LE CYCLE PASCAL

Nous entrons dans le second cycle de fêtes et de temps liturgiques, dans le cycle pascal. Le cycle obscur de Noël peut se caractériser brièvement par ces mots du prologue de saint Jean : “ La lumière brille dans les ténèbres ” (Jean 1, 5). Quant au cycle lumineux de Pâques, on peut le résumer dans ces autres paroles du prologue : “ Les ténèbres ne l’ont pas connue ”. bien plus elles l’ont combattue avec haine, “ mais à ceux qui l’ont connue, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu “. Le Christ a fondé le royaume de lumière : tel est le résultat du cycle de Noël. Ce ne fut pas sans lutte dramatique que la lumière réussit à percer la nuit de l’Avent pour rayonner ensuite dans une clarté toujours grandissante : chant de Noël, — éclat de l’Épiphanie — Chandeleur (messe des lumières). Le cycle s’est donc achevé dans ce seul mot : lumière (en grec -phôs).
     
Le cycle pascal a un caractère tragique beaucoup plus puissant : les ténèbres entreprennent la lutte contre la lumière et la contraignent provisoirement à un crépuscule sanglant, (Semaine Sainte), mais ensuite le soleil se lève brillant et victorieux et atteint son zénith (Pentecôte). Il ne doit plus descendre, mais il se transforme et devient le soleil éternel de la gloire (Parousie).
     
Nous pouvons encore caractériser le cycle pascal d’une autre manière. A Noël, c’est surtout comme lumière que le Christ nous est apparu (Épiphanie = apparition) ; il se manifeste maintenant comme vie dans l’Église et dans l’âme. Il est la “ Vie ” et il nous remplit de vie divine dans le baptême et l’Eucharistie. Et le prix dont il a payé ce don inestimable est sa mort. Ainsi donc la vie par sa mort, tel est le sens profond de la seconde partie de l’année liturgique, du cycle pascal. L’antique signe du Christ (phos-zoè, lumière-vie) exprime brièvement les deux cycles festivaux de l’année liturgique. Les deux cycles sont ordonnés l’un à l’autre, le second sort du premier. Il fallait d’abord que la lumière luise pour produire ensuite la vie par sa chaleur. Par ailleurs, les deux cycles ont chacun leur caractère indépendant. Dans l’un comme dans l’autre, on part du commencement. Dans le Carême comme dans l’Avent, nous nous plaçons dans l’état de non rachetés, comme si nous n’étions pas baptisés, comme si nous n’avions pas encore la grâce. C’est précisément là le caractère dramatique du mystère sacré de la liturgie, qui contient une seule et même réalité : la vie divine, la vie en abondance.
      
Il y a deux grands bienfaits que nous devons à Notre-Seigneur. Le premier est son Incarnation qui fut l’objet du premier cycle de fêtes. Mais ce bienfait ne fut que la condition préalable du second bienfait, plus grand, que nous offre le cycle pascal : la Rédemption. Le Christ veut nous racheter de nos péchés. Nous devons donc avoir conscience que nous sommes de pauvres pécheurs. C’est le but du carême.
     
Le Christ veut nous racheter par sa Passion, sa Croix et sa Résurrection ; nous fêtons cette Rédemption pendant la Semaine Sainte et à Pâques. Il veut nous faire enfants de Dieu et nous envoyer le Saint-Esprit ; c’est le but de tout le temps pascal et de la Pentecôte. Nous entrons donc dans un temps d’une importance capitale pour l’Église et pour le salut de nos âmes. Aussi comprendrons-nous que l’Église nous y prépare avec soin et nous y conduise par une longue purification avant de nous juger mûrs pour la célébration digne de la fête des fêtes, la grande fête des Chrétiens, Pâques.
     
Nous n’avons, au cours de l’année liturgique, que deux temps de préparation, l’Avent et le Carême. Ces deux temps sont très différents l’un de l’autre. Tout d’abord, le dernier est près de trois fois plus long que le premier, conformément à l’importance plus grande de la fête de Pâques. Ensuite, l’Avent est un temps de joyeuse attente, tandis que le Carême respire la pénitence austère. Dans l’Avent, on voit progresser la joie et l’attente ; dans le Carême, la tristesse et la pénitence s’accroissent sans cesse. L’Avent fait davantage appel au sentiment ; le Carême fait surtout appel à la volonté des chrétiens.

Avec un vrai sens pédagogique, l’Église répartit cette préparation à Pâques en trois étapes : l’avant-Carême, le Carême et le temps de la Passion. L’avant-Carême a simplement pour but de nous introduire dans le temps de pénitence ; c’est en même temps une transition entre le temps qui suit l’Épiphanie, dont le caractère est plutôt joyeux, et la sainte quarantaine. Le temps de Carême est un temps d’austère pénitence où nous devons rentrer en nous-mêmes. Le temps de la Passion est particulièrement consacré au souvenir des souffrances du Christ.