Les Livres des Macchabées
Samedi soir : Au coucher
du soleil, l’Église récite ces paroles du deuxième livre des Macchabées :
“ Que le Seigneur entende vos prières, qu’il soit avec vous, qu’il ne vous
abandonne pas au moment difficile, le Seigneur notre Dieu ! ”
Dimanche (II Macch., III,
1-12) : Les successeurs d’Alexandre le Grand en Syrie n’avaient pas
manifesté tout d’abord d’intentions hostiles à l’égard des Juifs. Antiochus le
Grand (224-187 avant J.-C.) les avait traités avec douceur ; mais son fils
et successeur, Séleucus Philopator (1871 76) se laissa déjà entraîner à des
actes d’hostilité. Voici ce que nous lisons à ce propos :
La ville sainte se réjouissait d’une paix parfaite, et les
lois étaient encore exactement observées, grâce à la piété du grand prêtre
Onias et à sa sévérité contre toutes les formes du mal. Il n’était pas rare de
voir les rois étrangers eux-mêmes honorer les lieux du culte et manifester leur
sollicitude à l’égard du Temple par des dons magnifiques. Séleucus, roi d’Asie,
lui aussi, subvenait par ses revenus personnels aux dépenses nécessitées par le
service du culte. Mais un certain Simon, de la tribu de Benjamin, qui était
préposé à l’administration du Temple, entra en conflit avec le grand-prêtre à
cause de la violation de la loi dans la ville. Comme il ne parvenait pas à
l’emporter sur Onias, il s’adressa à Apollonius, fils de Thrasée, qui était
alors gouverneur de la Coelé-Syrie et de la Phénicie. Il lui fit savoir que les
salles du trésor de Jérusalem étaient remplies de richesses immenses, à tel
point qu’il était impossible d’en établir le compte. Elles n’étaient pas en
rapport avec les dépenses du culte ; mais il y aurait moyen de faire
passer tout cela dans le trésor royal. Au cours d’un entretien avec le roi
Séleucus, Apollonius lui fit connaître les trésors qu’on lui avait signalés.
Celui-ci choisit Héliodore, son ministre d’État, et l’envo)’a avec mission de
rapporter les dits trésors. Héliodore se mit en route sans tarder, sous
prétexte d’inspecter les villes de Coelé-Syrie et de Phénicie, mais en réalité
pour exécuter le plan du roi. A son arrivée à Jérusalem, il fut reçu
amicalement par le grand-prêtre de la ville ; puis il porta la
conversation sur les indications reçues et lui exposa le but de sa visite. Il
demanda si les choses étaient vraiment telles qu’on le lui avait dit. Le
grand-prêtre lui représenta qu’il s’agissait de dépôts faits par des veuves et
des orphelins ; une partie appartenait aussi à Hircan, descendant de
Tobie, homme très en vue ; ainsi la situation n’était pas telle que
l’impie Simon l’avait faussement représentée. En fait d’argent, il y avait en
tout quatre cents talents ; l’or se réduisait à deux cents talents. Sous
aucun prétexte il n’était possible de léser des gens qui s’étaient confiés à la
sainteté de ce lieu, à la majesté et à l’inviolabilité du Temple vénéré dans le
monde entier.
Lundi (II Macch., III,
23-35) : Mais Héliodore commença à exécuter son dessein. Déjà il était
avec sa garde sur les lieux, dans la salle du trésor, lorsque le Seigneur de
nos pères, le Souverain d’une infinie puissance, se manifesta avec force, de
sorte que tous ceux qui avaient osé se rassembler là furent épouvantés par la
puissance de Dieu et jetés dans une angoisse invincible. Un cheval leur
apparut, monté par un cavalier terrible et caparaçonné d’un harnais royal. Il
s’élança et agita ses pieds de devant dans la direction d’Héliodore ; le
cavalier qui le montait paraissait porter une armure d’or. En même temps, lui
apparurent deux jeunes gens pleins de force, à l’aspect splendide et
magnifiquement vêtus ; s’étant placés chacun d’un côté, ils le
flagellaient sans arrêt, lui portant un grand nombre de coups. Subitement,
l’obscurité se fit devant les yeux d’Héliodore et il tomba à terre. Ses gens le
ramassèrent, le mirent sur une litière et le portèrent dehors ; cet homme
qui venait d’entrer dans la salle dudit trésor avec une bande de coureurs et de
satellites, ils l’emportèrent sans qu’il fut capable de s’aider lui-même !
