MARDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CARÊME

Station à Sainte Pudentienne
     
Le Christ en nous — le miracle de l’huile.
     
L’Église, dont la veuve est la figure, verse dans notre cœur l’huile de la doctrine et de la grâce, afin que nous soyons délivrés de notre créancier (le diable).
Les deux antiennes du commencement et de la fin du jour chantent la bénédiction de la vie de communauté : “ Quand deux d’entre vous sont d’accord sur la terre, quel que soit l’objet de leur prière, cela leur sera accordé par mon Père des cieux “, dit le Seigneur (Ant. Bened.).
“ Quand deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux “, dit le Seigneur (Ant. Magn.).
Il est caractéristique de voir que, parmi les nombreux enseignements de l’Évangile d’aujourd’hui, l’Église choisit précisément, pour ses deux chants directeurs, ceux qui ont trait à la communauté. L’Église aime la communauté.
     
1. Station. — A Sainte-Pudentienne. On lit dans le martyrologe du 19 mai : “ A Rome, la sainte vierge Pudentienne ; elle eut à subir de nombreuses épreuves ; elle avait donné une sépulture honorable à un grand nombre de saints martyrs ; elle avait, par amour du Christ, distribué tous ses biens aux pauvres ; aussi elle monta de la terre au ciel. “ L’église, dans laquelle nous nous rendons aujourd’hui, est une des plus anciennes églises titulaires ; elle doit remonter jusqu’au Ille siècle. A la fin du IVe siècle, on érigea une basilique dont les éléments architecturaux subsistent encore. La mosaïque qui se trouve au fond de l’abside est de cette époque (sous le pape Innocent I, 401-417) ; c’est la plus belle et la plus artistique des antiques mosaïques chrétiennes qu’on puisse encore trouver à Rome. Au milieu, le Sauveur glorifié est assis sur un trône royal orné ; dans la main gauche, il tient un livre ouvert sur lequel on peut lire ces paroles : Dominus conservator Ecclesiae Pudentianae. A sa droite et à sa gauche, on voit le collège des douze Apôtres, avec saint Pierre et saint Paul à leur tête. Derrière les Apôtres assis, se tient debout, de chaque côté, une femme, la tête recouverte d’un long voile ; ces deux femmes tiennent, à la main droite, une guirlande qu’elles présentent au Sauveur. Ce sont les deux saintes vierges Pudentienne et Praxède, dont le culte fut, de bonne heure, rattaché à l’église titulaire. Au-dessus, à l’arcade, derrière le Christ, s’élève une grande croix, accompagnée des symboles des quatre évangélistes. L’arrière-plan représente une ville. Au-dessous de l’image du Sauveur, se trouvait celle de l’Agneau de Dieu. Au-dessus de cet Agneau, planait la colombe du Saint-Esprit, le bec orné de rayons qui tombaient sur la tête de l’Agneau. C’est devant ce magnifique tableau que, pendant des siècles, les chrétiens de Rome célébrèrent l’office de station d’aujourd’hui. — Le formulaire de la messe a été fortement influencé par les pensées de la station. L’église qui, précédemment, portait le nom de “ titulus Pastoris “, passait pour la première résidence de saint Pierre, d’où l’Évangile du pouvoir de lier et de délier accordé aux Apôtres et de l’élection de saint Pierre. La sainte de station, sainte Pudentienne, perdit de bonne heure ses parents et mena une vie de prière et de charité. D’après la légende, le pape saint Pie Ier célébra pendant longtemps le Saint-Sacrifice dans sa maison et Pudentienne subvint à tous ses besoins. Élisée, qui demeure chez la veuve, est l’image du pape qui, par le Saint-Sacrifice, multiplie, dans les “ vases “) des âmes chrétiennes, l’huile de la grâce.
     
2. La messe (Ego clamavi). — La messe de Carême s’adresse aux pénitents et aux fidèles et est d’un caractère surtout didactique. Comme des orphelins qui cherchent secours, nous entrons dans le sanctuaire (Intr.). Tout le psaume 16 nous montre le chemin du Carême à la joie pascale. La leçon nous enseigne, dans l’image du récit de l’Ancien Testament, l’abondance du fleuve qui découle de la Croix du Christ ; nous n’avons qu’à le recueillir. Dans le miracle de l’huile, l’Église veut nous représenter la bénédiction de notre travail de Carême. La veuve est l’Église. Devenue veuve depuis le départ de l’Époux, elle est persécutée sur la terre ; ses enfants sont tombés dans la captivité où les retient le créancier ; maintenant, pendant le Carême, elle implore pour eux le secours contre le créancier (le diable). Le Christ nous aide. La provision d’huile est notre travail de Carême, Ce travail nous apporte mérite et récompense (Préface de Carême : “ Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices, tu confères vertu et récompense “). Le Graduel est un écho de la leçon : “ Puissé-je être purifié de mes dettes secrètes et étrangères ! “ L’Évangile nous donne quatre véritables enseignements de Carême : la correction fraternelle, le pouvoir de lier et de délier de l’Église, les bienfaits de la communauté et, enfin, le pardon des injures. L’Offertoire est un écho de l’Évangile : “ Je bénis la main victorieuse et miséricordieuse de Dieu. “ C’est, en même temps, un thème pascal. Les fidèles demeurés dans l’église songent avec reconnaissance à la victoire de leur conversion. Le psaume 117 est un psaume de Résurrection. A la Communion, nous voyons déjà la montagne de Pâques, la tente de Pâques ; le Carême est une procession vers cette montagne.
      
