MERCREDI DES CENDRES

Rassemblement à Sainte-Anastasie
     
Station à Sainte-Sabine
     
Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière.
     
Le jour des Cendres. La cérémonie liturgique se déroule en deux églises ; dans l’église de rassemblement, on. bénit et on impose les cendres ; dans l’église de station, on célèbre la messe.
     
1. La bénédiction des Cendres. — La cérémonie à laquelle nous participons aujourd’hui n’est qu’un reste de l’action solennelle que l’évêque accomplissait autrefois avec les pénitents publics. Quiconque avait commis des fautes graves et publiques, devait, au début du Carême, accepter la pénitence publique ; ce fut l’usage ecclésiastique, du IVe au XIIe siècle. La pénitence publique consistait surtout dans l’exclusion de la participation à l’Eucharistie ; en outre, on accomplissait des œuvres de satisfaction ; prières, mortifications, aumônes. Avant de les exclure de la communauté ecclésiastique, on revêtait solennellement les pénitents de l’habit de pénitence et on leur couvrait la tête de cendre ; puis, l’évêque les conduisait hors de l’église, devant la porte. Cette “ expulsion des pénitents “ était une cérémonie saisissante qui constituait, pour les fidèles eux-mêmes, une prédication sérieuse. Plus tard, l’Église adoucit sa discipline pénitentielle ; désormais, la pénitence s’accomplit en secret. Cependant, depuis le Moyen Age, tous les fidèles acceptaient volontairement l’habit de pénitent et se faisaient imposer les cendres. Des rois et des empereurs, par exemple Charlemagne, allaient pieds nus, avec les autres fidèles, chercher les cendres bénites et entraient ainsi solennellement dans le temps de Carême.
     
A Rome, la bénédiction des cendres se faisait dans la basilique de Sainte-Anastasie. C’est dans cette église, située au centre, que l’on conservait les anciennes croix de station qui servaient aux processions. A l’entrée du clergé, on chantait un Introït qui indique l’esprit de la bénédiction des pénitents : sans doute, nous devons faire jaillir de notre âme les pensées et les sentiments les plus profonds de pénitence ; cependant, ces vagues de pénitence s’apaisent dans ces paroles de l’antienne : “ car bienveillant est ton cœur éternel... ” Viennent ensuite les quatre oraisons de bénédiction. Elles ont deux particularités : elles sont de plus en plus courtes et, dans chacune, s’atténue la sévérité de la pénitence. La première oraison est d’une belle construction ; elle se compose de trois parties et la partie médiane est divisée en quatre membres. Elle dit brièvement : que la cendre bénite soit, pour la communauté pénitente, un moyen de salut efficace, un sacramental pour le corps et l’âme. La seconde oraison s’étend sur le symbolisme de la cendre (la cendre symbolise notre nature pécheresse et périssable). La troisième oraison montre plus d’assurance ; elle implore d’abondantes bénédictions par le moyen de la croix de cendre. La quatrième oraison nous donne comme modèles les Ninivites pénitents. — Le prêtre distribue ensuite les cendres aux fidèles et, par là même, les bénit pour le temps de Carême qui commence. La cendre provient des rameaux bénits du dimanche des Rameaux de l’année précédente. “ Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. Il Rappelons-nous que ces paroles furent prononcées pour la première fois au paradis terrestre et adressées à nos premiers parents — ce fut le premier et triste mercredi des cendres de l’humanité. Pendant la distribution des cendres, le chœur chante des chants pénétrés des graves sentiments de pénitence. Le prêtre chante, ensuite, une magnifique oraison (l’antique collecte) ; on sait que cette oraison était récitée dans l’église de rassemblement (collecta) ; d’où son nom. L’Église rassemble ses enfants en compagnies de combat ; chaque paroisse est une escouade ; tous s’en vont, en ordre, occuper leur poste (statio) et “ combattre contre les Esprits du mal “ ; les armes défensives sont “ les exercices de l’abstinence “.
     
