MERCREDI DES QUATRE-TEMPS

Station à Sainte Marie Majeure
     
L’Annonciation de la Sainte Vierge
     
La messe d’or
     
Aujourd’hui nous célébrons le mystère de l’Annonciation de la Sainte Vierge, l’instant solennel où le Verbe divin s’unit à la nature humaine. C’est le commencement de la Rédemption. Le corps mystique a reçu son centre lumineux, les membres peuvent s’y adjoindre. Ce n’est pas seulement le souvenir de ce grand événement que nous célébrons ; à la messe, est mise sous nos yeux l’Incarnation du Christ, puisque l’Incarnation est le commencement de la Passion dont la messe est le renouvellement. Au moment de la consécration, nous pourrions répéter : le Verbe s’est fait chair.
     
C’est pourquoi, depuis l’antiquité, cette messe a été très appréciée et appelée la messe d’or (missa aurta). Au moyen âge, on la célébrait avec une grande solennité. C’est à l’occasion de cette messe que saint Bernard fit en qualité d’Abbé ses célèbres homélies “ super Missus est ” qui se trouvent en partie dans le bréviaire. Une des preuves de la considération qu’on avait pour elle, c’est que la messe “ Rorate ” qui, dans certaines régions, est célébrée pendant tout l’Avent, en procède.
     
1. Lecture de l’Avent. — Isaïe nous montre aujourd’hui l’image du Messie souffrant. C’est une des prophéties les plus célèbres de l’Ancien Testament (Chap. LIII).
“ Qui a cru à ce qui nous était annoncé ?
Et la puissance du Seigneur, à qui a-t-elle été révélée ?
Il (le Rédempteur) s’élève comme un arbrisseau devant lui,
Comme une racine qui sort d’une terre desséchée ;
II n’a ni forme ni beauté, nous l’avons vu,
Mais ce n’était pas une vue que nous désirions,
II était méprisé, le dernier des hommes,
Un homme de douleurs connaissant la souffrance ;
Son visage était comme voilé et déshonoré.
Si bien que nous ne faisions de lui aucun cas.
En vérité il a porté nos maladies
Et nos douleurs il les a chargées sur lui.
Nous le considérions comme un lépreux,
Comme un homme frappé et humilié par Dieu.
II a été blessé à cause de nos méfaits,
II a été frappé à cause de nos péchés,
Pour notre salut il a été en butte au châtiment
Et par ses meurtrissures nous est venue la guérison.
Comme des brebis, nous étions errants,
Chacun s’écartait de son chemin ;
Le Seigneur a chargé sur lui tous nos méfaits
Il a été sacrifié parce qu’il l’a voulu lui-même ;
Et il n’ouvre pas sa bouche,
Comme un agneau, il est conduit à la tuerie.
Comme une brebis devant celui qui la tond, il se tait
Et n’ouvre pas sa bouche.
Sans protection de jugement, il est enlevé ;
Ne se préoccupe de lui personne de sa race,
En le voyant retranché de la terre des vivants.
A cause des péchés de mon peuple, je l’ai frappé.
Parmi les impies, on fixe son sépulcre,
Mais auprès du riche a été sa demeure. ”
1. La messe (Rorate coeli). — Nous célébrons aujourd’hui la messe avec toute la chrétienté dans la grande église de Sainte-Marie à Rome où se trouve aussi la Crèche qui est pour nous l’image de Bethléem. A l’Introït, nous crions avec toute l’humanité qui implore la Rédemption : “ Cieux répandez votre rosée. ” Dans le psaume 18, nous voyons sous le symbole du soleil levant, l’accomplissement de nos espérances : “ Pour le soleil il a dressé une tente, au ciel, (l’astre) s’avance comme un époux hors de la chambre nuptiale, il s’élance comme un héros qui fournit sa carrière, d’une extrémité du ciel il prend sa course vers l’autre et rien ne peut échapper à sa chaleur. ” Le Christ, le divin Soleil de justice est resté caché neuf mois dans sa tente, c’est-à-dire dans le sein de Marie, mais, à Noël, après le solstice d’hiver, il paraît au dehors.
     
