LUNDI DE LA SEMAINE DE LA PASSION

Station à Saint-Chrysogone
      
Croix et baptême.
     
Le Christ va à la mort, victime de la haine des Juifs, pour obtenir la pénitence aux Ninivites -les catéchumènes sortis du paganisme — et pour leur apporter l’“ eau vive” du baptême et de l’Eucharistie. Voici les antiennes directrices du jour : “ Au grand jour de la fête, Jésus se tenait debout et criait : Que celui qui a soif vienne à moi et boive ” (Ant. Bened.). N’oublions jamais que les paroles du Christ, dans la liturgie, sont non pas du passé, mais du présent : elles s’adressent à nous. “ Que celui qui a soif vienne à moi et boive ; de ses entrailles jailliront des sources d’eau vive, dit le Seigneur” (Ant. Magn.).
     
Avec l’ardent désir des catéchumènes, implorons la venue de la fête de Pâques.
     
1. La station. — C’est l’église titulaire de Saint-Chrysogone. Le martyrologe raconte de ce saint, le 24 novembre : “ La mort du saint martyr Chrysogone. Après avoir souffert longtemps, à cause de la confession constante de sa foi, les chaînes et les tourments de la prison, il fut, sur l’ordre de Dioclétien, traîné à Aquilée. Il y fut décapité et jeté dans la mer. C’est ainsi qu’il obtint la couronne du martyre. ” Il mourut vers 304. La maison de ce saint devint propriété de l’Église romaine et, au Ve siècle, on édifia une église sur son emplacement. Depuis, la basilique a été souvent restaurée.
     
2. La messe (Miserere mihi). — Dès l’Introït, nous nous unissons au Sauveur souffrant. Lui et nous, nous ne faisons qu’un, le Christ mystique. Les trois premiers chants sont des lamentations du Christ souffrant. Ceci est important pour nous faire comprendre comment nous devons vivre la Passion. Laissons le Christ souffrir, se plaindre, mourir, mais aussi ressusciter en nous. Telle est la fête pascale liturgique. “ Par lui et avec lui et en lui ”, nous célébrons la Passion et la Résurrection. “ L’homme m’a foulé aux pieds ” (Int.).
     
C’est une expression forte et imagée. Le Christ, la divine grappe de raisin, est foulée aux pieds dans le pressoir de la Passion et, de cette grappe, sort la boisson salutaire. Laissons-nous presser avec lui. Comparons le chant initial avec le chant final. Quel contraste ! “ Le Seigneur des armées est le Roi plein de majesté ” (Comm.). C’est la grande loi du christianisme : Par la souffrance à la gloire!
     
Dans la leçon, Jonas est la figure du Christ. Il se voue à la mort pour sauver ses compagnons ; il est le type du repos de trois jours dans le tombeau, et de la Résurrection. Les deux lectures se correspondent : Les Ninivites païens firent pénitence à la parole de Jonas ; les Juifs restent endurcis et veulent faire mourir le Christ. Les Juifs se demandaient si Jésus ne se rendrait pas chez les païens ; il s’y rend, en effet ; il appelle les païens. Les catéchumènes, qui se tiennent là, sortent du paganisme, ils ressemblent aux Ninivites : le Christ “ s’est rendu chez eux et les a instruits. ” Ils ont soif et répondent à l’invitation ; ils “ boivent de l’eau vive ” (Baptême) et “ reçoivent le Saint-Esprit” (les catéchumènes, dans la Confirmation ; les fidèles, dans l’Eucharistie). Les Ninivites, par leur conversion, méritent le nom de “ peuple de Dieu ” ; mais Israël, par son endurcissement, perd ses privilèges et cesse d’être le “ peuple de Dieu ”. L’image de Jonas et celle des Ninivites pénitents se trouvent fréquemment dans les catacombes et sur les sarcophages de l’ancienne Église. Le jeûne des Ninivites est la figure du Carême chrétien. — Nous allons au Saint-Sacrifice comme des Ninivites pénitents et, à l’Offrande, nous portons ces sentiments de pénitence à l’autel (d’où le psaume 6, qui est un psaume de pénitence). La Communion nous conduit au but : nous voyons le “ Roi plein de majesté ” dans sa Résurrection et son retour.
     
