L’AVANT-CARÊME

L’Église a disposé un vestibule avant le temps de Carême, pour nous permettre de passer de la joie du temps de Noël à l’austérité de la sainte quarantaine. C’est l’avant-Carême. Ce temps est constitué, à proprement parler, par trois dimanches qu’on appelle : la Septuagésime, la Sexagésime et la Quinquagésime, c’est-à-dire le soixante-dixième, le soixantième et le cinquantième jour avant Pâques. A la vérité, en comptant bien, le nombre n’est pas exact, mais comme le premier dimanche de Carême s’appelle Quadragésime (le quarantième), on a nommé les trois dimanches précédents en arrondissant les chiffres.
     
Quand nous examinons la liturgie de ces trois dimanches, nous découvrons un ensemble d’une belle architecture. Nous trouvons, déjà, dans les stations qu’indique le missel (Saint Laurent, Saint Paul et Saint Pierre, dans l’ordre ascendant), la preuve de l’importance que l’Église attribue à ces dimanches. De même, dans la prière des Heures, l’abondance des textes propres nous indique le rôle de premier plan de ces dimanches.
     
Ces trois dimanches constituent, en quelque sorte, le prélude du cycle pascal ; c’est un prélude à un double titre.
     
1. Tout d’abord l’Église nous représente, dans le miroir de l’Ancien Testament, ce que nous devons attendre dans le temps qui vient. Trois hommes, trois Patriarches des premiers temps de l’humanité, se tiennent devant nous : Adam, Noé, Abraham. Chacun des trois dimanches, la liturgie nous montre l’un de ces trois Patriarches. Et alors, nous nous rendons compte qu’ils sont les précurseurs des “ biens futurs “. Adam est sans doute l’auteur du péché, mais il est aussi l’image du second chef de l’humanité, du Christ. Noé, sauvé du déluge, est le symbole de l’humanité rachetée dans les eaux du baptême et dans l’Église. Le sacrifice d’Abraham nous fait pressentir le sacrifice de Jésus-Christ. Quel magnifique triptyque nous offre l’Église ! Le Christ est le véritable Adam, le véritable Noé, le véritable Abraham.
      
2. Mais les trois Évangiles de ces dimanches nous montrent également, dans une large perspective, le temps qui s’approche : l’invitation, la tâche, le but. Le premier dimanche, nous recevons de Dieu l’invitation d’entrer dans la vigne du royaume des cieux. Il nous faut, en effet, reprendre notre. œuvre par le commencement. Le second dimanche, l’Église nous indique ce que Dieu veut faire. L’Église et l’âme sont un champ immense. Le divin semeur veut maintenant y jeter sa semence et récolter des fruits en abondance. Et quel est le but de ce travail ? L’illumination dans le baptême, l’illumination à Pâques et la glorification dans le ciel. Ainsi, ces trois péricopes forment un tout harmonieux. Sans doute, elles sont destinées d’abord aux catéchumènes ; mais elles veulent aussi donner aux fidèles un programme pour le temps du renouveau qui approche.
     
La liturgie de l’avant-Carême, avec la belle ordonnance des textes du missel, est sûrement du temps de saint Grégoire-le-Grand qui en est probablement lui-même l’auteur. Leur contenu reflète les inquiétudes de ce temps troublé par les guerres et les invasions.