MARDI DE LA QUATRIÈME SEMAINE DE CAREME

Station à Saint Laurent in Damaso

Son heure n’était pas encore arrivée.

La pensée de la Passion s’accentue. Le Christ, dans la pleine conscience de sa divinité, prie, nouveau Moïse, pour le peuple infidèle et, pour lui, va à la mort.

Aujourd’hui, l’Église met le premier Répons dans la bouche du Sauveur souffrant :
“ Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité ? ” “ Si j’ai mal parlé, prouve-le ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? J’ai opéré beaucoup de bonnes œuvres devant vous. Pour laquelle de ces œuvres voulez-vous me faire mourir ?“ 
Nous chantons, au lever et au coucher du soleil, les antiennes suivantes :
“ Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité ? “ (Ant. Ben.).
“ Personne ne porta la main sur lui, car son heure n’était pas encore arrivée ” (Ant. Magn.).
Nous vivons, toute la journée, dans la Passion intérieure du Christ.

1. Station. — A Saint-Laurent in Damaso. Nous nous réunissons, aujourd’hui encore, dans une église du patron des catéchumènes, saint Laurent. L’Eglise de station fut construite par le pape saint Damase (366-384) ; dans le chœur, on peut lire son inscription de consécration : “ A toi, Christ, je dédie, moi Damase, cet édifice ; j’ai été protégé par le secours du martyr Laurent. “ — Le saint pape unit à cette église les archives de l’Église romaine, dont son père s’était occupé. De l’ancienne construction il ne reste rien ; à la place, on a élevé, un peu plus loin, une nouvelle église.

2. La messe (Exaudi Deus). — La messe, dans sa première partie, est entièrement pénétrée par le thème de la Passion ; dans la seconde partie, domine le thème joyeux de Pâques. Ce qu’il y a de remarquable ici, c’est que les chants psalmodiques de l’avant-messe sont mis dans la bouche des catéchumènes et des pénitents ; ceux du Saint-Sacrifice sont mis dans la bouche des fidèles (cela se produit souvent dans les messes de Carême, cf. le troisième dimanche de Carême). Les lectures de la messe sont consacrées au Patriarche de la semaine ; dans les deux lectures, il est question de Moïse. A l’Introït, nous entendons déjà les plaintes du Messie souffrant. La leçon est une scène saisissante : Le peuple juif est au pied du Sinaï ; Moïse reste quarante jours sur la montagne ; le peuple, las d’attendre, se fait un dieu, le veau d’or (le bœuf Apis), danse autour de lui et offre des sacrifices. Moïse descend de la montagne ; il brise les tables de la loi pour signifier que l’alliance avec Dieu est rompue. Dieu veut anéantir le peuple. Moïse prie pour son peuple et Dieu se laisse toucher par l’émouvante prière médiatrice de son serviteur. Moïse est ici la figure du Christ. L’humanité est vouée à la mort ; le Christ ne se contente pas de prier, il meurt pour elle. Dans chaque messe, il renouvelle sa prière médiatrice pour nous ; bien plus, il rend actuelle sa mort rédemptrice soufferte à notre place. L’Évangile nous met en présence d’une phase de l’histoire intérieure de la Passion du Seigneur. Nous sommes à la fête des Tabernacles (environ six mois avant la Passion). Quelques tableaux nous font connaître la situation à Jérusalem. Les pèlerins, répartis par groupes, parlent du Seigneur, mais à voix basse, par crainte des Juifs. Soudain il apparaît lui-même dans le temple et se met à prêcher. Dans les discours de combat, se manifestent la haine des Juifs (les ténèbres) et la divinité de Jésus (la lumière). Les Juifs, qui ont une formation dogmatique, comprennent ses témoignages sur sa divinité : “Je le connais, car je sors de lui et il m’a envoyé ” ; ils veulent le saisir, “ mais son heure n’était pas encore venue ” (thème pascal). L’Offrande et la Communion sont accompagnées de cantiques d’action de grâces pour la Rédemption et la proximité de Pâques.
      
3. Méditation de l’Église sur la Passion — L’Église veut aujourd’hui, semble-t-il, nous faire pénétrer dans la Passion intérieure du Christ. Ce n’est pas l’histoire extérieure de la Passion qui doit surtout nous occuper, comme dans l’exercice du chemin de la Croix ; nous devons plutôt regarder dans le Cœur du Seigneur, pour y rechercher les motifs qui l’ont déterminé à souffrir et les sentiments qui l’animaient pendant sa Passion. C’est surtout dans les sentiments du Christ souffrant qu’il faut entrer ; il faut entretenir en nous une véritable communion avec sa Passion. Ce sont là les sentiments du Christ mystique dans la tête et dans les membres.
     
