Le Livre de Judith
Samedi soir : Pendant
cette semaine, l’Église nous fait lire le beau livre de Judith ; Judith,
la chaste veuve et la femme forte, est celle qui a délivré le peuple de
l’attaque des Assyriens ; elle a coupé la tête au général ennemi,
Holopherne ; elle est la figure de la Vierge Marie qui, par son immaculée
conception, a écrasé la tête du serpent ; elle est aussi la figure de
l’Église qui, chaste et pure, triomphe de tous ses ennemis. — Que l’Église voit
dans Judith la figure de Marie et de l’Église, c’est ce qui apparaît dans
l’antienne du samedi à Magnificat : “ Adonai, Seigneur, Dieu puissant et
admirable, toi qui as placé le salut dans la main d’une femme, exauce les
prières de tes serviteurs. ”
Dimanche (Judith, I-III) :
Arphaxad, roi des Mèdes, avait soumis nombre de peuples à sa domination et se
glorifiait de sa puissance et de sa splendeur. Nabuchodonosor, roi des
Assyriens, voulut entrer en campagne contre lui et appela aux armes les
peuplades habitant à l’ouest et au sud de son royaume. Mais celles-ci
refusèrent d’entendre son appel et renvoyèrent ses messagers sans que ceux-ci
aient rien obtenu. Brûlant de colère, Nabuchodonosor jura de se venger. Après
avoir vaincu et tué Arphaxad, il envoya son général, Holopherne, exécuter la
campagne de vengeance. Celui-ci conquit et dévasta les territoires de tous les
peuples qui avaient ignominieusement évincé les ambassadeurs de Nabuchodonosor
et se dirigea aussi sur le royaume de Juda. Les Juifs avaient déjà entendu
parler des conquêtes et des cruautés du puissant général ; ils furent
saisis d’une frayeur indescriptible. Ils se hâtèrent de fortifier leurs villes,
d’occuper les hauteurs et de faire appel, par un jeûne général, à la protection
et à l’aide du Seigneur.
Lundi (Judith,
IV) : Les enfants d’Israël se conformèrent aux ordres du Grand-Prêtre et
du Grand Conseil qui siégeait à Jérusalem. Tous les hommes d’Israël invoquèrent
Dieu avec grande insistance et humilièrent leurs cœurs avec grande
ardeur ; eux ainsi que leurs femmes et leurs enfants, tous les ouvriers ou
tâcherons et tous les esclaves, tous revêtirent des habits de pénitence. Tous
les hommes d’Israël, avec femmes et enfants, qui habitaient à Jérusalem se
prosternèrent devant le Temple, se couvrirent la tête de cendre et étendirent
leurs vêtements de pénitence devant le Seigneur ; ils entourèrent aussi
l’autel d’un vêtement de tristesse et conjurèrent tous avec de grands cris
d’instance le Dieu d’Israël de ne pas permettre que leurs enfants devinssent
une proie et leurs femmes un butin, de ne pas livrer, à la grande joie de
l’ennemi, les villes de leur patrie à la destruction et le sanctuaire à la profanation
et au sacrilège. Le Seigneur entendit leur appel et abaissa les yeux sur leur
détresse. Pendant plusieurs jours, le peuple jeûna dans toute la Judée et à
Jérusalem devant le sanctuaire du Seigneur toutpuissant. Mais Joachim, le
grand-prêtre, et tous les autres prêtres qui se tenaient en présence du
Seigneur et le servaient, offraient chaque jour, en vêtements de pénitence, le
sacrifice d’holocauste, des vœux et des présents spontanés au nom du peuple. La
cendre é ait répandue sur leurs bandelettes et ils criaient de toute leur force
au Seigneur de jeter un regard favorable sur toute la maison d’Israël.
Mardi (Judith,
VII) : Holopherne établit son camp devant la hauteur fortifiée de
Béthulie. Alors le princes des enfants d’Ésaü et tous les chefs du peuple de
Moab et tous les chefs du pays côtier arrivèrent et dirent : “ Seigneur,
daigne écouter un conseil afin que ton armée ne subisse aucune perte ! Ce
peuple des enfants d’Israël n’a aucune confiance dans ses lances ; mais il
met cette confiance dans les hauteurs sur lesquelles il habite. Il ne sera pas
facile d’escalader leurs sommets. Seigneur, n’engage pas la lutte avec eux
aujourd’hui comme autrefois, si tu ne veux voir tomber aucun homme de ton
peuple. Demeure dans ton camp et maintiens-y toutes tes forces ! Il suffit
que tes serviteurs occupent les sources qui jaillissent au pied de la montagne,
car c’est là que tous les habitants de Béthulie viennent s’approvisionner
d’eau. Quand ils seront décimés par la soif, ils livreront leur ville. Nous
allons occuper avec notre peuple toutes les hauteurs voisines et y établir une
garde afin que personne ne puisse sortir de la ville. Alors ils seront consumés
par la faim, eux, leurs femmes et leurs enfants ; avant même que l’épée
les ait touchés, ils seront étendus sur les places de la ville. Ainsi tu leur
rendras mal pour mal pour les payer de leur soulèvement, puisqu’ils ne t’ont
pas reçu en ami. ” La proposition plut à Holopherne et à tous ses
subordonnés ; aussi prit-il ses dispositions pour agir selon leurs
paroles. Un détachement des fils d’Ammon et avec eux cinq mille des fils
d’Assur se mirent en route. Ils campèrent dans la vallée et occupèrent les
puits et les sources des enfants d’Israël. Alors tous les habitants de Béthulie
virent leurs provisions d’eau s’épuiser. Les citernes se vidèrent aussi tour à
tour et l’on n’avait plus assez d’eau, même pour un seul jour, car on ne leur
distribuait l’eau que par mesure.
