MERCREDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CARÊME

Station à Saint-Sixte
      
Le Christ, le législateur nous donne la loi.
      
1. Tradition des commandements. — La messe d’aujourd’hui forme un tout unique et est entièrement consacrée au thème des catéchumènes. Dans l’Église ancienne, c’était aujourd’hui un jour important. On soumettait les catéchumènes au premier scrutin, leurs noms étaient inscrits dans le livre baptismal, “ dans le livre de vie ” ; aujourd’hui aussi, on leur remettait les dix commandements de Dieu (c’est pourquoi dans, la leçon et l’Évangile, il est question des commandements). Nous, les fidèles, vivons en esprit avec les catéchumènes. L’Église nous propose de nouveau les commandements de Dieu ; nous les recevons même des mains du Christ.
     
La leçon nous enseigne le grand respect que nous devons avoir pour les commandements de Dieu ; ils sont, en effet, la volonté expressément déclarée de la divine majesté. Le respect est le pivot du monde, dit Shakespeare ; le respect de Dieu est la base de toute morale. C’est la grande faiblesse de notre temps de ne plus avoir ce profond respect de la majesté divine et, par suite, de ne plus prendre les commandements autant au sérieux. L’histoire du salut nous montre pourtant quelle importance Dieu attribue à l’observation des commandements. Nous le voyons au paradis terrestre, après la transgression du premier commandement ; la malédiction de l’humanité, l’océan de misères qui découla du péché originel nous l’attestent ; ce qui nous le montre encore plus, c’est la mort du Christ sur la Croix, car cette mort est, en somme, le jugement et le châtiment du péché. L’Évangile nous fait entrer dans un autre ordre de pensées : nous chrétiens, nous devons accomplir les commandements en esprit et de tout cœur. Pour nous, ce ne sont pas, à proprement parler, des commandements ; pour nous, la volonté de Dieu est une joie : nous sommes comme de bons enfants qui accomplissent avec joie la volonté de leurs parents et qui, au lieu d’y voir un joug pénible, font, de leur obéissance, une preuve et une expression de leur amour. C’est pourquoi nous ne devons pas seulement accomplir la lettre de la loi, mais encore en comprendre et en observer l’esprit. L’esprit de la loi est l’amour, l’amour de Dieu et du prochain.
      
Encore une considération : Aujourd’hui a lieu le premier scrutin. Les fidèles se rassemblent pour porter un jugement sur les catéchumènes, pour décider s’ils sont dignes d’être admis dans leurs rangs. Nous nous trouvons dans un cas tout à fait semblable. Nous sommes les catéchumènes du ciel. Ce que les “ illuminés” étaient pour l’Église, nous le sommes pour le ciel. La mort est, pour nous, le baptême qui nous fait entrer dans le véritable royaume du ciel. Et les saints, les citoyens du ciel, tiennent, pour ainsi dire, conseil pour décider si nous sommes déjà assez mûrs pour entrer dans le sanctuaire éternel. Quand nous récitons aujourd’hui le Confiteor, nous pouvons nous représenter, d’une manière vivante, ce scrutin du ciel. Sur le trône est assis l’Évêque éternel, les saints sont rangés autour de lui : Marie, Michel, les Apôtres et tous les saints ; tous doivent m’accuser à cause de ma transgression des commandements — je me fais tout petit ; mea culpa, mea maxima culpa. Cependant, la cour céleste ne me condamne pas, mais prie pour moi. — Considérons le Carême comme un temps de catéchuménat pour le ciel. Pâques et le temps pascal sont l’avant-goût de la vie du ciel. A Pâques, nous devons être mûrs pour entrer dans la communauté des citoyens du ciel.
      
