MERCREDI DE LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

Station à Sainte Cécile
     
L’Eglise nous conduit à la pénitence, au baptême, au calice du Christ.
     
Comme cela s’est produit plusieurs fois dans les messes précédentes, nous pouvons, aujourd’hui encore, distinguer deux groupes de pensées : le thème de la station et le thème de la Passion.
      
La messe antique d’aujourd’hui s’adresse, en premier lieu, aux catéchumènes. On leur indique le but et la tâche du temps qui vient. Les pénitents, non plus, ne sont pas oubliés. En outre, les pensées de la Passion tiennent une grande place. Le thème de la station paraît, lu : aussi, au premier plan. Comme on le voit, tous les thèmes du temps de Carême se trouvent rassemblés dans cette belle messe.
     
1. Le thème de la Station. — La station est à Sainte-Cécile. Cette circonstance est ce qui nous permet d’expliquer cette messe. La sainte est une des vierges martyres les plus vénérées de l’ancienne Église. Son martyre eut lieu vers 250. Deux sanctuaires romains sont consacrés à sainte Cécile : son premier tombeau dans le caveau papal de la catacombe de Saint-Callixte et son église titulaire, dans le Transtévère, où repose maintenant son corps. (Nous avons un témoignage ancien qui nous montre qu’il y avait un office de station dans cette église dès l’an 545. Quand le commissaire impérial de Constantinople, Anthème, fut envoyé à Rome pour s’emparer du pape Vigile, “ il trouva le pape dans l’église de Sainte-Cécile, le 22 novembre, car c’était la fête de cette sainte “. (Liber Pont.). Aujourd’hui, nous entrons avec respect dans cette église. Dans la crypte, se trouve, enfermé dans un sarcophage, le corps de la sainte. En 1599, le cardinal du titre, Paul Sfondrati, fit faire des recherches pour retrouver le corps de la sainte. Un cercueil en cyprès contenait ce saint corps. Il était encore intact, couché sur le sol, comme si la sainte venait d’expirer ; le genou était légèrement replié, les bras étendus le long du corps et le visage tourné vers la terre. Il resta, environ un mois, exposé à découvert à la vénération des fidèles. Le sculpteur Stefano Maderna, qui vit souvent le corps, fit la célèbre statue de grandeur naturelle qui se trouve maintenant sur le maître-autel de l’église. Dans cette même église, reposent les corps des deux frères, Valérien et Tiburce, que sainte Cécile conduisit au baptême et au martyre.
      
2. La messe (Ne derelinquas). — Les actes (légendaires) du martyre de la sainte racontent un fait qui est important pour l’intelligence de cette messe. Cécile avait fait le vœu de virginité. Un jeune homme, Valérien, l’épousa contre sa volonté. Mais la nuit des noces, Cécile lui confia un secret : “ J’ai un ange de Dieu pour protecteur, qui garde jalousement mon corps. ” Valérien affirma qu’il se ferait chrétien s’il pouvait voir cet ange. Cécile lui déclara que cela était impossible sans avoir reçu le baptême. Valérien consentit à le recevoir. La sainte, toute heureuse. l’envoya. avec un signe de reconnaissance, au pape Urbain qui se cachait dans les catacombes. Le pape tomba à genoux pour remercier Dieu qui faisait porter à la semence de Cécile des fruits si abondants. Il baptisa Valérien. A son retour, celui-ci “ trouva Cécile en prière dans sa chambre, et, à côté d’elle, l’ange du Seigneur debout. A cette vue, Valérien fut saisi d’une grande crainte “. L’ange remit à Cécile et à lui une couronne de roses rouges et de lis blancs, venant du paradis, pour les récompenser de leur amour de la chasteté. Valérien put alors exprimer un désir que l’ange exauça. Il demanda la conversion de son frère Tiburce. Quand Tiburce arriva pour féliciter les jeunes époux, il fut surpris par ce parfum inexplicable de roses et de lis. Il en apprit la raison et se laissa, lui aussi, baptiser. Le préfet de Rome, apprenant la conversion des deux frères, les fit arrêter par son officier Maximus, et, sur leur refus de sacrifier à Jupiter, ordonna leur exécution.
     
