LES QUATRE-TEMPS

Le Roi revêt ses haillons
     
Nous entrons dans un nouveau stade de la préparation de Noël. On nous a dit d’abord : Le Roi vient, puis : Jérusalem s’apprête, ensuite : il est au milieu de vous. Aujourd’hui, l’Église nous montre le Fils de Dieu sous la forme humaine : le Roi revêt les haillons de l’humaine nature. Les messes des Quatre-Temps nous présentent les antécédents de la naissance et de l’avènement du Seigneur.
     
Comme introduction à ces solennités d’une antiquité vénérable, donnons ici un sermon de Quatre-Temps du pape saint Léon : “ Mes très chers, notre souci pastoral nous porte à vous prêcher conformément au temps et à l’usage liturgique. Nous célébrons le jeûne du dixième mois (décembre, comme son nom l’indique, était le dixième mois). Dans ce jeûne, nous offrons à Dieu, l’auteur de tous biens, après avoir achevé la récolte de tous les fruits, un digne sacrifice de tempérance. Car quelle œuvre peut être plus efficace que le jeûne, par lequel nous nous rapprochons de Dieu, nous résistons au démon, nous triomphons des vices séducteurs ? En effet, toujours le jeûne a été l’aliment de la vertu. La sobriété produit les pensées chastes, les résolutions raisonnables, les conseils salutaires. Par la mortification volontaire on meurt aux convoitises de la chair. L’esprit est renouvelé pour la pratique de la vertu. Mais comme nous ne pouvons pas faire notre salut par le jeûne seul, complétons-le par la miséricorde envers les pauvres. Donnons à la vertu ce que nous enlevons au plaisir. Que la privation de ceux qui jeûnent soit un soulagement pour les pauvres. Efforçons-nous de protéger les veuves, d’aider les orphelins, de réconcilier ceux qui sont en discorde, de recueillir les étrangers, de secourir les affligés, de vêtir ceux qui sont nus, de soigner les malades. Ainsi celui d’entre nous qui aura offert à Dieu, l’auteur de tous biens, le sacrifice de ses œuvres de charité comme un bon travailleur, méritera de recevoir comme salaire le royaume céleste. Ainsi donc, jeûnons mercredi, vendredi et samedi, veillons ensemble (célébrons l’office de nuit) auprès de l’Apôtre saint Pierre, afin que, par son intercession, nous puissions obtenir ce que nous demandons par Notre Seigneur Jésus-Christ qui avec le Père et le Saint-Esprit vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ”.
     
Les Quatre-Temps comptent parmi les usages les plus anciens de l’année liturgique et remontent aux tout premiers temps de l’Église romaine. Ils sont plus anciens que l’Avent et le pape saint Léon (vers 450) nous a laissé toute une série de beaux sermons de Quatre-Temps. C’était originairement une fête d’action de grâces pour les récoltes. Il n’yen avait que trois, après chacune des trois récoltes principales : le blé, le vin et l’huile — les plus importants symboles naturels de la liturgie. Les fidèles apportaient à l’Offrande la dîme de leurs récoltes, pour les besoins du Sacrifice, de l’Église et des pauvres — et ceci est un exemple pour nous. Néanmoins ces époques sont aussi des jours de renouvellement spirituel. L’homme, au milieu de ses occupations matérielles, oublie trop facilement ses intérêts éternels ; c’est pourquoi il est bon qu’à chaque saison il se rappelle la pensée de Dieu et fasse réflexion sur l’état de son âme. Si le carême est l’époque de la retraite spirituelle annuelle, les Quatre-Temps sont celle du renouvellement intérieur. Ce sont des semaines de sérieux, mais non de tristesse et de pénitence. Le jeûne est moins une manifestation de pénitence qu’une dîme joyeusement offerte à Dieu et qui doit nous inciter à l’aumône. Le sacrifice de la charité miséricordieuse doit être offert en même temps que celui du jeûne (saint Léon). En devenant jours d’ordination (le samedi), les Quatre-Temps ont revêtu un caractère particulier. Le samedi des Quatre-Temps de décembre était le principal jour d’ordination. (En ce jour les fidèles doivent prier spécialement pour obtenir de Dieu de bons prêtres). Cependant, dans la suite des temps, les Quatre-Temps ont été insérés dans la trame de l’année liturgique et chacune de ces semaines a pris une nuance particulière. Les Quatre-Temps de décembre signifient une préparation plus intense à la fête de Noël.
     
Les derniers grands préparatifs pour la venue du Christ se font pendant ces semaines, comme l’attente de Noël trouve sa plus haute expression dans les antiennes O.