Ils reconnurent alors visiblement la puissance de Dieu ! C’est ainsi qu’il
était là, étendu, privé de la parole par la force divine, sans espérance de
salut. Mais les Juifs louaient Dieu qui avait, contre toute attente, glorifié
son saint lieu. Et le Temple, qui était, un instant auparavant, rempli
d’angoisse et de trouble, fut, après l’apparition de la toute-puissance divine,
plein de joie et d’allégresse. Sans tarder, quelques-uns des amis d’Héliodore
prièrent Ornas d’invoquer le Très-Haut afin qu’il accordât la vie à celui qui
déjà n’avait plus qu’un souffle. Le grand-prêtre, soupçonnant que le roi
pourrait croire qu’un attentat avait été commis par les Juifs contre Héliodore,
offrit un sacrifice pour la guérison de cet homme. Tandis que le grand-prêtre
offrait le sacrifice expiatoire, les mêmes jeunes gens apparurent encore à
Héliodore, revêtus des mêmes habits ; ils s’approchèrent de lui et lui
dirent : “ Adresse de grandes actions de grâces au grand-prêtre Onias, car
c’est par considération pour lui que le Seigneur t’accorde la vie. C’est le
Seigneur qui t’a châtié de la sorte ; annonce au monde entier la grande
puissance de Dieu. ” A ces mots, ils disparurent. Quant à Héliodore, il offrit
un sacrifice au Seigneur et fit de grands vœux à celui qui lui avait accordé la
vie ; ensuite, il remercia Onias et retourna avec ses troupes vers le roi.
Mardi (II Macch.,
V) : Sous le frère et successeur de Séleucus, le fier et cruel Antiochus
IV Épiphane (176-164 avant J.-C.), commença une ère de cruel martyre. Antiochus
fit les préparatifs de sa seconde expédition en Égypte. Pendant près de
quarante jours, on vit dans toute la ville des cavaliers portant des vêtements
d’or parcourir les airs. Leurs cohortes étaient armées de lances. Des escadrons
entiers, rangés en ordre de bataille, se rencontraient et luttaient les uns
contre les autres ; des boucliers s’agitaient ; d’innombrables lances
se dressaient ; des épées se dégainaient ; des traits volaient ;
des armures d’or et des cuirasses de toutes sortes étincelaient. C’est pourquoi
tous priaient pour que l’apparition fût un heureux présage. Mais un faux bruit
concernant la mort d’Antiochus s’étant répandu, Jason ne réunit pas moins d’un
millier d’hommes et fit une attaque brusquée contre la capitale. Les défenseurs
se concentrèrent sur les remparts, mais la ville finit par être prise tandis
que Ménélas se réfugiait dans la citadelle. Jason fit massacrer sans pitié ses
concitoyens, oubliant qu’une victoire remportée sur des compatriotes est la
pire des défaites. Il s’imagina conquérir des trophées sur des ennemis, et non
sur des gens de sa nation. Mais il ne put s’emparer du pouvoir. Après
l’insuccès piteux de son complot, il dut regagner en fugitif le pays des
Ammonites. A son malheureux retour, s’ajouta l’encerclement dont il fut victime
de la part du tyran d’Arabie, Arétas. Fuyant de ville en ville, traqué par
tous, haï comme transgresseur de la loi, exécré comme bourreau de sa patrie et
de ses concitoyens, il fut rejeté en Egypte. L’homme qui avait exilé tant de
personnes en terre étrangère en vint lui-même à périr sur la terre étrangère
après s’être rendu à Sparte pour y trouver protection à cause de la communauté
d’origine. C’est ainsi que l’homme qui avait laissé, gisants à terre sans
sépulture, tant d’autres hommes, ne fut regretté de personne ; il ignora
toujours la pieuse sépulture et l’ensevelissement dans le tombeau de ses
ancêtres.
