MERCREDI DE LA QUATRIÈME SEMAINE DE CARÊME

Station à Saint Paul
     
Trois trésors de l’Église.
     
Le Christ donne aux catéchumènes et aux fidèles l’“ illumination “, il leur ouvre les oreilles. C’est la tradition du Notre-Père, de la profession de foi et des quatre évangiles.
     
Nous chantons, au lever et au coucher du soleil, les antiennes suivantes :
“ Maître, quelle faute a commise cet homme pour qu’il soit né aveugle ? “ Jésus répondit: “ Ni lui, ni ses parents n’ont péché ; mais les œuvres de Dieu doivent se manifester en lui “ (Ant. Bened.). “ Cet homme, qui s’appelle Jésus, a fait de la boue avec sa salive et il en a frotté mes yeux et maintenant je vois” (Ant. Magn.).
Nous nous considérons, aujourd’hui, comme des aveugles et des mendiants que le Christ “ illumine ”.
     
Cette journée était très importante dans la vie de l’Église ancienne. C’était le plus important scrutin, le troisième, “ pour l’ouverture des oreilles “. Les catéchumènes ont aujourd’hui l’ouïe spirituelle ouverte. Ils reçoivent les joyaux précieux de l’Église : la profession de foi, le Notre-Père, les quatre évangiles. Sous la figure de l’illumination de l’aveugle, ils reçoivent un avant-goût de la grâce pascale.
    
1. La station. — L’importance de la journée se manifeste déjà dans l’église de station. On conduit aujourd’hui les catéchumènes vers leur père spirituel, l’Apôtre des nations, Saint-Paul, qui, dans sa conversion sur le chemin de Damas, est le symbole des catéchumènes. La basilique de Saint Paul compte parmi les sanctuaires les plus vénérables de Rome. Cette église a été construite sur le tombeau de l’Apôtre. L’empereur Constantin fit construire, au-dessus de la tombe, une petite église ; en 386, on construisit, à la place de cette petite église, une grande basilique richement ornée. C’était une des plus grandes parmi les antiques basiliques chrétiennes de Rome : elle avait six nefs et un imposant transept. Les nefs étaient séparées par quatre rangs de colonnes. C’étaient les plus belles et les plus grandes colonnes léguées par l’antiquité romaine. C’est de l’époque de Léon 1er (440-461), qui restaura l’église, que date la grande mosaïque de l’arc de triomphe qui fut offerte par l’impératrice Galla Placida et qui subsiste encore aujourd’hui. On y voit le Christ avec les vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse ; dans les nuages, se trouvent les symboles des quatre évangélistes. — La grande mosaïque de l’abside fut exécutée entre 1216 et 1227 ; elle représente le Christ et les Apôtres ; elle aussi subsiste encore. Cette magnifique église fut la proie des flammes, en 1823. On ne put sauver que le frontispice, l’arc de triomphe et l’abside. Grâce à la générosité de quelques papes, elle fut restaurée sur le même plan. C’est, de nouveau, une des plus riches églises de Rome ; mais elle ne peut pas remplacer l’ancienne. Un coup d’œil sur la mosaïque de l’arc de triomphe nous reporte à l’époque florissante du catéchuménat.
     
