MARDI DE LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

Station à Sainte Balbine
     
Vous n’avez qu’un Père qui est dans le ciel, Vous n’avez qu’un docteur, le Christ, Vous êtes tous frères.
     
Aujourd’hui, nous célébrons une messe qui n’est ni une messe de catéchumènes, ni une messe de pénitents. Elle est d’un temps où le catéchuménat n’était plus une institution vivante et où la pénitence ne dominait pas : tout le Carême, du temps de la floraison de vie liturgique de communauté (Saint Grégoire le Grand, vers 600). Aussi la messe s’adresse à la communauté des fidèles qui veut se purifier et tendre à la perfection. Pour comprendre cette messe, je me représente une antique mosaïque romaine, dans l’abside : au milieu, on voit le Seigneur dans sa majesté, assis sur la cathèdre, tenant à la main un parchemin (“Vous n’avez qu’un docteur ”) ; au-dessus de lui, la main de Dieu (“ Vous n’avez qu’un Père “), au-dessous, un troupeau de brebis qui se hâtent vers le Bon Pasteur (“ Vous êtes tous frères ”). A côté du Seigneur, se tient la sainte de station, sainte Balbine, la vierge sage qui porte à la main sa lampe à huile. C’est, sans doute, cette représentation qui a déterminé le texte de la messe. L’église de station était, de fait, consacrée autrefois au divin Rédempteur, mais elle prit le nom de sa fondatrice, sainte Balbine. Deux thèmes circulent à travers cette messe : le thème de la vie du Christ et le thème de la station.
     
1. Le thème de la vie du Christ. — Les antiennes du lever et du coucher du soleil sont les suivantes : “ Vous n’avez qu’un docteur qui est dans le ciel, le Christ, le Seigneur ” (Ant. Benedictus). “ Quant à vous, vous êtes tous frères ; et n’appelez personne père sur la terre, car vous n’avez qu’un Père qui est dans le ciel ; ne vous faites pas appeler docteurs, car vous n’avez. qu’un docteur, le Christ ” (Ant. Magnificat). Dans ces deux antiennes, la liturgie a, en trois pensées, caractérisé toute la vie avec l’Église : Dieu notre Père, le Christ notre docteur, nous tous frères entre nous.
     
2. Le thème de la station. — Au sujet de la sainte de station, sainte Balbine, le martyrologe dit le 31 mars : “ A Rome, la sainte vierge Balbine ; elle était fille du saint martyr Quirinus et avait reçu le baptême des mains du pape Alexandre. Après sa mort, elle fut ensevelie sur la voie Appienne, à côté de son père. “ Certainement sainte Balbine fut une de ces vierges charitables de l’ancienne Église, qui consacraient toute leur vie au service du prochain. Peut-être était-ce une diaconesse qui visitait les martyrs dans leur prison, prenait soin de l’église et des prêtres, secourait les pauvres, soignait les malades. L’église de station est un très ancien sanctuaire ; c’est, à proprement parler, un antique atrium romain très bien conservé. Au-dessous du maître-autel, qui est isolé, on conserve, dans une urne antique, les cendres de sainte Balbine qui furent apportées dans cette église en même temps que les reliques de son père, saint Quirinus. C’est là que se rend, aujourd’hui, la famille chrétienne de l’Occident pour la célébration de la messe. L’Église a élevé un monument à la sainte de station dans la personne de la veuve de Sarepta.
      
3. La messe. (Tibi dixit). — L’Introït est un beau cantique d’entrée. Dans des sentiments de désir ardent, la procession des chrétiens s’approche du sanctuaire où rayonne la face du Seigneur. “Je cherche ton visage... (les fidèles), le Seigneur est ma lumière (les catéchumènes), ne détourne pas de moi ton visage (les pénitents). “ Le but de la recherche est Pâques. C’est ce que chante le psaume, en de beaux accents : “ Je ne demande qu’une chose au Seigneur : pouvoir demeurer dans la maison de Dieu tous les jours de ma vie, pouvoir goûter l’amabilité du Seigneur et visiter son sanctuaire. “ Avec quelle ardeur les pénitents et les catéchumènes devaient réciter cette prière ! La leçon n’est pas, aujourd’hui, un sermon de pénitence, mais une histoire édifiante qui nous présente une aimable figure de femme, la veuve de Sarepta. Cette veuve obéit à la première parole, sacrifie son amour maternel et partage son repas avec un étranger. C’est un exemple d’obéissance dans la foi. Cette histoire comporte un enseignement : L’aumône apporte la bénédiction ; notre vase d’huile et notre mesure de farine ne tariront jamais si nous ne laissons pas notre prochain dans le besoin. La leçon veut donc nous recommander l’aumône de Carême, mais aussi la miséricorde et l’amour du prochain. Le Graduel est un écho de la leçon : Dieu prend soin de toi ; n’aie pas de soucis anxieux, il te “ nourrira “ (cette nourriture s’entend dans un double sens, du pain temporel et du pain spirituel). L’Évangile n’a aucune relation avec la leçon. Le Seigneur se présente encore devant nous. Il est en lutte avec les ténèbres (thème de la Passion). Ce passage est tiré du grand discours de malédiction contre les Pharisiens. Après ce discours, le Christ quitte le temple pour ne jamais y rentrer. Dans ce discours, il nous présente deux images opposées : les Pharisiens et les disciples. Les Pharisiens disent et ne font pas ce qu’ils disent. Il en est tout autrement des disciples : ils doivent être des serviteurs. Le Christ est notre docteur ; Dieu est notre Père. Le chemin de la gloire est celui-ci : “ Celui qui s’abaisse... “ Le Christ nous précède dans la souffrance, l’humiliation, l’obéissance ; suivons-le, soyons ses disciples. Sous l’impression de la grave prédication du Seigneur, nous présenterons à l’autel, au moment de l’Offertoire, non pas une offrande, mais notre “ cœur contrit et humilié “. Il est rare de voir, à l’Offertoire, le thème de la pénitence (ps. 50) ressorti ! d’une manière aussi directe. A la Communion, nous chantons un cantique fervent d’action de grâces pour la victoire de la Rédemption et nous demandons à Dieu de “ garder toujours les commandements “. Comparons l’Introït et la Communion : ce que nous cherchons et implorons dans l’introït, est accompli dans la communion. Nous voyons maintenant la face du Christ Dans l’Oraison et la Postcommunion, nous demandons l’accomplissement des commandements du “ Docteur” Il y a aussi, dans la messe d’aujourd’hui, un encouragement et une joie pour les catéchumènes. Les plus beaux et les plus héroïques exemples de foi nous sont offerts par le monde païen : la veuve, la Chananéenne le centurion.
      
