LUNDI DE LA PREMIÈRE SEMAINE DE CARÊME

station à Saint Pierre ès Liens
      
Le Bon Pasteur dans le temps de Carême.
      
Au début de chaque nouvelle période, l’Église nous donne une messe du Bon Pasteur (Cf. le deuxième dimanche après Pâques, le mardi de la Pentecôte, le troisième dimanche après la Pentecôte). Dans chaque temps liturgique, le Christ se manifeste comme Bon Pasteur et il le fait toujours d’une manière différente. L’image du Bon Pasteur est une image qu’aimait l’Église primitive ; des murs des catacombes ou de la couronne d’abside des basiliques, elle s’inclinait doucement vers les fidèles.
     
1. Le catéchuménat. — L’office d’aujourd’hui est l’ouverture du cours d’instruction des catéchumènes (je comparerais volontiers cet office à la messe du Saint-Esprit, à la rentrée des classes). Les candidats au baptême paraissent, pour la première fois, devant le Seigneur. Quels grands yeux ils doivent ouvrir et comme ils doivent regarder l’image du Bon Pasteur qui les reçoit aujourd’hui dans sa bergerie ! Ils ne peuvent encore se dire ses brebis, mais, avec la timidité des esclaves, ils lèvent les yeux vers le Christ, leur protecteur (Introït et Graduel). Comme nous comprenons l’oraison quand elle demande : “ Convertis-nous et remplis notre cœur des enseignements célestes. “
     
Il faut remarquer aussi l’alternance dramatique des personnes qui parlent. A l’Introït, les catéchumènes parlent comme des esclaves ; dans la leçon, le Christ leur parle comme Pasteur : “ Je m’occuperai moi-même de mes brebis. “ Il les tire du paganisme et les conduit dans les grasses prairies d’Israël (de l’Église). Au Graduel, les catéchumènes parlent encore comme des esclaves, mais il semble qu’ils aient déjà moins de timidité. A l’Évangile, le Christ parle encore comme Pasteur. Plein d’amour, il invite ses brebis élues à entrer dans son royaume céleste sur la terre. “ Venez les bénis de mon Père. “ Même au Saint-Sacrifice proprement dit, où ne sont présents que les fidèles, le drame se continue. A l’Offertoire, ce sont les brebis qui parlent ; à la Communion, le Bon Pasteur les invite de nouveau. Célébrons donc la messe d’aujourd’hui avec des cœurs de catéchumènes.
      
2. La station. — A Saint-Pierre-les-liens. L’église, dans laquelle nous nous réunissons aujourd’hui en esprit, est un des 25 anciens titres qui furent fondés au quatrième siècle. Dans cette église, il y avait, dès la fin du IVe siècle, un sanctuaire spécial consacré au souvenir de la captivité de saint Pierre à Jérusalem ; depuis le Ve siècle, on y conserve une chaîne de fer avec laquelle saint Pierre avait été enchaîné. Le 1er août est le jour anniversaire de la consécration de cette église, d’où la fête de Saint Pierre-les-liens. L’église de station semble avoir influé sur le texte de la messe : Pierre est le premier vicaire du Bon Pasteur (Leçon et Évangile). On lit dans l’Évangile : “ J’étais en prison “, et l’oraison sur le peuple demande C( la délivrance des chaînes du péché “.
     
