Le Livre de Tobie
Samedi soir : Au coucher
du soleil, l’Église nous prépare aux lectures d’Écriture de la semaine
suivante, au livre de Tobie, et nous récitons en union d’esprit avec
Tobie : “ Ne te souviens pas, Seigneur, de mes péchés, ni des péchés de
mes parents, et ne tire pas vengeance de mes fautes. ”
Dimanche (Tobie, 1) :
Pendant cette semaine, l’Église nous fait lire le gracieux livre de
Tobie ; il est très édifiant et très instructif pour tous les états.
Parmi les Israélites qui furent emmenés, au nombre de 722,
en captivité en Assyrie, il y avait aussi des hommes pieux. Pour ceux-ci, la
captivité n’était pas une punition, mais une épreuve qui devait servir à leur affermissement
dans la vertu et à l’édification des générations contemporaines et
postérieures. L’un d’eux était Tobie. Tobie fut emmené de Thisbé, ville de
Galilée, comme prisonnier de guerre, au temps de Salmanasar, roi d’Assyrie. Il
marcha, pendant tous les jours de sa vie, dans le chemin de la vérité et de la
justice ; aussi donna-t-il beaucoup d’aumônes à ses frères et au peuple
qui avait dû partir avec lui à Ninive, au pays des Assyriens. Lorsqu’ils furent
donc arrivés en captivité à Ninive, tous ses frères, même ceux de sa tribu,
mangeaient des mets des païens. Mais lui se gardait bien d’en manger, car les
pensées de son âme étaient tout à Dieu. Alors, le Très-Haut lui concilia les
bonnes grâces et la faveur de Salmanasar ; il devint son fournisseur. Il
se rendit chez les Mèdes et remit à Gabélus, de Ragès, ville de Médie, une
somme de dix talents d’argent. Après la mort de Salmanasar, son fils,
Sennachérib, devint roi à sa place ; mais les routes devinrent si peu
sûres que Tobie ne put plus retourner chez les Mèdes. Pendant le règne de
Sennachérib, il continua de faire de nombreuses aumônes à ses frères ; il
donnait du pain aux affamés et des vêtements à ceux qui étaient nus. Quand il
voyait un mort de sa race que l’on avait jeté derrière les murs de Ninive,
alors il l’enterrait. Quand, après être revenu en fugitif de Judée, le roi
Sennachérib faisait mettre à mort quelqu’un, Tobie l’enterrait en cachette.
Dans sa fureur, le roi en fit périr un grand nombre. Mais quand, par ordre du
roi, on cherchait les cadavres, on ne les trouvait pas. Alors, un habitant de
Ninive vint déclarer au roi que c’était Tobie qui les enterrait. A la suite de
cette dénonciation, celui-ci dut se cacher. Tous ses biens furent pillés ;
il ne lui resta plus rien que sa femme Anne et son fils Tobie. Mais cinquante
jours ne s’étaient pas écoulés que le roi fut tué par ses deux fils ;
après quoi, ils s’enfuirent sur le mont Ararat. Ce fut son fils Asarhaddon qui
lui succéda. Il plaça le neveu de Tobie, Achiacharus, à la tête des finances et
de toute l’administration du royaume. Achiacharus s’employa pour Tobie et
celui-ci revint à Ninive.