Mercredi (Judith, VIII) :
Cet état de choses parvint alors aux oreilles de Judith. C’était une veuve,
belle de figure et d’aspect florissant. Son mari, Manassès, lui avait laissé de
l’or et de l’argent, des domestiques et des servantes, des troupeaux et des
champs. Il n’y avait personne qui lui eût adressé une méchante parole, car elle
craignait beaucoup Dieu. Elle avait donc appris que le peuple lançait des
mauvaises paroles contre son chef parce que tout le monde manquait d’eau et, de
ce fait, cédait au découragement. Judith avait eu aussi connaissance des
paroles qu’Ozias leur avait adressées, en jurant de livrer dans cinq jours la
ville aux Assyriens. Elle envoya alors son esclave favorite, celle qui veillait
sur tout son avoir, convoquer chez elle tous les anciens de la ville.
Lorsqu’ils furent venus, elle leur dit : “ Écoutez-moi, vous qui êtes les
chefs des habitants de Béthulie. Il n’est pas bien de parler comme vous l’avez
fait aujourd’hui devant le peuple ; il n’est pas bien non plus d’avoir
fait un serment entre Dieu et vous pour vous engager à livrer la ville à nos
ennemis, si, dans le délai fixé, le Seigneur ne vient pas à notre secours. Car
qui êtes-vous pour mettre Dieu à l’épreuve aujourd’hui et pour vous placer
au-dessus de Dieu devant les enfants des hommes ? Vous mettez en ce moment
le Tout-Puissant à l’épreuve et pourtant vos souffrances ne seront pas
éternelles ; car, s’il ne lui plaît pas de venir à notre secours d’ici à
cinq jours, il n’en a pas moins la puissance de nous sauver, s’il le veut, dans
le même délai, ou de nous perdre à la face de nos ennemis. ”
Jeudi (Judith, X) :
Lorsque Judith eut fini de prier le Dieu d’Israël, elle appela sa servante,
retira le cilice qu’elle portait et quitta ses vêtement de veuve. Puis elle
prit un bain, s’oignit d’huile de myrrhe, disposa sa chevelure et coiffa un turban.
Ensuite elle revêtit ses vêtements de fête, mit des sandales à ses pieds et se
para d’un collier, de bracelets, de bagues, de pendants d’oreilles et de toute
espèce d’ornements ; elle se fit très belle pour charmer les regards des
hommes qui la verraient. Elle remit à sa servante une outre de vin et une
cruche d’huile, puis emplit un sac de farine de froment, de gâteaux, de figues
et de pain blanc ; enfin elle enveloppa le tout et le chargea sur les
épaules de sa servante. Alors elles se dirigèrent vers la porte de Béthulie.
L’ayant franchie, elles continuèrent leur chemin jusqu’au moment où elles
arrivèrent dans le camp des Assyriens. Tous les confidents d’Holopherne et tous
ses serviteurs sortirent et la conduisirent à la tente. Holopherne se reposait
sur son lit, derrière un rideau de pourpre paré d’or, d’émeraudes et de tout un
assortiment de pierres précieuses. Lorsqu’on lui eut annoncé Judith, il sortit
sur le pas de la tente où l’on apporta des lampes d’argent. Quand Judith parut
devant lui et devant ses serviteurs, tous furent frappés de la beauté de son
visage. Elle se prosterna pour témoigner son respect ; mais les serviteurs
la relevèrent.