Mercredi (II Macch., V) :
Lorsque le roi connut ces événements, il crut à un soulèvement en Judée. Il
quitta donc l’Egypte, furieux comme une bête féroce, et s’empara de la ville
par la force des armes. Il ordonna aux soldats de tuer sans pitié ceux qu’ils
rencontreraient et de massacrer aussi ceux qui se réfugieraient dans les
maisons. Ainsi furent tués des jeunes gens et des vieillards, mis à mort des
hommes, des femmes et des enfants, égorgés des jeunes filles et de petits
enfants. En trois jours, quatre-vingt mille hommes périrent, dont quarante mille
au fort de la mêlée ; beaucoup furent aussi vendus comme esclaves. Non
content de cela, il osa pénétrer dans le sanctuaire le plus saint de toute la
terre, guidé par Ménélas, traître envers les lois et la patrie. De ses mains
souillées de sang Ménélas s’empara des objets sacrés ; quant aux offrandes
que les autres rois avaient déposées en souvenir de la dédicace ou pour
rehausser la gloire et l’honneur du lieu, il les prit de sa main criminelle et
les envoya rejoindre le reste du butin. L’orgueil enflait le cœur
d’Antiochus ; c’est ce qui l’empêcha de voir que le Seigneur était irrité
pour peu de temps à cause des péchés des habitants et que c’était pour cela
qu’il avait permis la profanation de la ville sainte. Si Jérusalem n’avait pas
été coupable de péchés, il aurait vu lors de son incursion, son impudence
réprimée pour ainsi dire à coups de fouet, comme l’avait été celle d’Héliodore,
envoyé par le roi Séleucus pour faire l’expertise du trésor.
Jeudi (II Macch., VI,
1-11) : Peu de temps après, le roi envoya un vieillard pour obliger les
Juifs à abandonner la loi de leurs pères ; ils ne devaient plus régler
leur vie publique d’après la loi de Dieu, mais ils devraient profaner le Temple
de Jérusalem et le dédier à Jupiter Olympien, et celui du mont Garizim à
Jupiter Hospitalier, conformément au caractère hospitalier des habitants de la
région. Ces néfastes prétentions forent même pour la masse du peuple très
pénibles et insupportables, car les païens avaient rempli le sanctuaire de
débauches et d’orgies ; on y voyait des hommes dissolus avec des filles de
mauvaises mœurs ; des hommes avaient commerce avec des femmes dans les
parvis et, de plus, y introduisaient des objets défendus. L’autel des
sacrifices était couvert de choses que la loi interdisait. On ne pouvait plus
ni célébrer le sabbat, ni observer la loi de nos pères ; il n’était même
plus possible de confesser que l’on était juif. Par une amère contrainte, on
amenait les Juifs aux orgies qui se faisaient chaque mois au jour anniversaire
de la naissance du roi ; à la fête des Bacchanales, les Juifs étaient
obligés de prendre part, couronnés de lierre, au cortège organisé en l’honneur
de Bacchus. A l’instigation des Ptolémées, un décret fut aussi publié dans les
villes grecques du voisinage, ordonnant de prendre les mêmes mesures contre les
Juifs et de les amener à participer aux sacrifices païens ; ceux qui ne
consentiraient pas à se soumettre aux coutumes grecques devraient être mis à
mort. On put alors voir la désolation qui régnait en ces lieux, Deux femmes
furent amenées pour avoir fait circoncire leurs enfants ; ceux-ci furent
suspendus à la poitrine de leurs mères ; puis on promena publiquement ces
femmes dans la ville et on les précipita du haut des murailles. D’autres, qui
s’étaient réunis dans des cavernes voisines pour y célébrer en cachette le
sabbat, furent dénonces à Philippe et livrés aux flammes. Ils avaient renoncé à
se défendre par respect pour la sainteté du jour.