Lundi (Tobie, II) :
Lorsque Tobie fut rentré dans sa maison et que sa femme Anne et son fils Tobie
lui eurent été rendus, un magnifique repas lui fut donné, le jour de la
Pentecôte, et il se mit à table pour manger. Mais, voyant la quantité de mets,
il dit à son fils : Il Sors, et, si tu trouves un de nos frères qui soit
dans la nécessité et craignant Dieu, amène-le ; va, je t’attends.” Son
fils revint et dit : Il Père, un de nos compatriotes gît, étranglé, sur la
place du marché. ” Alors, Tobie se leva aussitôt de table et l’apporta dans sa
chambre en attendant le coucher du soleil. De retour, il fit ses ablutions et
mangea son pain dans les larmes. Il pensait à la prophétie d’Amos qui avait
dit : Vos fêtes se changeront en tristesses et toutes vos joies en
gémissements. Après le coucher du soleil, il se leva, creusa une tombe et y
déposa le cadavre. Les voisins en riaient et disaient : “ Il ne craint plus
d’être mis à mort pour ce travail ; une fois déjà., il a dû décamper et
voici qu’il enterre encore les morts. ” Cette même nuit, après l’enterrement,
il voulut se reposer et s’étendit pour dormir au pied de la muraille. Son
visage était à découvert ; il ne savait pas qu’il y avait des oiseaux sur
le mur. Tandis qu’il avait les yeux encore ouverts, les oiseaux y laissèrent
tomber de la fiente chaude. Il se forma des taches blanches sur ses yeux. Il
alla consulter des médecins, mais ils ne purent pas le guérir. Achiacharus
pourvut à son entretien jusqu’à ce qu’il se rendît dans le pays d’Élymas. Sa
femme Anne faisait maintenant des travaux de son sexe et les envoyait aux
personnes de haute condition ; celles-ci lui en payaient le prix et lui
donnèrent même par-dessus le marché un chevreau. Lorsque l’animal fut arrivé à
la maison, Tobie l’entendit bêler. Il dit alors à sa femme : “ D’où vient
ce chevreau ? Il n’a pourtant pas été volé ? Rends-le à ses
maîtres ; car il nous est impossible de manger quelque chose qui ait été
volé. ” Mais elle lui répondit : “ Il m’a été donné en sus du prix de mon
travail. ” Il ne voulut pas la croire et lui ordonna de le rendre à ses
propriétaires ; il se fâcha même contre elle. Alors, elle prit la parole
et lui dit : “ Où sont maintenant tes aumônes et tes œuvres de
justice ? On s’en prend maintenant à toi à tout propos ! ”
Mardi (Tobie, IV) : Ce
jour-là., Tobie pensait à l’argent qu’il avait remis à Gabélus, de Ragès, en
Médie. Il se disait en lui-même : “ J’ai demandé la mort ; pourquoi
n’appellerais-je pas mon fils Tobie pour lui parler de cette question avant de
mourir ? ” Il le fit donc venir et lui dit : “ Mon enfant, quand je
serai mort, tu mettras mon corps en terre et tu ne laisseras pas ta mère de côté ;
honore-la tous les jours de ta vie ; fais tout pour lui plaire et ne la
contriste pas. Pense chaque jour au Seigneur, notre Dieu ; garde-toi de
pécher et de mépriser ses commandements. Pratique la justice tous les jours de
ta vie et ne marche pas dans la voie du mal. Car, si tu te tiens dans la
vérité, tu seras heureux dans toutes tes entreprises. Fais l’aumône, selon tes
moyens, à tous ceux qui se conduisent bien ; que ton œil ignore l’envie
quand tu feras l’aumône. Ne détourne ton visage d’aucun pauvre et alors le visage
de Dieu ne se détournera certainement pas de toi. Si tu as du bien en
abondance, prélève des aumônes sur ton avoir ; si tu as peu, ne crains pas
de faire l’aumône en proportion de ce peu, car l’aumône est, pour le donateur,
un don excellent aux yeux de Dieu. Garde-toi, mon enfant, de toute
impureté ! Que le salaire de tout travail humain ne passe pas la nuit chez
toi ; règle-le, au contraire, de suite. Si tu sers Dieu de la sorte, tu en
seras récompensé. Mon enfant, surveille-toi dans toutes tes entreprises et,
dans toute ta conduite, sois bien élevé. Ce qui t’est odieux, ne le fais à
personne. Ne bois pas de vin jusqu’à t’enivrer ; que l’ivresse ne
t’accompagne pas sur ton chemin. Maintenant je t’avertis que j’ai donné dix
talents d’argent à Gabélus, fils de Gabrias, de Ragès, en Médie. Ne crains pas,
mon fils, sous prétexte que nous sommes devenus pauvres comme des gueux. Tu as
une grande fortune si tu crains Dieu, si tu te tiens éloigné de tout péché et
si tu fais ce qui lui est agréable. ”
Mercredi (Tobie, VI-IX) :
Le jeune Tobie se mit en quête d’un compagnon de voyage et trouva l’ange
Raphaël qui l’accompagna pendant son trajet. Au cours de leur voyage, ils
arrivèrent, un soir, au bord du Tigre et résolurent de passer la nuit là. Mais,
le jeune homme étant descendu dans l’eau pour s’y baigner, un poisson s’élança
du fleuve, cherchant à le dévorer. L’ange cria à Tobie :
“ Saisis-le ! ” Le jeune homme s’empara donc du poisson et le
jeta sur le rivage. Puis l’ange lui dit : “ Ouvre le poisson ;
prends-en le cœur, le foie et le fiel, et conserve les soigneusement. ” Le
jeune homme obéit aux paroles de l’ange. Quant au poisson, ils le firent rôtir
et le mangèrent. Puis ils continuèrent tous deux leur route. Lorsqu’ils furent
arrivés à proximité de Ragès, l’ange dit au jeune homme : “ Frère,
nous passerons cette nuit chez Raguel, c’est un de tes parents et il possède
une fille du nom de Sara. Je veux lui parler à son sujet afin qu’il te la donne
pour épouse. ” Alors le jeune homme dit à l’ange : “ J’ai entendu
dire que la jeune fille a eu sept époux et qu’ils sont tous morts dans la
chambre nuptiale. Étant le fils unique de mon père, je crains, si j’y entre à
mon tour, de mourir comme les autres, car elle est possédée d’un mauvais
esprit. ” Mais l’ange lui dit : “ Écoute-moi bien, frère !