Dans la première Oraison, l’Église demande que “ la fête de la Rédemption qui va venir” nous soit utile ici-bas et là-haut. Plus belle encore est la seconde Oraison : “ Hâtez-vous, ne tardez plus, Seigneur, relevez-nous par les consolations de votre avènement. ” C’est une oraison d’une impétuosité remarquable et qui sort du style ordinaire. La haute antiquité de cette messe apparaît dans les trois leçons (aux tout premiers temps de la liturgie romaine, la plupart des messes avaient au moins trois leçons). Les deux premières sont tirées de notre Prophète de l’Avent : Isaïe ; nous les connaissons déjà toutes les deux. Sion est le lieu de naissance de la Sainte Église, vers elle affluent les Gentils. C’est d’elle que sort la loi et le législateur (nous entendons le mot “ Parole” dans le sens de “ Verbe ”). Sion est le symbole de la Vierge Marie qui a donné au monde le Verbe divin. Sion est aussi le symbole de l’Église et de l’âme. Ainsi trois noms se présentent à nous pendant toute la messe, Marie, l’Église, l’âme. L’Église aussi est mère de Dieu, en ce sens que par le ministère des sacrements, elle enfante et fait croître mystiquement le Christ dans les âmes. Et notre âme, à chaque messe peut être dite en quelque sorte mère du Christ, en tant que par la grâce du Saint Esprit reçue en elle, elle enfante mystique ment le Christ.
      
Le premier Graduel est un chant d’une grande beauté, c’est une image de Noël : nous nous tenons devant les portes fermées du paradis terrestre, déjà se soulèvent les verrous, déjà se tirent les chaînes ; pleins d’impatience nous crions : “ Levez les portes, princes des anges ; ouvrez-vous, portes éternelles et le Roi de gloire fera son entrée. ”
     
Les deux leçons suivantes ont entre elles une conformité merveilleuse. Le Prophète dit : “ Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils et on l’appellera Emmanuel. ” L’évangéliste dit : Je te salue... voici que tu concevras et enfanteras un Fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera appelé le Fils du Très-Haut... Le Saint-Esprit te couvrira de son ombre. ”
     
Cet Évangile, d’une impérissable beauté, compte parmi les plus sublimes révélations que Dieu ait jamais faites à l’humanité. L’avant-messe a, en quelque sorte, parcouru tout l’Avent jusqu’au seuil du mystère de Noël. C’est pourquoi, au commencement du Sacrifice, nous nous voyons déjà le Sauveur venir :
“ Consolez-vous et ne craignez pas, car voici que notre Dieu apporte la récompense. Il va venir lui-même et nous apporter la Rédemption. Alors s’ouvriront les yeux des aveugles, les oreilles des sourds ne seront plus fermées ; alors le paralytique bondira comme un cerf, la langue du muet jubilera. Il va venir lui-même et nous apporter la Rédemption”[1]
Au sacrifice et à la communion, nous participons mystiquement au mystère de la Maternité divine, aussi pouvons-nous nous appliquer ce que chante l’Église à la Communion : “ Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils... ” Une fois encore nous chantons le cantique du soleil (psaume 18). — C’est vraiment une messe d’or.
       
2. Chants de l’Avent. — Nous restons étonnés devant tous ces chants poétiques qui jaillissent de la lyre de l’Église :
“ Crie de toutes tes forces toi qui annonces la paix dans Jérusalem,
Annonce aux villes de Juda et aux habitants de Sion :
Voici que notre Dieu que nous attendions va venir. ”
(Répons.) 
“ Une étoile se lèvera de Jacob
Et un homme se lèvera d’Israël qui anéantira tous les chefs des étrangers,
Et toute la terre sera sa possession,
Tous les rois de la terre l’adoreront,
Tous les peuples le serviront. ” (Répons.)
Les antiennes du lever et du coucher du soleil indiquent que nous devons nous occuper, toute la journée, des sublimes passages de l’Évangile ; “ L’ange Gabriel fut envoyé à la Vierge Marie fiancée à Joseph.” Le soir, nous disons avec Marie : “ Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. ”
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[1] Tel est le verset de l’Offertoire dans toute son extension.