par le Christ pour entretenir et développer la grâce du baptême est l’Eucharistie. Son rôle est de maintenir, de nourrir et de faire mûrir la vie divine. Le Christ le dit expressément : “ Celui qui ne mange pas ma chair n’aura pas la vie en lui ” (Jean VI). On le comprendra facilement par la comparaison avec la nourriture matérielle. Nous mangeons pour accroître notre vie, pour réparer les forces perdues, pour nous protéger de la mort, pour surmonter les maladies, pour être en état de travailler. Il faut en dire autant de l’Eucharistie par rapport à la vie divine. 

Pour affermir cette vie divine et nous donner dans l’ordre surnaturel le sens de la virilité, Dieu a mis à notre disposition un sacrement spécial, la Confirmation. La Confirmation est le sacrement de la maturité, de l’affermissement dans la vie divine et donne spécialement la force de professer sans crainte la foi catholique. 

Dieu nous a donné encore deux autres sacrements pour réparer les déficiences et guérir les maladies de la vie divine : la Pénitence et l’Extrême-Onction. 

A côté de ces sacrements, l’Église nous offre encore de nombreuses bénédictions et consécrations, qui aident au progrès de notre vie spirituelle et nous aident à donner à notre piété une forme liturgique. L’Église, notre mère, nous accompagne sans cesse avec ses bénédictions et sa main nous protège tout le long de notre vie... Ces réflexions nous permettront de considérer les sacrements et les sacramentaux de l’Église d’une tout autre manière, de mieux comprendre leur usage et de les recevoir avec les dispositions convenables. 

Entrons donc de bon cœur dans ces quatre cercles : ils assurent la consécration de notre vie. 

4. Ce que nous avons indiqué jusqu’ici est la condition préalable, le cadre de notre vie liturgique ; mais nous n’avons pas encore montré ce qu’est la vie liturgique elle-même. Je comparerais volontiers le temps réglé par la liturgie à un rayon de miel. La liturgie a réparti notre vie dans des cadres aussi réguliers que les cellules d’un rayon de miel. Il s’agit maintenant de garnir ces alvéoles du miel précieux qui est le contenu de la vie. Ce contenu est le travail voulu par Dieu, le support des souffrances dans l’abandon à la volonté de Dieu ; bref, la destinée que nous a prescrite la providence, dans toute son étendue. Nous exposerons à ce sujet quelques pensées.

a) Ne bâtissons pas ici-bas une demeure permanente, mais seulement une tente qui peut, à chaque instant, être arrachée. En d’autres termes, que le but de nos espérances, de nos désirs, de nos tendances ne soit pas la terre, mais le ciel. Le temps est le chemin de l’éternité. Soyons un peu étrangers au monde, comme l’étaient les premiers chrétiens. Cela enlèvera à la mort son aiguillon et son caractère redoutable ; les biens de la terre nous paraîtront moins précieux. “ Nous n’avons pas ici-bas de demeure permanente, mais nous cherchons la demeure future ” (Hébr. XIII, 14). 

Par ailleurs, le temps est très court et nous devons utiliser le bien inestimable de la vie dans toute la mesure de nos forces. Il nous faut, comme dit l’Apôtre, “ racheter le temps ”, c’est-à-dire épuiser toutes les possibilités que nous offre le temps ou bien encore, pour revenir à l’image ci-dessus, remplir de miel précieux toutes les alvéoles de notre vie. 