2. La messe (Cum sanctificatus). — L’office de station d’aujourd’hui était entièrement consacré aux candidats au baptême. Il comprenait de nombreuses cérémonies, dont une partie est encore en usage dans l’administration du baptême. L’office commençait par l’appel nominal des élus, que faisaient les acolytes. Les hommes se plaçaient à droite, les femmes à gauche. Le prêtre leur mettait du sel bénit dans la bouche ; c’était le symbole de la divine sagesse qu’ils ne tarderaient pas à recevoir. Ensuite, ils quittaient l’église et attendaient à la porte jusqu’à ce qu’on les appelât. Pendant ce temps commençait la messe, une des plus belles du Carême. Le chœur chante l’Introït. Le Christ lui-même s’avance devant les catéchumènes : “ Quand j’aurai été sanctifié (c’est-à-dire glorifié) parmi vous, je vous rassemblerai de tous les pays (des païens) et je verserai sur vous de l’eau pure et je vous purifierai de tous les péchés et je vous donnerai un esprit nouveau “ (promesse du Baptême et de la Confirmation). Le psaume 33 est la réponse des catéchumènes. C’est l’action de grâces pour la délivrance. L’évêque récite une oraison pour les catéchumènes : “ Fais, nous t’en prions, Seigneur, que nos élus s’approchent dignement et sagement de la confession de ta gloire, afin que, par ta majesté, ils puissent être rétablis dans la dignité primitive qu’ils ont perdue par le péché originel. ” Ensuite, les catéchumènes sont rappelés et se placent en ordre. Sur l’invitation du diacre, ils s’agenouillent et se relèvent. Ensuite, les parrains sont invités à tracer une croix sur le front des futurs baptisés et les acolytes leur imposent les mains. Cette cérémonie se renouvelle trois fois. Puis, on continue la messe. On lit deux leçons (c’est un signe de l’antiquité de la messe). Ire Leçon :Ézéchiel promet aux Juifs le retour dans la terre promise et le pardon de Dieu. Cela s’applique aux catéchumènes, mais aussi à nous. Nous devons recevoir un nouveau cœur et un nouvel esprit. Pâques est l’accomplissement de cette promesse. 1er Graduel. Notre Mère l’Église nous invite : “ Venez et écoutez-moi, mes enfants, laissez-vous éclairer. ” 2e Leçon : “ Lavez-vous et vous serez purs... quand vos péchés seraient comme l’écarlate et la pourpre, ils seront blancs comme la neige et la laine...) Le 2e Graduel est un écho de la leçon : “ Heureux le peuple que Dieu a choisi comme héritage. ”) Avant le chant de l’Évangile, quatre diacres sont sortis du secretarium (sacristie) avec quatre livres des évangiles, accompagnés de porte-chandeliers et de thuriféraires et se sont placés aux quatre coins de l’autel. Pendant ce temps, la Schola chante : “ Par la voix du Seigneur, les cieux ont été affermis ”, ce qui s’applique à l’ouverture de l’Évangile qui va suivre. L’évêque adresse alors aux catéchumènes une exhortation, dans laquelle il explique le but, le contenu et le nombre des évangiles. Ensuite, le diacre annonce le début de l’évangile de saint Mathieu ; puis, l’évêque explique le symbole de cet évangéliste. On fait la même chose pour chaque évangéliste. La cérémonie s’appelait “ ouverture des oreilles ” et comportait les mêmes rites que ceux que nous trouvons aujourd’hui dans les cérémonies du baptême : le prêtre touche les oreilles du futur baptisé et dit : “ Ephpheta ”, c’est-à-dire “ ouvre-toi. ” Cela signifie que désormais les sens spirituels s’ouvrent pour entendre la parole de Dieu. On récite, ensuite, l’Évangile de la messe qui traite de la guérison de l’aveugle-né. Comme cet Évangile s’adapte bien à la cérémonie précédente ! L’aveugle-né est le symbole du catéchumène qui reçoit, par le baptême, la lumière céleste et, en même temps, doit entrer dans le combat contre les ténèbres (martyre). Les catéchumènes tombent, avec l’aveugle guéri, aux pieds du Seigneur et récitent le Credo joyeux et reconnaissant. Immédiatement après la lecture de l’Évangile, a lieu l’annonce de la profession de foi et du Notre-Père. L’acolyte pose la main sur la tête du catéchumène, tout en chantant, d’abord en grec puis en latin, la profession de foi. Ensuite l’évêque, dans une exhortation, explique, ce “ résumé de notre foi. ” Aussitôt après, on communique aux catéchumènes le Notre-Père, en faisant suivre chaque demande d’une courte explication ; enfin, les catéchumènes sont congédiés. — Après le renvoi des catéchumènes, on célèbre la messe proprement dite. Les fidèles chantent, à l’Offertoire, un cantique d’action de grâces pour leur Rédemption. Le bonheur qui vient d’être promis aux catéchumènes, ils l’ont déjà reçu. Le psaume 65 est un chant pascal. Dans l’antiquité, on y ajoutait même l’Alleluia. Le Christ, dans le sacrifice, est lumière et vie ; voilà ce que les fidèles confessent avec reconnaissance.
     