3. La messe (Sicut oculi) ; Introït. — Sous l’impression des chaînes de saint Pierre, les catéchumènes (et nous aussi) paraissent devant le Christ comme des esclaves enchaînés ; ils lèvent les yeux vers lui, pour qu’il étende la main pour le pardon, qu’il ait pitié d’eux et leur accorde la grâce du baptême (c’est un véritable Introït). Dans l’oraison, nous demandons la “ conversion “ — cette grâce est demandée pour les catéchumènes, les pénitents et les fidèles — : “ que le jeûne de quarante jours favorise notre progrès. “ La leçon et l’Évangile se correspondent parfaitement. Ces deux textes envisagent d’abord les catéchumènes, mais ils pensent aussi aux fidèles : le Bon Pasteur qui cherche ceux qui sont dispersés (Baptême), les conduit “ dans les grasses prairies sur les monts d’Israël (l’Église) et les nourrit” (Eucharistie). En même temps, le Bon Pasteur développe son programme de Carême : “ Ce qui était perdu, je le rechercherai ; ce qui était dispersé, je le ramènerai (catéchumènes) ; ce qui était brisé, je le panserai (les pénitents) ; ce qui était faible, je le fortifierai ; ce qui était fort, je le conserverai (les fidèles). Ces paroles contiennent tout le travail de renouvellement de l’Église dans le temps de Carême. Le Graduel — “ Notre protecteur, regarde vers nous” — se rattache très bien à la leçon. Le Bon Pasteur est vraiment le protecteur de ses brebis. L’Évangile nous montre l’image du Bon Pasteur au moment de la parousie. Nous en retirerons trois enseignements importants : 1. La charité envers le prochain est la mesure du jugement. Nous nous rappelons que l’Église, le dimanche de la Quinquagésime, nous a indiqué (Épître) la charité comme le but de notre travail de Carême. 2. Nous devons voir, en tout, le Christ. L’Église nous donne le Christ, l’autel est le Christ ; à l’Evangile, parle et paraît le Christ ; le prochain est le Christ. Ce n’est que lorsque nous aurons bien compris cela que nous pénétrerons le vrai sens de la liturgie. A l’Offertoire, nous réalisons la parole du Christ : nos dons aux pauvres sont reçus par le Christ. Aussi, regardons docilement vers le Christ pour comprendre ses commandements, et, tout d’abord, son commandement principal : la charité. La communion, elle aussi, est un de ces chants classiques que nous n’entendrons parfaitement que s’ils sont chantés pendant qu’on distribue la sainte Eucharistie.
     
4. Le psaume 3 — Confiance en Dieu. — Bien que, dans le missel actuel, le psaume III ne paraisse plus, il est cependant supposé dans toute son extension.
      
Ce psaume est attribué par la tradition au chantre royal, David. Nous ferons bien de nous rallier à l’opinion générale et d’admettre que ce chant doit son origine à la fuite du roi David devant son fils rebelle, Absalon. A la nouvelle du soulèvement, David s’enfuit, avec l’armée relativement peu nombreuse de ses fidèles, par delà le mont des Oliviers. Là, sur le mont des Oliviers, malgré le grand danger, il s’arrêta pour se reposer. Il se leva le lendemain avec un grand sang-froid. C’est à ce moment que ses pensées de la nuit durent prendre la forme d’un chant et ce chant c’est notre psaume 3. C’est un spectacle sublime de voir un homme, au moment où tout semble crouler devant lui, diriger, avec confiance et calme, ses pensées vers Dieu et trouver, dans cette méditation, la tranquillité de l’âme et la paix du cœur. Le chantre royal décrit magistralement ce qui se passe en lui. Les sentiments de son âme se développent graduellement. Chaque phase de ces sentiments s’explique dans une strophe. On peut, sans faire violence au psaume, le diviser en quatre strophes égales :
Seigneur, qu’ils sont nombreux ceux qui m’oppriment, quelle multitude s’est élevée contre moi !
Nombreux sont ceux qui disent à mon sujet :
“ Plus de salut pour lui auprès de son Dieu. “
   
Mais toi, Seigneur, tu es mon bouclier, tu es ma gloire et tu relèves ma tête.
A haute voix, je crie vers le Seigneur et déjà il m’exauce de sa sainte montagne.
 
Je me suis couché et me suis endormi et je me suis levé, car le Seigneur me protégeait ;
Je ne crains pas devant le peuple innombrable qui m’assiège de toute part.
 
Seigneur, lève-toi ; sauve-moi, mon Dieu, car tu as frappé tous ceux qui étaient injustement mes adversaires, tu brises les dents des méchants.
Au Seigneur, le salut ; que sur ton peuple soit ta bénédiction !
5. La prière des Heures. - Toute la journée, nous restons sous l’impression des pensées de l’Évangile. Le soleil levant nous montre aujourd’hui le juge éternel : “ Venez, les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé avant la constitution du monde “ (Ant. de Benedictus). Au coucher du soleil, nous entendons de nouveau la voix du souverain juge : “ Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait” (Ant. Magnificat). Chantons encore un chant de pénitence : 
“ Dans le jeûne et les larmes les prêtres prieront : Épargne, Seigneur, épargne ton peuple et n’abandonne pas ton héritage à la ruine. Entre le vestibule et l’autel les prêtres pleureront et diront : Epargne, Seigneur, épargne ton peuple et n’abandonne pas ton héritage à la ruine. ”