Ainsi donc Cécile a conduit les deux frères au baptême et au martyre. Cécile, la vierge et, en même temps, la mère spirituelle des deux frères, est l’image de l’Église qui se préoccupe, en ce moment, de conduire les catéchumènes et les fidèles aux fonts baptismaux et de les amener à compatir aux souffrances du Christ. Or, cette double figure, Cécile et l’Église, nous est présentée magnifiquement dans les deux lectures, sous l’aspect de deux femmes. C’est d’abord Esther qui prie pour son peuple (dans les plus anciens manuscrits, on lisait : “ Esther pria “, et non comme aujourd’hui : Mardochée pria). C’est ensuite Salomé, la mère des Apôtres, qui conduit au Christ ses deux fils. Examinons la leçon : Le peuple juif, en Perse, était menacé d’extermination ; Mardochée, l’image du Christ (comme Daniel, lundi dernier), prie pour la délivrance de son peuple ; ou bien, si nous admettons l’antique conception, la reine Esther, image de l’Église (Cécile), prie pour son peuple, pour les pénitents et pour nous, qui sommes dans l’humiliation du Carême : “ Ne méprise pas le peuple de ton héritage que tu as sauvé de l’Égypte (les pénitents sont baptisés)... transforme notre tristesse de jeûne en joie (pascale), afin que nous puissions te louer dans la vie éternelle. “ Il s’agit, pendant le Carême, de notre âme précieuse que nous devons arracher au diable. L’Évangile est un des plus beaux du Carême. Nous sommes à environ une semaine de la mort du Seigneur. Sur le chemin, il annonce, pour la troisième fois, sa Passion (le thème de la Passion retentit dans tout l’Évangile). Vient alors l’épisode. Salomé vient demander, pour ses fils, des places de ministres dans le royaume du Christ. Jésus leur propose d’abord le calice de sa Passion, puis il adresse à ses disciples une exhortation saisissante à l’humilité : “ Le Fils de l’Homme est venu pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs. “ Mais la liturgie consacre surtout son attention à Salomé qui est l’image de l’Église et de sainte Cécile. Cela nous permet de remarquer, encore une fois, la manière dont la liturgie utilise les passages de l’Écriture. Elle néglige le rôle assez peu honorable de la mère des Apôtres, elle oublie entièrement sa prière inconsidérée et ses projets ambitieux ; elle ne veut voir que la mère qui conduit ses deux fils au Christ et le Christ qui leur promet le calice de la Passion. C’est, pour elle, l’image principale et elle s’en sert pour nous représenter sainte Cécile qui conduit deux frères au baptême et au calice du Seigneur. Mieux encore, elle veut nous représenter l’Église, l’Église mère et vierge, qui conduit maintenant ses enfants au baptême, à la pénitence qui est un nouveau baptême, et au calice de la Passion. Remarquons aussi l’oraison sur le peuple, qui se rapporte à la sainte de station. Dieu est le restaurateur et l’ami de l’innocence, il nous rend fermes dans la profession de la foi et actifs dans les œuvres. C’est là un résumé de la vie de sainte Cécile : vierge, martyre, providence des pauvres. La célèbre peinture de Raphaël est une illustration de cette oraison. On y voit Madeleine et Augustin (qui ont recouvré leur innocence), les deux frères Jean et Paul (amis de l’innocence). Au Saint-Sacrifice, nous voyons aujourd’hui le Sauveur “ monter vers Jérusalem “ pour souffrir ; de nouveau “ il donne sa vie en rançon pour plusieurs “, il nous offre son ( calice” de la Passion et de l’Eucharistie.
       
L’Église souligne fortement, aujourd’hui, le thème de la Passion. Nous le voyons encore dans les antiennes du lever et du coucher du soleil : “Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’Homme sera livré pour être crucifié” (Ant. Ben.). “ Il sera livré aux païens pour être insulté, flagellé et crucifié “ (Ant. Magn.).
      
C’est donc le désir de l’Église que, pendant toute la journée, nous montions avec le Seigneur à Jérusalem, pour la Passion. Remarquons qu’en nous inspirant cette pensée de la Passion, l’Église ne mentionne pas la Résurrection.
      
3. Le psaume 10. — Sécurité dans la confiance en Dieu. — Le psaume est, sans doute, de David et dut être composé pendant sa fuite. C’est un des psaumes typiques qui respirent la confiance de David en Dieu... Le psaume se divise en trois strophes : 1. Le doute des amis timides (1-3) : 2. La confiance est la réponse du psalmiste (4-5) ; 3. La victoire — Dieu est juste (6-7).
En Dieu je me confie ; comment dites-vous à mon âme :
“ Fuis vers la montagne comme un oiseau, car voici que lés méchants bandent l’arc, ils ont ajusté leur flèche sur la corde pour tirer dans l’ombre sur le juste ;
Quand les colonnes de l’ordre sont renversées, Que peut faire le juste ? “
Mais le Seigneur siège toujours dans son saint temple, son trône est toujours ferme dans le ciel.
Ses yeux regardent vers le pauvre, ses paupières sondent les enfants des hommes ;
Le Seigneur sonde le juste comme le méchant, mais celui qui aime l’iniquité, il le hait.
II fait pleuvoir sur les méchants des lacets, leur sort est le feu, le soufre, un vent brûlant.
Car Dieu est juste, il aime la justice, son visage considère ceux qui sont droits.