ONZIÈME DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE.

Ephpheta — Ouvre-toi.
              
Nous avons remarqué que les dimanches après la Pentecôte, malgré leur variété, présentent deux formes principales. Tantôt, ils nous montrent deux images opposées : le bon et le mauvais arbre, les enfants du monde et les enfants de lumière, l’homme spirituel et l’homme charnel, l’humble publicain et l’orgueilleux pharisien. Tantôt, dans l’image d’une guérison ou d’un autre événement évangélique, ils nous rappellent notre conversion baptismale. Le dimanche est une petite fête de Pâques, un jour de baptême pour nous. Ce dimanche est un renouvellement de la grâce du baptême.
           
1. La messe (Deus in loco). — Nous entrons dans la maison de Di u (Intr.). Nous songeons alors à ce que nous possédons dans cette maison. C’est là que demeure et trône notre Seigneur et notre Roi. L’église est la maison de notre Père. C’est la résidence des enfants de Dieu. C’est là qu’ils n’ont qu’une pensée et qu’une foi. ns sont réunis par les liens de la charité. C’est là qu’ils se rassemblent tous, le jour du Seigneur, autour de leur Roi. Il leur confère force et courage (dans la messe du dimanche) pour entreprendre le combat contre le monde. L’image de paix se transforme, en effet, en image de guerre (Ps. 67). Les chrétiens sont pour ainsi dire une armée rangée qui s’avance à travers le monde, mettant en fuite les ennemis. La liturgie nous fait ainsi envisager les deux aspects de la vie chrétienne. Ces deux aspects se manifestent aussi dans le chant du Kyrie et celui du Gloria. Nous exprimons dans le Kyrie notre besoin de Rédemption ; puis, dans le Gloria, nous nous élevons à la joie de la Rédemption. Le Gloria est aujourd’hui un cantique pascal. Nous nous disons en le chantant : Je suis racheté, je suis un enfant de Dieu. L’oraison, si riche de pensées, achève l’office de prière ; nous y exprimons aussi l’aspect de la vie chrétienne. Nous pouvons donc voir, dans l’office de prière, le commentaire des deux prières principales du Notre Père : Assurez-nous le royaume des cieux et écartez de nous le péché. Écoutons maintenant le message de Dieu (Ép.). Saint Paul se tient devant nous et nous annonce le message pascal. Nous le voyons tel qu’il était quand, devant la communauté de Corinthe, il annonçait les grandes vérités de la foi : le Christ est mort pour nos péchés, le Christ est ressuscité. Il cite des témoins de la Résurrection et parmi eux il se cite lui-même. Le Christ lui est apparu. Lui aussi a été autrefois malade comme le sourd-muet ; il se désigne comme un avorton, le dernier parmi les Apôtres. Paul raconte comment il a reçu la grâce du baptême ; puis se manifeste sa conscience d’avoir été racheté : Il C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, mais sa grâce n’a pas été vaine en moi ”. Pendant toute sa vie, saint Paul eut ce sentiment de la Rédemption. Pendant l’Évangile, nous nous transportons en esprit à la nuit de Pâques et nous nous tenons près des fonts baptismaux. Chacun de nous est le sourd-muet ; le Christ nous apparaît ; le divin médecin de l’âme met ses doigts. dans nos oreilles et sur notre langue pour nous guérir. Nous recouvrons l’ouie et la parole, nous devenons des illuminés pour le ciel. Nous portons comme offrande à l’autel une ardente reconnaissance pour le bienfait de la Rédemption. Le psaume 29, à l’Offertoire, est un beau cantique d’action de grâces et, en même temps, un cantique de sacrifice. Maintenant, au Saint-Sacrifice, l’oeuvre de la Rédemption est actuelle et réelle. Nous avons entendu : le Christ est mort pour nos péchés, il est ressuscité. Le Christ est présent sur l’autel ; sur l’autel apparaît l’Agneau immolé et glorifié. A la messe descend parmi nous le Sauveur pascal, tel qu’il apparut aux 500 frères sur la montagne, tel qu’il se montra à saint Paul sur le chemin de Damas. Dans la Communion, te Sauveur de l’âme vient jusqu’à moi. Il dit : Il reste encore beaucoup de cécité, de surdité et de mutisme dans ton âme. “ Ephpheta ”, dit-il aujourd’hui comme au moment du baptême, ouvre-toi. Ce que tu as reçu au baptême, ajoute-t-il, je veux le maintenir, l’affermir, je veux t’enrichir pour le jour de mon retour.
          