La messe d’aujourd’hui nous aide à lire dans l’âme souffrante du Christ. Nous parcourons les quatre psaumes d’où sont tirés les chants psalmodiques et que, dans l’antiquité, on chantait presque toujours en entier. Le psaume 54 est devenu, pour l’Église, un psaume de Passion. Nous mettons ce psaume dans la bouche du Christ : “ Je suis attristé dans mon épreuve et je tremble devant les menaces de l’ennemi... Mon cœur tremble au dedans de moi et les terreurs de la mort fondent sur moi.. Le Christ pense à Judas, aux chrétiens pécheurs, il pense à chacun de nous : “ Si c’était un ennemi qui m’eût outragé, je l’aurais supporté ; si un adversaire s’élevait contre moi, je me cacherais devant lui. Mais toi, tu étais mon ami et mon confident, tu mangeais avec moi les doux aliments... “ — Le Christ voit la grande détresse des âmes ; il voit les dévastations dont elles sont l’objet ; il voit le péché, le monde et le diable s’acharner à leur perte et il récite le psaume 43 (Graduel) : “ Tu nous as livrés comme des brebis destinées à la boucherie,... tu as vendu ton peuple à vil prix... Tu nous rends la fable des nations et les peuples hochent la tête à notre sujet. “ Ce n’est là qu’un aspect des sentiments du Christ dans sa Passion, nous sommes dans le vestibule du sanctuaire (avant-messe). Dans le sanctuaire même, nous entendons des accents plus sublimes, nous récitons le psaume 39 à l’Offrande. Saint Paul appelle ce psaume la prière du matin du Christ à son entrée dans le monde, et la liturgie des matines du Vendredi-Saint en fait sa prière du soir sur la Croix. Dans ce psaume, le Christ a mis tous ses sentiments de Victime : “ Tu ne désires ni sacrifice ni oblation, mais tu m’as percé les oreilles (tu m’as donné une volonté obéissante). Tu n’as voulu ni holocauste, ni victime propitiatoire, alors j’ai dit : Voici que je vit ;ns — c’est de moi qu’il est écrit dans le Livre — pour faire ta volonté. Ô Dieu, je l’accomplis avec joie ; ta loi est les délices de mon cœur. “ Qu’il est beau, ce psaume, précisément au moment de l’Offrande ! Nous entrons alors dans le sacrifice du Christ, nous entrons aussi dans les sentiments de victime qui sont ceux du Seigneur ; bien plus, nous nous unissons à son offrande : notre sacrifice devient le sacrifice du Christ, notre offrande est consacrée au moment de la Transsubstantiation. Telle doit être notre voie : passer toute notre journée en union avec les sentiments du Christ dans sa Passion et son sacrifice ; faire de nos propres souffrances une partie du sacrifice du Christ. Enfin le psaume de communion, le psaume 19, est une prière sacerdotale du Seigneur, une prière avant le grand combat sur le Golgotha. — Ces quatre psaumes doivent nous exciter à étudier aussi, dans les autres psaumes, la vie intérieure et souffrante du Christ. Ce qui prouve que nous ne risquons pas de nous tromper en le faisant, c’est la parole du Christ : “ Il faut que soit accompli tout ce qui est écrit dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les psaumes, à mon sujet ” (Luc, XXIV, 44).
     
4. Le psaume 19 — Prière avant la bataille. — Le psaume est une prière patriotique avant la bataille. Le roi, avant de partir au combat, offre un sacrifice, les prêtres bénissent ses armes et implorent la victoire. Les soldats, dans leur confiance en Dieu, sont assurés de la victoire. — Il est facile de faire l’application du psaume. Notre Roi, c’est le Christ qui nous conduit aux combats de Dieu jusqu’à la fin des temps ; ce n’est pas nous qui sommes vainqueurs, c’est lui qui est vainqueur en nous. Et chaque jour, avant de partir au combat quotidien, nous récitons la prière avant la bataille : “ Père, je t’invoque ” et, avec notre Roi, nous offrons le sacrifice. Ensuite nous sommes assurés de la victoire, car nous ne combattons pas avec “ des chars et des chevaux ”, mais au nom de Jésus.
Que le Seigneur t’exauce au jour de la détresse, que le nom du Dieu de Jacob te protège.
Que du sanctuaire il t’envoie du secours, que de Sion il te soutienne.
Qu’il se souvienne de toutes tes oblations, et qu’il ait pour agréables tes holocaustes.
Qu’il t’accorde ce que ton cœur souhaite, qu’il accomplisse tous tes désirs.
Puissions-nous nous réjouir de ta victoire, et nous glorifier au nom de notre Dieu.
Que le Seigneur accomplisse tous tes vœux.
Déjà je sais que le Seigneur a sauvé son Oint, il l’exaucera, des cieux, sa sainte demeure :, et sa droite pleine de force se tient victorieuse à son côté.
D’autres se vantent de leurs chars et de leurs chevaux ;
Nous, nous invoquons le nom du Seigneur notre Dieu.
Eux, ils plient et ils tombent ; nous, nous nous relevons et nous tenons rennes.
Seigneur, sauve le roi
Et exauce-nous au jour où nous t’invoquons.