MARDI DE LA SEMAINE DE LA PASSION

Station à Saint-Cyriaque

Le divin Daniel dans la fosse aux lions. 

Les messes du mardi ont un caractère spécial et typique. La leçon nous indique d’ordinaire une action; l’Évangile est doctrinal et nous offre simplement l’explication de cette action et ses rapports avec le Christ. On s’occupe moins des catéchumènes que des fidèles. D’ordinaire, les saints de station sont des héros de la charité et de la miséricorde (diacres ou diaconesses). Ce sont eux qui sont représentés dans la leçon. C’est le cas pour la messe d’aujourd’hui ; seulement, le thème de la Passion est fortement accentué. 

Les antiennes directrices : “( Mon temps n’est pas encore arrivé ; votre temps est toujours prêt ” (Ant. Bened.). “ Quant. à vous, montez à cette fête ; pour moi, je n’y monte pas, car mon temps n’est pas encore arrivé ” (Ant. Magn.). C’est l’époque qui précède immédiatement la Passion. L’Église attache de l’importance à cette pensée que nous approchons de plus en plus du temps de la mort du Christ. 

1. L’église de station. — Saint Cyriaque. Le saint de station fut diacre et martyr (vers 300) : “ Après une longue et douloureuse captivité, il fut couvert de poix fondue et étendue sur le chevalet ; là, on lui désarticula les membres et on le frappa de verges sur tout le corps. Il fut enfin, sur l’ordre de Maximien, décapité avec vingt compagnons. Sa fête est célébrée le 8 août. ” Le saint soulagea dans leurs besoins temporels les prisonniers chrétiens et leur fournit de la nourriture et de la boisson. Il fut envoyé vers le roi de Perse, à Babylone, pour guérir sa fille. Ce sont peut-être ces circonstances qui ont fait choisir la leçon d’Habacuc et de Daniel. L’église primitive de station est depuis longtemps disparue et a déjà changé deux fois de place. Le pape Sixte-Quint transféra, en 1588, la cérémonie de la station dans l’église de Sainte Marie in Via Lata, une antique diaconie, dans laquelle on vénère maintenant le chef de Saint Cyriaque (Ce déplacement de l’église de station avec le maintien de l’ancien titre nous autorise à célébrer, nous aussi, l’office de station dans notre église paroissiale). 

2. La messe (Expecta). — L’Introït est une exhortation maternelle de l’Église qui nous invite à “persévérer” à “ attendre ”, pendant les quelques jours qui nous séparent de Pâques. De loin brille déjà la lumière de Pâques. Notre réponse est celle-ci : “ Je ne demande qu’une chose, c’est de pouvoir demeurer dans la maison de Dieu.” La leçon, en nous présentant Daniel dans la fosse aux lions, nous montre la figure du Christ souffrant ; peut-être pouvons-nous penser à son agonie au jardin des Oliviers, pendant laquelle un ange (Habacuc) le console ; peut-être les fidèles peuvent-ils penser à l’Eucharistie, qui nous réconforte pendant que nous sommes dans la fosse aux lions du Carême. En tout cas, de même que Daniel finit par triompher de ses ennemis, le Christ remporte la victoire dans sa Résurrection. L’image de Daniel dans la fosse aux lions était une image de prédilection dans les cimetières de l’ancienne Église. Daniel est représenté debout, entouré de deux lions. Il figurait le Christ dans sa Passion, mais aussi l’Église au milieu des persécutions. Au Graduel, le Christ implore la lumière de Pâques et nous l’implorons avec lui sur la montagne de Pâques. A l’Évangile, nous sommes, de nouveau, témoins des douleurs morales du Christ. Les Juifs veulent le faire mourir ; ses propres frères (ses cousins) ne le comprennent pas. C’est en cachette qu’il se rend à Jérusalem, qui sera pour lui une fosse aux lions. Aujourd’hui encore, sur l’autel, “ il ne se rend pas au jour de fête ouvertement, mais comme en cachette ”. L’Offertoire est comme une réponse de la pauvre âme qui veut maintenant profiter de la Passion du Seigneur qui “ est assis sur son trône ”. A la Communion, nous entendons encore le Christ souffrant. Remarquons l’oraison sur le peuple : “ Donne-nous, Seigneur, de suivre avec persévérance ta volonté, afin que, dans nos jours, le peuple qui te sert croisse en mérite et en nombre (l’Église croît intérieurement et extérieurement). Le psaume de la Communion est un psaume connu de l’Avent, le psaume 24 (C. t. 1er p. 63). 

3. L’aumône et la Passion. — L’Église nous propose aujourd’hui deux pensées : l’aumône et la Passion du Christ. a) Il est remarquable que toutes les messes du mardi, pendant le Carême, traitent de l’aumône et se célèbrent dans des églises de station dédiées à des saints (d’ordinaire des vierges) qui ont consacré leur vie aux œuvres de charité. C’est encore le cas aujourd’hui. Le saint de station est un diacre, c’est-à-dire un ministre sacré préposé par l’Église au soin des pauvres. Il a souvent visité les prisonniers chrétiens dans les cachots, dans les fosses aux lions — car c’est ainsi qu’on appelait les prisons. Il leur a procuré la nourriture spirituelle et temporelle. La liturgie de ce jour lui a élevé, dans la personne d’Habacuc (leçon), un monument voilé, mais durable. — Nous aussi, nous devons, en ce moment surtout, agir comme Habacuc ou Cyriaque, en portant secours aux âmes opprimées. Combien de chrétiens, soit du fait de leur entourage, soit par suite de la maladie ou de leur détresse spirituelle, vivent dans une fosse aux lions ! C’est une véritable aumône de consoler ces frères, de leur rendre courage et confiance. Agissons comme Habacuc. 

b) La seconde pensée est celle du Christ souffrant. La liturgie ne médite pas la Passion comme nous sommes habitués de le faire. Nous considérons volontiers les souffrances extérieures, la flagellation, le crucifiement ; la liturgie nous fait pénétrer dans l’âme douloureuse du Seigneur ; les répons sont des lamentations du Christ et les Evangiles, une phase de l’histoire de sa Passion. intérieure. De quoi se plaint-il aujourd’hui ? De ses ennemis qui ont fait de Jérusalem une fosse aux lions pour lui, et de ses frères qui ne le comprennent pas ; cela s’applique aussi au Christ mystique, l’Eglise — et nous, ses frères, souvent “ nous ne croyons pas en lui ”. Le but de ce temps de renouvellement, c’est que nous comprenions mieux le Seigneur. 

Un mot encore : Nous pouvons unir l’aumône et la Passion du Christ. La Passion du Christ ne se continue-t-elle pas dans les membres de son corps mystique ? Les pauvres, les malades, les affligés sont des membres souffrants du Christ. Le Christ accepte volontiers l’aumône spirituelle et temporelle, c’est une consolation dans sa Passion.