2. La messe (Misereris). — Notre escouade se rend aujourd’hui à la station de Sainte-Sabine. C’est près de son tombeau et sous sa protection que nous commençons le combat du Carême. Sainte Sabine fut une martyre (v. 29 août). Convertie par sa servante, elle confessa courageusement sa foi et versa son sang pour elle. Elle est aujourd’hui notre modèle et notre alliée dans le combat. I”a messe est tout à fait conforme à nos sentiments. L’impression générale est exprimée dans l’Introït : la confiance dans la miséricorde de Dieu (la pénitence chrétienne est toujours pénétrée de confiance). L’oraison demande que les fidèles célèbrent convenablement “ les vénérables solennités du jeûne” et les continuent avec persévérance. Nous demandons donc deux choses : un bon commencement et la persévérance. La leçon est saisissante ; c’est une scène de pénitence tirée de l’Ancien Testament. On insiste sur deux points : la pénitence intérieure et la pénitence commune : “ Convertissez-vous à moi de tout votre cœur. “ Tous les états doivent prendre part à la pénitence : les enfants, les jeunes gens, les gens mariés, les prêtres ; ce ne doit pas être une pénitence individuelle, mais une pénitence commune. Pour finir, nous jetons un regard sur Pâques. — Pour la première fois, nous chantons le Trait de Carême, qui nous accompagnera pendant tout ce saint temps. L’Évangile est un extrait de la prédication de pénitence du Christ. Le Christ parle du jeûne secret et découvre, par là, la plus grande plaie de l’âme, la recherche de soi-même qui trouve le moyen de s’introduire même dans le jeûne et la pénitence. Si l’on compare les deux lectures, on pourrait presque y découvrir un contraste : ici, le jeûne de la communauté ; là, le jeune en dehors de la communauté. Telle n’est pas cependant l’intention de l’Église ; ce qu’elle veut, c’est montrer et faire éviter les dangers qui résultent de la communauté. L’Évangile élève nos esprits des trésors terrestres aux trésors célestes. Le Carême est précisément le temps qui convient pour amasser ces trésors, par la prière, le jeûne, l’aumône, la pénitence. — La seule pièce de cette messe que nous avons quelque peine à accorder avec nos sentiments est l’antienne de l’Offertoire. C’est un chant pascal, un chant de victoire (Ps. 29). C’était sans doute l’action de grâces des fidèles : alors que les pénitents devaient quitter la maison de Dieu, les fidèles, qui étaient restés exempts de la souillure du péché, pouvaient rester et assister maintenant au Saint-Sacrifice. A la Communion, nous commençons le premier psaume ; nous continuerons la série des psaumes pendant tout le Carême. L’antienne recommande “ la méditation de la Loi, jour et nuit “ ; elle nous annonce aussi le fruit “ en temps opportun” c’est-à-dire à Pâques. L’oraison sur le peuple (oratio super populum), que nous réciterons désormais tous les jours, est un héritage liturgique vénérable.
     
3. Le jeûne qui plait à Dieu. — Telle est à peu près la pensée unique de ce jour : a) motifs du jeûne (Leçon), b) l’âme du jeûne (Évangile), c) valeur du jeûne (Préface). Le motif le plus profond du jeûne est le péché, c’est pourquoi, aussi, il n’a de valeur que s’il est uni à l’aversion du péché. Le sens de tout le temps de Carême et de la cérémonie de pénitence d’aujourd’hui est la réforme de la vie. Le jeûne ne vaut pas par lui-même, ce n’est qu’un moyen d’arriver à la piété. L’âme du jeûne est l’humilité ; il est sans valeur et même coupable s’il est au service de l’amour-propre (Evangile). En termes d’une beauté inimitable, la préface expose l’importance du jeûne : “ Par le jeûne corporel, tu réprimes les péchés, tu élèves l’esprit, tu confères la vertu et la récompense. “ Le jeûne nous délivre des forces inférieures de l’âme et du corps et, par suite, il renforce l’homme spirituel et affermit surtout la volonté. Or la volonté est, pour l’œuvre de notre salut, le facteur humain décisif.
    
4. Psaume I — Les deux voies. — Le pape Saint Grégoire 1er réorganisa les chants de communion pour les féries de Carême. Il choisit pour cela les 26 premiers psaumes qu’il fit succéder dans l’ordre. On les chantait alors en entier. C’est une indication qui nous montre que, pendant le Carême, nous devons consacrer une attention particulière à ces psaumes. Nos lecteurs pourraient prendre aussi cette résolution de Carême : apprendre à mieux comprendre et à mieux réciter les psaumes.
    
Le premier psaume est l’introduction du psautier. Saint Jérôme l’appelle praefatio Spiritus Sancti, la préface du Saint-Esprit. Ce psaume, en effet, exprime les pensées principales qui parcourent la plupart des psaumes : heureux ceux qui craignent Dieu, malheur aux impies. Nous y trouvons aussi une pensée qu’aimait beaucoup l’Église primitive : la doctrine des deux voies, la voie de la vie et la voie de la mort. Notre psaume est facile à comprendre, édifiant et instructif ; il coule comme un frais ruisseau des bois.
Heureux l’homme
qui ne marche pas dans le conseil des impies,
qui ne se tient pas dans la voie des pécheurs,
qui ne s’assied pas dans la compagnie des moqueurs,
mais qui, plutôt, a son plaisir dans la loi du Seigneur
et qui la médite jour et nuit.
Il est comme un arbre planté près d’un cours d’eau,
qui porte ses fruits en temps opportun. 
Son feuillage ne se flétrit pas et tout ce qu’il fait lui réussit.
Il n’en est pas ainsi des impies, il n’en est pas ainsi,
ils sont comme une paille que la tempête chasse de la terre.
C’est pourquoi les impies ne subsisteront pas au jugement,
ni les pécheurs dans l’assemblée des justes.
Car le Seigneur connaît la voie des justes,
mais le sentier des impies mène à la ruine.
Plan du psaume.
I. L’homme craignant Dieu v. 1-3.
1. Aspect négatif : triple gradation du péché, v. 1.
marcher — péché
se tenir — habitude
s’asseoir — vice.
2. Aspect positif : la fidélité à la Loi v. 2.
3. Image : l’arbre fécond, v. 3. 
II. L’impie.
1. Image : la paille sur l’aire (ou le feuillage desséché), v. 4.
2. le jugement, v. 5.
3. Sentence finale, v. 6.