b) Ensuite, un principe important : Ne vivons pas dans le passé, ne vivons pas dans l’avenir, vivons dans le présent, aujourd’hui. Beaucoup de soucis des hommes viennent de ce qu’ils vivent dans le passé ou dans l’avenir. Rien ne se passe comme on l’a espéré ou redouté. Le passé est révolu, plaçons-le dans le sein de la divine miséricorde. Nos regrets ne changeront rien. L’avenir est incertain, il n’est pas en notre pouvoir. La seule chose certaine, c’est le présent, le moment actuel. Accomplissons le moment actuel, soyons-en maîtres et nous aurons tout fait. Le Sauveur dit, dans le Sermon sur la montagne, cette grande parole : “ A chaque jour suffit sa peine, le lendemain aura souci du lendemain ” (Math. VI, 34). Il faut donc vivre chaque jour dans son entier comme si c’était le jour unique. N’ayons pas de soucis pour le lendemain. Dieu lui-même en prend soin. C’est là vivre en chrétien : on s’abandonne entièrement à la Providence, on est toujours prêt à quitter la terre. C’est cette forme de vie que nous enseigne la liturgie. 

c) Examinons encore de plus près et demandons-nous quelle est l’exigence du jour. Qu’est-ce que Dieu demande de nous pour l’instant présent ? Nous allons encore parler par parabole. Le Père céleste envoie ses enfants, les hommes, accomplir leur voyage sur la terre ; ils doivent y subir leur épreuve, puis rentrer à la maison paternelle. Pour qu’ils sachent comment se conduire durant leur pèlerinage terrestre, Dieu dépose deux choses dans leur sac de voyage : 1° des règles de voyage, 2° un itinéraire. Les règles de voyage sont communes à tous, l’itinéraire diffère pour chacun. 

Que signifie cette parabole ? Les règles du voyage sont les commandements de Dieu et les prescriptions de l’Église. Ces règles sont valables pour tous. Nous ne pouvons pas avoir de doute sur notre conduite. La conscience nous dit avec précision ce que nous devons faire et omettre. Le Seigneur résume toutes les règles du voyage dans ces deux commandements importants : l’amour de Dieu et du prochain. 

Cependant les règles de route ne suffisent pas, elles ne disent pas à chacun où il doit aller. C’est pourquoi notre bon Père nous donne aussi un itinéraire précis où est indiqué le chemin que nous devons suivre. Chacun reçoit un itinéraire spécial. Personne n’a le même.

L’itinéraire est notre état de vie particulier. C’est notre vocation, notre état, notre lot dans la vie : l’un est riche, l’autre est pauvre ; l’un est beau, l’autre ne l’est pas ; l’un est considéré, l’autre est méprisé. C’est le milieu où nous sommes placés, le détail de tous les événements qui nous arrivent. Cet itinéraire, nous devons le suivre consciencieusement et avec joie. Nous devons accepter avec joie notre sort en y voyant la volonté de Dieu. Nous n’avons pas le droit de demander un autre itinéraire. C’est la perfidie du démon qui nous fait mépriser notre propre condition et nous fait désirer celles des autres Ce qu’il veut, c’est que nous ne suivions pas notre itinéraire.

Dieu ne fait pas acception de personnes : à ses yeux tous les hommes sont égaux. Peu importe pour lui que nous soyons princes ou mendiants. La simple servante est aussi grande devant lui qu’une reine couronnée. Il faut que chacun suive son itinéraire. 

Encore une parabole. La vie ressemble à un drame. Celui-ci joue le rôle d’un roi, celui-là le rôle d’un mendiant. Quand la pièce et finie, le roi dépose sa couronne et le mendiant quitte ses haillons. Alors vient le moment de la récompense. Le roi n’est pas payé plus cher pour cette seule raison qu’il a joué le rôle de roi et le mendiant ne reçoit pas moins parce qu’il a joué le rôle de mendiant. Chacun reçoit d’après sa capacité, selon qu’il a plus ou moins bien joué son rôle. Il peut très bien se faire que le roi n’ait été qu’un figurant et que le mendiant ait tenu le premier rôle. 

Dieu fera de même. Quand tombera le rideau de notre vie, nous dépouillerons tous nos oripeaux et nous serons tous égaux devant Dieu. Celui-là recevra la couronne du ciel qui se sera bien comporté dans le rôle qu’il avait à remplir sur la terre.

Voilà quels doivent être les traits principaux de notre vie liturgique.