2. Pensées du dimanche. — Dans le fait évangélique que nous avons lu l’Église voit depuis longtemps le symbole du baptême. Car c’est tout d’abord par le baptême que l’homme reçoit l’ouïe spirituelle et la parole véritable. Avant le baptême, il est pour ainsi dire sourd-muet. Il ne peut parler à Dieu dans la prière parce qu’il n’a pas la foi ; il ne peut pas davantage entendre la voix de Dieu. Ainsi donc, pour le royaume de Dieu, il est sourd-muet. Mais par le baptême il devient enfant de Dieu, il reçoit la vie de la grâce sanctifiante. Le Saint-Esprit demeure en lui et il est l’intermédiaire entre Dieu et son âme. Le Saint-Esprit est pour ainsi dire la langue qui peut parler à Dieu, l’oreille qui entend la voix de Dieu. Aussi, c’est un usage antique que le prêtre, dans les cérémonies du baptême, fasse quelque chose de semblable à ce que fit le Seigneur dans la guérison du sourd-muet. Le prêtre mouille avec de la salive les oreilles de l’enfant en disant : “ Ephpheta, c’est-à-dire : ouvre-toi ”. Il touche aussi le nez en disant : “ Pour l’odeur de suavité -. Voici ce qu’il veut exprimer par-là : le baptême ouvre l’ouïe spirituelle ; il doit aussi répandre dans le baptisé le parfum des vertus. Ce que le baptême a commencé, la Sainte Eucharistie doit le continuer et le compléter. L’Église nous propose ce beau passage évangélique, nous donner cette leçon : Vous venez aujourd’hui pour à la messe comme de pauvres sourds-muets. Les bruits du monde vous empêchent d’entendre ce que Dieu vous dit. Vous vous tenez devant Dieu comme un enfant bégayant et vous ne trouvez pas une parole convenable. La grâce de la messe d’aujourd’hui doit vous restituer l’ouïe spirituelle, délier votre langue et vous rendre de plus en plus aptes à faire partie, un jour, du choeur des anges pour chanter la louange de Dieu. Ainsi donc le baptême doit être continué par la messe d’aujourd’hui. — Dans l’Épître, saint Paul nous annonce le message pascal : le Christ est mort pour nos péchés ; il a été enseveli, il est ressuscité. Saint Paul cite les témoins de la Résurrection : Pierre, les onze Apôtres ; il parle ensuite d’une apparition du Ressuscité devant 500 frères dont plusieurs vivaient encore de son temps. Il s’agit sans doute de l’apparition sur la montagne de Galilée sur laquelle le Seigneur rassembla une fois encore tous ses disciples. Le Sauveur apparut aussi à Jacques le Mineur en particulier. Les évangiles ne disent rien de cette apparition. Saint Paul cite encore un témoin de la Résurrection du Seigneur, c’est lui-même ; “ Il apparut enfin à moi-même qui ne suis qu’un avorton. Je suis le dernier des Apôtres et je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu ”. Le Sauveur apparut à saint Paul devant les portes de Damas et fit de lui un Apôtre. Néanmoins, il demeure petit et humble, il ne se croit pas digne de porter le titre honorifique d’Apôtre ; il se nomme un avorton. Il ne peut donc se vanter d’aucun mérite personnel. “ Ce n’est que par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis ”. n est une oeuvre de la grâce de Dieu. — C’est ainsi que nous devrions parler nous aussi. De nous-mêmes, nous ne sommes rien ; si nous sommes grands, c’est par la grâce. Puissions-nous dire comme saint Paul : “ La grâce de Dieu ne fut pas vaine en moi ”. Cela veut dire que saint Paul a coopéré à la grâce. Que l’Épître convient donc bien à ce dimanche ! L’Évangile nous rappelle notre baptême. Dans l’Épître, l’Église veut nous rappeler le message pascal et nous montrer en même temps dans la conversion de saint Paul l’image de notre conversion baptismale.