Vendredi (II Macch., VI,
18-31) : Un certain Eléazar, docteur de la loi des plus en vue, homme d’un
âge déjà avancé et d’un extérieur respectable, était contraint de manger de la
viande de porc, tandis qu’on lui maintenait la bouche ouverte. Mais il préféra
une mort glorieuse à une vie souillée et il marcha volontairement au supplice.
Il avait recraché la viande, comme il convient à quiconque s’interdit à tout
prix l’usage de ce qui n’est pas permis même pour sauver sa vie. Les hommes qui
étaient préposés au sacrifice impie connaissaient depuis longtemps Éléazar. Ils
le prirent à part et lui dirent de faire apporter de la viande qu’il pût manger
et de la préparer lui-même ; il se contenterait de faire semblant de
manger de la chair des victimes, conformément à l’ordre du roi, pour échapper,
de la sorte, au supplice ; ce serait là une manière pour eux de répondre à
la vieille amitié qu’il leur avait témoignée. Mais il prit un parti digne de
toute sa vie et de son grand âge, digne de l’honneur que lui valaient ses
cheveux gris et de la conduite irréprochable qu’il avait menée depuis sa
jeunesse, entendant encore plus demeurer fidèle à la loi sainte établie par
Dieu. Il répondit donc sans hésiter qu’on l’envoyât immédiatement au séjour des
morts. “ A notre âge, la feinte ne convient pas, de peur que nombre de
jeunes gens ne viennent à croire qu’Éléazar a embrassé, à quatre-vingt-dix ans,
le paganisme. Ma dissimulation et mon attachement à une vie courte et
périssable contribueraient à les égarer, tandis que je n’attirerais sur ma
vieillesse que mépris et honte. Quand j’échapperais pour le moment à un
châtiment des hommes, je n’éviterais, ni en cette vie, ni après la mort, les
mains du Tout-Puissant. C’est pourquoi, si je quitte maintenant la vie par un
acte de courage, je me montrerai digne de ma vieillesse et je laisserai aux
jeunes un noble exemple de belle mort subie avec courage et fermeté pour les
vénérables et saintes lois. ” Ayant ainsi parlé, il marcha aussitôt vers
l’instrument de supplice. Alors la douceur que lui avaient témoignée les
bourreaux qui le conduisaient se changea en cruauté, car, à leur avis, les
paroles que nous avons rapportées constituaient une impudence. Lorsqu’il fut
sur le point de mourir sous les coups, il poussa un soupir et dit : “ Le
Seigneur, dans sa science sainte, voit que mon corps endure sous les coups de
fouets de cruelles souffrances, alors que j’aurais pu échapper à la mort ;
mais je les accepte volontiers dans mon cœur, parce que je le crains. ” C’est
ainsi qu’il quitta la vie. Il laissa par sa mort, non seulement aux jeunes,
mais à la plupart de ses compatriotes, un exemple de courage et un mémorial
d’héroïsme.
Samedi (II Macch.,XIV) :
Razis, un des anciens de Jérusalem, fut dénoncé à Nicanor. C’était un homme de
bonne renommée et aimé de ses concitoyens ; sa bienfaisance l’avait fait
surnommer le père des Juifs. Au temps des anciens troubles, il avait pris fait
et cause pour une séparation nette des Juifs et des païens et avait exposé de
toutes ses forces son corps et sa vie pour le judaïsme. Voulant donner une
preuve de son hostilité contre les Juifs, Nicanor envoya plus de cinq cents
soldats pour le saisir. Il ne doutait pas que, par son arrestation, il leur
porterait un coup très dur. La troupe voulait donc s’emparer de sa
maison ; elle cherchait déjà à détruire les portes et y mettait le feu pour
brûler les vantaux ; alors, pressé de tous côtés, il se plongea une épée
dans le corps, car il préférait mourir noblement plutôt que de tomber aux mains
des impies et de subir des outrages indignes de sa propre noblesse. Mais, dans
sa hâte et son émotion, il avait mal dirigé le coup. Voyant alors les soldats
se ruer par les portes, il s’élança avec intrépidité sur la muraille et se
précipita héroïquement sur eux du haut des remparts.