Elle doit devenir ta femme. Ne t’inquiète pas du mauvais esprit, car, cette
nuit, elle doit t’être donnée comme épouse. Lorsque tu te seras approché
d’elle, levez-vous tous deux et faites appel à la miséricorde de Dieu ; il
vous sauvera et aura pitié de vous. Ne crains rien ! Car elle t’est
destinée de toute éternité et tu seras son libérateur.”
Ils arrivèrent donc à la maison de Raguel. L’ange Raphaël
demanda Sara pour le jeune Tobie et elle lui fut donnée comme épouse. Lorsqu’ils
furent dans leur chambre, ils supplièrent Dieu d’avoir pitié d’eux. Le mauvais
esprit s’enfuit et ils passèrent la nuit sans être inquiétés. Raguel se réjouit
de les trouver, le matin, tous deux sains et saufs et rendit gloire à
Dieu. Alors il organisa des fêtes nuptiales qui durèrent quatorze jours. Sur la
prière du jeune Tobie, Raphaël se rendit à Ragès et rapporta l’argent.
Jeudi (Tobie, XI) :
Après cela, Tobie se remit en route. Il rendit grâces à Dieu parce qu’il avait
béni son voyage ; il rendit grâces aussi à Raguel et à sa femme. Puis il
s’éloigna jusqu’à ce qu’il fut arrivé près de Ninive. Alors Raphaël dit à
Tobie : “ Ne sais-tu pas, mon frère, en quel état tu as laissé ton
père ? Prenons les devants sur ta femme et allons préparer la maison !
Mais prends avec toi le fiel du poisson ! ” Ils se mirent en route et
le chien courait derrière eux. Pendant ce temps, Anne était assise à regarder
la route, cherchant à apercevoir son fils. Lorsqu’elle le vit de loin qui
arrivait, elle cria à son père : “ Voici mon fils qui arrive avec son
compagnon de route. ” Mais Raphaël dit : “ Je sais que ton père doit
recouvrer la vue. Frotte-lui les yeux avec le fiel ; il sentira une
cuisson et se frottera les yeux. Alors les taches blanches disparaîtront et il
te verra. ” Mais Anne courut au-devant d’eux, se jeta au cou de son fils
et dit : “ Mon enfant, maintenant — que je t’ai vu, je puis mourir. ” Et
ils pleurèrent tous les deux. Tobie était sorti lui aussi sur la porte
et chancelait ; mais son fils se hâta de lui tendre la main, puis frotta
les yeux de son père avec le fiel en disant : “ Courage, mon
père ! ” Comme ses yeux étaient cuisants, il les frotta. Alors les
taches blanches se détachèrent de ses yeux comme des écailles : il vit son
fils, se jeta à son cou et dit : “ Sois béni, mon Dieu, et béni soit ton
nom dans l’éternité ! Bénis soient tous tes saints anges ! Car, si tu
m’as châtié, tu as eu aussi pitié de moi. Voici que je vois mon fils Tobie. ”
Alors son fils entra tout joyeux dans la maison et raconta à son père les
grands événements qui lui étaient arrivés chez les Mèdes. Rempli de joie et
louant Dieu, Tobie sortit de sa maison et se rendit à la porte de Ninive
au-devant de sa belle-fille. Ceux qui le voyaient étaient dans l’admiration de
ce que la vue lui fut rendue. Mais Tobie confessait devant eux que Dieu avait
eu pitié de lui. Alors il arriva près de sa belle-fille Sara et lui souhaita la
bienvenue en disant : “ Sois la bienvenue, ma fille ! Béni soit Dieu
qui t’a amenée près de nous, ainsi que ton
Père et ta mère. ” Il y eut alors une grande joie chez
tous ses frères à Ninive. Puis parurent aussi Achiacharus et son neveu Nabath,
et le mariage de Tobie fut Joyeusement fêté pendant sept jours.