3. Ordinaire du temps de la Passion. — Parcourons aujourd’hui les textes communs de ce temps. A Laudes, nous entendons : “ Venez, mettons du bois dans son pain et supprimons-le de la terre des vivants et qu’on ne cite plus jamais son nom” (Jér. XI, 19). La mention du bois dans son pain fait allusion à la Croix et, en même temps, à l’Eucharistie. L’hymne (Lustra sex) chante, d’une manière saisissante, l’arbre de la Croix :
0 Croix fidèle et vénérable,
Arbre très noble et très sacré,
Nul arbre à toi n’est comparable Ni d’un si beau fruit n’est paré :
Doux sont tes clous, doux est ton bois,
Doux ton fardeau, très Sainte Croix.
Les versets communs qui, pendant le Carême, sont des paroles extraites du psaume 90, sont désormais des lamentations du Christ : “ Délivre-moi, Seigneur, de l’homme mauvais, et de l’homme inique délivre-moi. ”
Et maintenant, les antiennes des Heures du jour :
     
A Prime : “ Délivre-moi, Seigneur, et place-moi auprès de toi ; alors n’importe qui pourra lever la main pour me combattre. ” Comme c’est beau ! Nous passerons notre journée avec le Seigneur souffrant.
     
A Tierce : “ Tu as jugé, Seigneur, la cause de mon âme, toi, le défenseur de ma vie, Seigneur, mon Dieu. ” Telles sont les paroles du Christ souffrant, elles doivent être aussi les nôtres.
      
A Sexte : “ Mon peuple, que t’ai-je fait et en quoi t’ai-je constristé ? Réponds-moi. ” Quelle question impressionnante ! Nous voyons le Seigneur sur la Croix et c’est à nous qu’il adresse cette question.
     
A None : “ Rend-on le mal pour le bien, car ils ont creusé une fosse pour mon âme ? ” Le Seigneur se plaint de l’ingratitude des Juifs ; ne se plaint-il pas aussi de notre ingratitude ?
      
A Vêpres, nous chantons l’hymne : “ Les bannières du Roi s’avancent” et nous disons au verset : “ Délivre-moi, Seigneur, de l’homme méchant et de l’homme inique délivre-moi. ” L’homme méchant, c’est Judas, et les hommes impies sont les grands-prêtres ; au sens large, ce mot désigne le diable et ses instruments.
     
Telle est la voie à suivre pour donner, pendant la journée, une forme liturgique à nos méditations sur la Passion.
      
4. Psaume 23 — Le Roi de gloire. — C’est le psaume de la Communion. Il est d’une grande beauté et la liturgie l’utilise souvent.
Au Seigneur appartient la terre et tout ce qui la remplit, le monde et tous ceux qui l’habitent.
C’est lui qui l’a fondée sur l’eau, qui l’a affermie sur les fleuves.
Qui gravira la montagne du Seigneur, qui se tiendra dans son lieu saint ?
Celui qui a les mains innocentes et le cœur pur, qui ne livre pas son âme au mensonge, qui ne jure pas pour tromper son prochain.
Celui-là sera béni par le Seigneur, son salut est le Seigneur, il se tient auprès de lui dans la grâce.
Telle est la race de ceux qui cherchent le Seigneur, qui cherchent la face du Dieu de Jacob.
Portes, élevez vos linteaux, portes éternelles, élevez-vous et le Roi de gloire fera son entrée.
Qui est ce Roi de gloire ?
C’est le Seigneur fort et puissant, c’est le Seigneur puissant dans les combats.
Portes, élevez vos linteaux, portes éternelles élevez-vous et le Roi de gloire fera son entrée.
Quel est donc ce Roi de gloire ?
Le Seigneur des armées,
Voilà le Roi de gloire.
Ce psaume est un chant dramatique que David composa pour le transfert de l’arche d’alliance sur le mont Sion. L’entrée du Dieu d’alliance dans son sanctuaire fut un événement d’une grande importance, la matière d’une sublime poésie. Le chant nous transporte sur deux théâtres. Le premier est la procession solennelle. Le psalmiste se pose deux questions : Quel est celui qui s’avance ? Dieu, le Tout-Puissant. b) Que me faut-il pour assister à cette procession ? Des mains innocentes et un cœur pur. Le chant est très dramatique. Il s’engage un dialogue entre les gardiens des portes et ceux qui accompagnent l’arche d’alliance. C’est ce dialogue qui nous manifeste la grandeur de Dieu. On ouvre les portes de la forteresse en les remontant ; il faut que ces portes s’élèvent, elles sont trop petites pour l’hôte divin. — Faisons-en maintenant l’application à nous-mêmes. Ce qu’était l’arche d’alliance dans l’Ancien Testament, le Christ l’est pour nous. C’est lui qui entre dans la forteresse de l’Église, dans la forteresse du cœur, dans la forteresse du ciel. Tant que nous sommes sur la terre, nous suivons la procession divine et nous pouvons nous poser les deux mêmes questions que David.