3. Et nous ? — La journée d’aujourd’hui présente, à l’âme qui veut faire revivre la grâce du baptême, aliment et lumière. Nous accompagnons, en esprit, les catéchumènes d’il y a environ 1500 ans. Nous entrons dans la basilique de Saint-Paul : il est. notre père spirituel à nous aussi ; presque tous les dimanches, sa voix nous exhorte et nous instruit. Renouvelons sur son tombeau la grâce de notre baptême. Le sens de ce renouvellement nous est expliqué dans les lectures : “ Je mettrai en vous un nouveau cœur et un nouvel esprit. J’enlèverai de votre poitrine votre cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. ” “ J’allai, je me lavai et maintenant je vois. ” Il s’agit donc d’une nouvelle vie et d’une nouvelle créature. — Nous recevons aujourd’hui, de la main de l’Église, trois cadeaux précieux : l’Évangile, la profession de foi et le Notre-Père. Baisons le livre des évangiles. L’Évangile remplace pour nous le Christ ; dans l’Évangile, la liturgie voit et honore le Christ. Selon l’esprit de la liturgie, nous devons vivre de la vie du Seigneur. Sur la terre, le Christ a vécu pour nous aussi ; ce qu’il fit alors aux malades, ce qu’il leur dit, il le fait et il le dit pour nous. Quel prix n’a pas l’Évangile ! Il nous manifeste les sentiments, les actions et les paroles du Christ. Chaque parole de la profession de foi a été scellée du sang des martyrs. Au Moyen Age, on la récitait aux mourants. Le Notre-Père est la seule prière que nous ait enseignée le Seigneur. Récitons-le avec respect. Il occupe la plus belle place à la messe ; dans l’antiquité, on le considérait comme un sacrement.
     
4. Psaume 20 — Chant d’action de grâces pour la victoire. — Aujourd’hui, non plus, il n’est pas possible de remarquer, dans le missel, que ce psaume était chanté pendant la communion. Le psaume 19 et le psaume 20 forment un tout : le premier est une prière avant le combat, le second est une action de grâces pour la victoire.
      
Division : Deux strophes :
      
1. Prière d’action de grâces pour la victoire du roi (3e personne). Dieu a exaucé sa prière, 2-3 ; un long et glorieux règne est réservé, 4-7. Invocation : Qu’il en soit ainsi !
     
2. Souhaits sous la forme d’une promesse prophétique (28 personne). Le roi sera victorieux de tous ses ennemis, 8-13. Invocation (on revient au début) : Qu’il en soit ainsi !
Seigneur, le roi se réjouit de ta force, et ton secours le remplit d’allégresse.
Tu lui as donné ce que son cœur désirait, tu n’as pas refusé ce que demandaient ses lèvres.
Tu l’as prévenu de bénédictions abondantes, tu as mis sur sa tête une couronne ornée de pierres précieuses.
Il te demandait la vie et tu la lui as donnée, tu lui as donné de longs jours à jamais et à perpétuité.
Sa gloire est grande, ,grâce à ton secours, tu mets sur lui splendeur et magnificence.
Tu l’as rendu à jamais un objet de bénédictions, tu l’as réjoui de ton regard favorable.
Oui, le roi se confie dans le Seigneur, et le Très-Haut ne le laisse pas chanceler, ta main atteindra tous les ennemis, ta droite anéantira tous ceux qui te haïssent.
Tu les rendras comme une fournaise ardente au jour de ton courroux ; dans ta colère, tu les détruiras, Seigneur.
Tu feras disparaître de la terre leur postérité et leur race d’entre les enfants des hommes.
Ils ont préparé pour toi la ruine, ils ont conçu des desseins pervers, mais ils seront impuissants.
Car tu les mettras en fuite et de tes traits tu les viseras au visage.
Lève-toi, Seigneur, dans ta force,
Nous voulons chanter et célébrer ta puissance.
Il est facile de faire l’application du psaume. Pour nous, le Christ est vainqueur ; sous sa direction et en lui, nous remportons, nous aussi, la victoire. Avec quelle joie les fidèles devaient chanter ce psaume, aujourd’hui, dans l’attente de la victoire spirituelle des catéchumènes !