4. Le psaume 9. — Le Christ est vainqueur. Le psaume 9 réunit deux cantiques différents ; le premier est un cantique d’action de grâces et de victoire ; l’autre une lamentation et une prière. (Ces deux cantiques son souvent distingués dans la numérotation). La communion de notre messe indique que nous ne devon : envisager, ici, que la première partie :
Je te louerai, Seigneur, de tout mon cœur et j’annoncerai toutes tes merveilles.
Je me réjouirai et je tressaillirai en toi et je chanterai ton nom, Ô Très-Haut.
Tu as renversé mes ennemis, ils trébuchent et tombent devant ta face.
Tu as fait triompher mon droit et ma cause, et tu t’es assis sur le trône en juste juge.
Tu as châtié les nations, tu as fait périr l’impie, tu as effacé leur nom même pour tous les temps.
L’épée des ennemis est tombée pour toujours,
Tu as mis leurs villes en ruines et jusqu’à leur souvenir a disparu.
Mais Dieu siège à jamais, il a dressé son trône pour le jugement.
Il juge la terre avec justice, il dirige les peuples avec droiture.
Le Seigneur est un refuge pour les pauvres, il aide au temps de la détresse.
C’est pourquoi doivent espérer fermement en toi ceux qui connaissent ton nom, car tu n’abandonnes jamais ceux qui te cherchent, Seigneur.
Louez le Seigneur qui a son trône dans Sion,
Publiez parmi les peuples ses hauts faits.
Car lui, qui venge le sang versé, se souvient des pauvres, il n’oublie pas leur cri.
C’est pourquoi le Seigneur a eu pitié de moi, il a vu la détresse où m’ont réduit mes ennemis.
Il m’a retiré des portes de la mort, afin que je puisse annoncer ses louanges aux portes de Sion.
Je tressaille de joie à cause de ton salut : les nations sont tombées dans la fosse qu’elles ont creusée.
Le lacet qu’elles avaient placé en cachette a entouré leur propre pied.
Ainsi le Seigneur s’est manifesté comme juge ; dans l’œuvre de ses propres mains, s’est enlacé l’impie.
Tous les impies descendront aux enfers et tous les peuples qui oublient Dieu.
Car le malheureux n’est pas toujours oublié, ni l’espérance des pauvres éternellement déçue.
Lève-toi, Seigneur, que l’homme ne triomphe pas ! entre en jugement avec les peuples,
Etablis sur eux quelqu’un qui les dompte afin que les peuples sachent qu’ils sont des hommes.
Ordre des idées : 
Introduction : Action de grâces à Dieu, 2-3 ; raison : à cause de son secours :
1. Par le triomphe sur les ennemis, 4-7.
a) Dieu vainqueur, 4 ;
b) Dieu juge, 5,
c)Dieu exterminateur, 6-7 ;
2. Par la protection des siens, 8-11 ;
a) Dieu arbitre du droit, 8-9 ;
b) Dieu protecteur des petits, 10-11 ;
3. C’est pourquoi nous lui devons remerciement et louange, 12-15 ;
(le cri de ceux qui souffrent 14-15) ;
4. Châtiment des ennemis, 16-19 ;
Prière finale pour les païens, 20-21.
Application liturgique. — Dans notre prière chrétienne, nous séparons le psaume de ses circonstances historiques pour en faire une prière d’action de grâces, dans laquelle nous remercions Dieu des victoires remportées et du secours accordé dans son royaume. En somme, cette victoire historique n’est qu’une phase du grand combat et de la victoire de Dieu sur ses ennemis. Nous entendons donc le combat et la victoire dans le sens le plus large. Le champ de bataille est la vaste terre et, surtout, le cœur de tout homme. Ce combat durera jusqu’à la fin du monde. Le vainqueur est Jésus-Christ ; il remporte ses victoires dans le monde, dans l’Église, dans les âmes.