Vendredi (Judith,
XII-XIII) : Il arriva que, le quatrième jour, Holopherne donnait un festin
à ses serviteurs ; il n’avait invité aucun de ses officiers. Alors il dit
à Bagoas, le valet attaché à son service particulier : Il Va et persuade à
cette Juive qui est chez toi de venir manger et boire avec nous. ” Judith entra
donc et prit place. Holopherne éprouva un grand plaisir à cause d’elle et but
du vin plus qu’il n’en avait jamais bu de sa vie. Comme il se faisait tard, les
serviteurs se hâtèrent d’aller prendre leur repos. Judith était demeurée seule
dans la tente, tandis qu’Holopherne était étendu sur son lit, car le vin
l’avait plongé dans la torpeur. Alors elle s’approcha de la colonne qui était à
la tête d’Holopherne et s’empara de son sabre ; puis, se rapprochant du
lit, elle saisit le général par les cheveux et dit : “ Dieu d’Israël, sois
ma force en ce jour ! ” Elle frappa alors vigoureusement deux coups sur la
nuque et sépara la tête du tronc. Étant sortie rapidement, elle donna la tête à
sa servante, qui la plaça dans le sac avec les provisions de bouche. Puis elles
s’en allèrent comme d’habitude, gravirent les pentes de Béthulie et se
présentèrent devant la porte. De loin Judith cria aux gardiens de la
porte : “ Vite, vite, ouvrez la porte ; Dieu est avec nous, notre
Dieu, pour ressusciter la force en Israël, la force contre nos ennemis, comme
il l’a fait aujourd’hui. ” Tous accoururent, grands et petits ; car son
retour ressemblait pour eux à un prodige. Ils ouvrirent la porte et la firent
entrer. On alluma du feu pour s’éclairer et on l’entoura. Mais elle leur cria
d’une voix forte : “ Louez Dieu, louez-le ! Louez Dieu qui n’a pas
détourné sa miséricorde de la maison d’Israël, mais qui a anéanti, cette nuit,
nos ennemis par ma main ! ” Alors elle tira la tête du sac et la leur
montra en disant : “ C’est par la main d’une femme que Dieu l’a frappé. Aussi
vrai que le Seigneur est vivant, il m’a protégée dans la voie que j’ai
suivie : Ma vue l’a séduit pour sa perte ; cependant il ne m’a fait
commettre aucun péché qui serait pour moi une souillure et une honte. ” La joie
mettait le peuple hors de lui-même ; courbant la tête, ils adorèrent Dieu.
Mais Ozias lui dit : “ Sois bénie, ma fille, par le Dieu très-haut,
au-dessus de toutes les femmes de la terre ! Béni soit le Seigneur Dieu,
créateur du ciel et de la terre, qui t’a conduite pour trancher la tête du chef
de nos ennemis ! Car l’espoir qui repose en toi demeurera éternellement
dans le cœur des hommes et ils se souviendront de la puissance de Dieu. ”
Samedi (Judith, XIV-XVI) :
Lorsque le jour parut, ils suspendirent la tête d’Holopherne aux murailles.
Tous les hommes d’Israël prirent leurs armes et sortirent en foule sur les
sentiers de la montagne. A leur vue, les fils d’Assur envoyèrent chercher leur
général. Arrivés à la tente d’Holopherne, ils dirent à celui qui était préposé
à son service : “ Réveille donc notre chef ! ” Alors,
celui-ci, étant entré, le trouva gisant sur son lit, mort et la tête tranchée.
Lorsque la nouvelle fut connue dans les tentes, ils furent épouvantés devant
cet événement. La terreur et l’effroi s’emparèrent d’eux ; aucun homme ne
resta avec son compagnon, mais ils se précipitèrent tous dans la fuite sur les
chemins de la plaine et de la montagne. Mais tous les Israélites se lancèrent à
leur poursuite, y compris tous les hommes de guerre, et leur infligèrent une
lourde défaite jusqu’à ce qu’ils les aient repoussés jusqu’à Damas et à son
territoire. Alors vinrent aussi le grand-prêtre Joachim et le Conseil des fils
d’Israël qui habitaient à Jérusalem, pour admirer les merveilles que le
Seigneur avait accomplies en faveur des Israélites et pour voir Judith et lui
adresser d’aimables paroles. Lorsqu’elle se présenta au milieu d’eux, ils la
bénirent tous d’une seule voix et lui dirent : “ Tu es la gloire de
Jérusalem, tu es la joie d’Israël, tu es l’honneur de notre race ! ” Alors
Judith entonna un cantique de louanges auquel s’unit tout le peuple.
C’est un cantique nouveau que je veux chanter devant mon
Dieu :
Seigneur, tu es grand et glorieux, merveilleux
de puissance, invincible !
Que la création entière te soit soumise ;
car tu as dit : Sois ! et elle fut.
Tu as envoyé ton Esprit, il l’a édifiée ;
et personne ne peut résister à ta voix.
Car, devant toi, montagnes et mers sont
ébranlées dans leurs fondements,
et les rochers fondent comme la cire devant ta
face ;
mais, à ceux qui te craignent tu seras propice.
Toute victime odorante est encore trop peu de
chose,
et toute la graisse des holocaustes est devant
toi d’un faible prix ;
mais quiconque craint le Seigneur est toujours
grand.
Malheur aux peuples qui s’élèvent contre ma
race !
Le Seigneur tout-puissant les punira au jour du
jugement.
Il enverra les vers et le feu dans leur
chair ;
quand ils connaîtront ce supplice, ils
pousseront d’éternels hurlements !