Vendredi (Tobie,
XII) : Ensuite Tobie appela son fils et lui dit : “ Mon fils, songe
au salaire de ton compagnon de voyage ! Il faut y ajouter une récompense.
” Il répondit : “ Père, je ne verrais pas d’inconvénient à lui donner la
moitié de ce que j’ai rapporté ; car il m’a ramené sain et sauf près de
toi ; il m’a trouvé une épouse, est allé chercher mon argent et t’a aussi
guéri. ” A quoi le vieux Tobie répondit : “ Cela lui est dû en toute
justice. ” Il appela donc l’ange et lui dit : “ Accepte la moitié de ce
que vous avez rapporté et que ta route soit bénie ! ” Alors l’ange les
prit tous deux à part et leur dit : “ Glorifiez Dieu et
remerciez-le ! Rendez-lui grâces et remerciez-le devant tous les vivants
pour tout ce qu’il a fait en votre faveur. Il convient de glorifier Dieu et
d’honorer son nom en racontant et en exaltant l’histoire de ses œuvres.
N’hésitez pas à le confesser ! Il est bon de tenir caché le secret du roi,
mais aussi de raconter et d’exalter les œuvres de Dieu. Faites le bien, et le
mal ne vous atteindra pas. La prière est bonne avec le jeûne, ainsi que
l’aumône et la justice. La pauvreté avec la justice est préférable à
l’abondance avec l’iniquité. Il vaut mieux faire l’aumône que d’entasser
l’or ; car l’aumône délivre de la mort et efface les péchés. Ceux qui font
l’aumône et pratiquent la justice auront une vie pleine de jours ; mais
les pécheurs sont les ennemis de leur propre vie. Je veux vous parler
ouvertement. Lorsque tu priais, toi et ta belle-fille Sara, je portais le
souvenir de votre prière devant le Dieu saint ; et lorsque tu
ensevelissais les morts, je me tenais aussi à tes côtés. Lorsque tu te levais
sans attendre, laissant là ton repas pour aller enterrer les morts, ta bonne
action ne m’échappait pas, mais j’étais près de toi. Maintenant Dieu m’a envoyé
pour vous guérir, toi et ta belle-fille Sara. Je suis Raphaël, l’un des sept
saints anges qui présentent les prières des saints et ont accès devant la
majesté du Dieu saint. ” Alors ils furent saisis d’effroi et tombèrent,
tremblants, la face contre terre. Mais il leur dit : “ Ne craignez pas, la
paix soit avec vous ! ” Lorsqu’ils se relevèrent, ils ne le virent plus.
Alors ils glorifièrent les grandes et admirables actions par lesquelles l’ange
du Seigneur s’était manifesté à eux.
Samedi (Tobie, XIII) :
Mais Tobie composa un cantique de louange et dit :
Gloire à Dieu qui vit dans l’éternité,
et gloire à son règne !
Car il châtie et il fait miséricorde ;
il conduit au royaume des morts et il en
ramène ;
et aucun vivant n’échappe à sa main.
Confessez-le devant les païens, enfants
d’Israël ;
car c’est lui qui nous a dispersés parmi eux.
Rapportez tout à sa magnificence ;
oui, glorifiez-le bien haut devant tout être
vivant ;
car il est notre Seigneur ; Dieu lui-même
est notre Père dans toute l’éternité.
Il nous châtie à cause de nos crimes ;
mais il aura de nouveau pitié de nous et nous
rassemblera de tous les pays païens,
où vous continuez à vivre dispersés.
Revenez à lui de tout votre cœur, de toute
votre âme ;
aspirez à la vérité devant sa face ;
alors il se tournera vers vous et ne vous
cachera pas sa face.
Ce qu’il fait pour vous, reconnaissez-le à
haute voix.
Glorifiez le juste Maître et exaltez le Roi
éternel.
Je le confesserai sur la terre de captivité,
et j’attesterai sa puissance et sa grandeur
devant le peuple des pécheurs.