3. Enseignements de Carême tirés de l’Évangile : 
 
a) La correction fraternelle. C’est là un précepte du Seigneur qui est bien peu observé. Ou bien nous ne pratiquons pas du tout la correction fraternelle, ou bien nous nous y prenons mal. Derrière le dos du prochain, nous nous entendons à merveille à dauber sur ses défauts, mais nous sommes le plus souvent trop lâches pour les lui faire remarquer à lui-même. D’autres fois, nous irritons le prochain en lui jetant inconsidérément ses défauts à la face. Ce serait, pourtant, un acte de charité de lui signaler aimablement ses défauts. La règle de Saint-Augustin dit : Si ton frère avait une blessure cachée, mais mortelle, et qu’il ne voudrait pas montrer au médecin par peur du bistouri, ne serait-ce pas un service d’ami de signaler ce fait ? Assurément, il faut beaucoup de tact et de douceur pour faire supporter la pilule amère de la correction. Mais soyons prêts à avaler cette pilule si quelqu’un nous révèle nos défauts ; nous apprendrons à mieux nous connaître. 
 
b) Le pouvoir de lier et de délier. “ Ceux à qui vous remettrez les péchés... “ Quel joyeux message pour nous tous qui passons le Carême comme pénitents ! Remercions Dieu d’avoir donné ce pouvoir à son Église. Le plus grand des maux est le péché. En quels termes saisissants, David, dans le psaume 31, décrit les tourments de la conscience ! “ Tant que je n’avouais pas mon péché, mes os se consumaient dans mon gémissement chaque jour ; car, jour et nuit, ta main s’appesantissait sur moi, je me retournais dans ma douleur et l’épine s’enfonçait davantage. “ De cette terrible souffrance de l’âme on se délivre par une bonne confession. Qui n’a pas déjà éprouvé ce bonheur ? Utilisons le pouvoir des clefs de l’Église pour le salut de notre âme. 
 
c) Bienfaits de la communauté. Le péché divise, le Christ unit. C’est pourquoi le Seigneur aime la communauté. Il a fondé l’Église, la “ communauté des saints ”. Dans notre Évangile, le Seigneur parle de la vie de communauté. A la “ communauté ” réunie en son nom, il promet sa propre présence. Il est donc présent dans toute union et association chrétiennes : mariage, amitié ; il demeure surtout dans la communauté paroissiale. C’est là que le Christ donne aux amis de la liturgie de nombreuses consolations et de nombreux encouragements. Que ne fera-t-il pas quand la communauté est rassemblée pour la plus parfaite prière commune, la messe, quand elle prie et sacrifie en commun ! Là, le Christ vit parmi nous, non seulement dans l’Eucharistie, mais encore comme chef du corps mystique. Développons donc en nous cet esprit de communauté dont le Christ parle ici. Ayons conscience des trésors de force qui se trouvent dans la vie de, communauté. d) Le pardon des injures. Une condition préalable pour le succès de notre travail de pénitence, c’est le pardon des injures. Ce pardon doit être inépuisable comme la mer : septante fois sept fois, c’est-à-dire toujours. Ne gardons pas de rancune, pardonnons complètement. Le Christ a ancré cette condition dans le Notre-Père : “ Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons. ”
       
La leçon, elle aussi, nous donne des pensées de Carême. Le miracle de l’huile opère réellement en nous. La veuve, la Sainte Église, verse l’huile dans notre cœur : ce sont les enseignements et les grâces de Carême. L’huile est le symbole du Christ, l’Oint. L’Église verse le Christ lui-même dans nos âmes. Saint Augustin dit : “ Réjouissons-nous et rendons grâces de ce que nous sommes devenus non seulement des chrétiens, mais le Christ lui-même. “ C’est là l’objet essentiel du Carême : pouvoir dire : “ Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. “ A la messe, l’Église verse en nous son divin Époux par la foi et le sacrement : c’est l’accomplissement du miracle de l’huile.
      
4. Psaume 14. — Le citoyen de Dieu. — C’est un chant simple, mais beau, que David composa pour le transfert de l’arche d’alliance à Sion.
 
Ordre des idées.
1. Question : Qui est le vrai serviteur de Dieu ? (v. 1). 2. Réponse :
a) générale : celui qui est sans tache et juste ;
b) particulière : qualités négatives : la langue, l’action, pas d’acception de personne, fuite du parjure, de l’usure, de la corruption, 3-4.
3. Conclusion : Louange ; 5 b.
Seigneur, qui habitera dans ta tente ?
Qui demeurera sur ta montagne sainte ? Celui qui marche dans l’innocence et fait ce qui est juste,
Celui qui dit la vérité dans son cœur, et ne calomnie pas avec la langue ;
Celui qui ne fait point de mal à son frère et ne jette point l’opprobre sur son prochain ;
Celui qui n’a que du mépris pour le réprouvé, mais honore ceux qui craignent le Seigneur ;
Celui qui fait un serment à son prochain sans le tromper, qui ne prête pas son argent à usure et n’accepte pas de présent contre l’innocent.
Celui qui agit ainsi ne chancellera jamais.