2. La messe (Ego autem). — Le saint de station est le pape Xyste ou Sixte II (+258), que nous voyons apparaître dans le martyre de saint Laurent. Ce saint était très vénéré ; notre église de station lui fut dédiée et on y transporta ses ossements du tombeau des papes de la Catacombe de Saint-Calliste. C’est sous sa conduite que les catéchumènes se rendent à la sainte cérémonie et nous nous y rendons avec eux. Introït : Comme les catéchumènes devaient se réjouir d’avoir fait un pas de plus vers le but ! “ Dieu a regardé leur misère. “) Le psaume 30 est toute une histoire des âmes, il montre comment elles ont souffert, lutté et comme elles sont, enfin, parvenues au terme heureux (thème pascal). Dans la leçon, nous voyons un drame puissant. Les enfants d’Israël campent dans le désert, devant le mont Horeb, et la montagne semble un autel fumant. Alors apparaît la “ Majesté du Seigneur”) au milieu des éclairs et des tonnerres et Dieu promulgue les commandements. Dans le Saint-Sacrifice, la “ Majestas Domini ” paraît aussi aujourd’hui sous la douce et modeste apparence du pain et nous donne sa loi. Mais c’est le moment de nous humilier. Y a-t-il un commandement dont nous puissions dire : “ Je n’ai commis aucune faute grave contre ce commandement ? “ C’est pourquoi nous récitons, au Graduel, le psaume 6, qui est un psaume de pénitence, et nous y ajoutons le Trait. L’Évangile nous fait monter d’un degré : L’Ancien Testament ne voyait que l’acte, Je Nouveau voit aussi le cœur. Malheur à nous si, comme les Pharisiens, nous déformons la loi en en faisant une lettre morte. Notre service de Dieu ne doit pas être un service des lèvres. La prière et la vie doivent être en harmonie. Le véritable travail de Carême consiste dans la sanctification et la purification du cœur. A l’Offertoire, nous retombons dans notre misère, nous implorons miséricorde en récitant le sombre psaume 108, mais, cependant, avec l’antienne : “ car douce est ta miséricorde. “ A la Communion, la communauté voit déjà la gloire pascale du Seigneur. L’antienne de communion est un cantique de procession : “ les chemins de la vie” sont les exercices de Carême et, quand nous sommes rendus au terme, à Pâques, nous pouvons dire “ tu nous remplis de joie devant ta face brillante. “ La messe contient donc deux pensées : la douleur du péché et l’allégresse pascale. C’est l’image de la vie chrétienne.
      
3. Psaume 15. — Le Seigneur est mon partage. — Ce psaume, au sens littéral, est la prière d’action de grâces d’un prêtre juif pour sa part d’héritage qui est le Seigneur. Cependant le psaume est un cantique messianique, dans lequel le Christ exprime son abandon complet à Dieu ; en même temps, la Résurrection du Seigneur est prédite. Nous récitons ce psaume comme action de grâces pour le bonheur de la filiation divine. D’autres ont des biens terrestres ; nous, nous possédons Dieu.
Garde-moi, Seigneur, en toi je me confie, j’ai dit au Seigneur : “ tu es mon Dieu, mon seul bien c’est toi “.
Les saints qui sont dans le pays, les illustres, sont l’objet de toute mon affection.
On multiplie les idoles, on court après les dieux étrangers.
Je ne prends point part à leurs libations sanglantes et leur nom ne vient pas sur mes lèvres.
Le Seigneur est la part de mon héritage et de ma coupe, c’est toi qui m’assures mon héritage.
Le cordon a mesuré pour moi une part magnifique ; oui, un splendide héritage m’est échu.
Je bénis le Seigneur qui m’a donné l’intelligence, même dans la nuit mon cœur me presse.
J’ai toujours le Seigneur devant mes yeux, car il est à ma droite, je ne chancellerai point.
Aussi mon cœur tressaille et ma langue jubile, et mon corps lui-même repose en sécurité,
Car tu ne livreras pas mon âme à l’enfer et tu ne laisseras pas ton saint voir la corruption.
Tu me feras connaître le sentier de la vie, tu me rempliras de joie devant ta face, de délices éternelles à ta droite.