LA SEMAINE DE LA SEPTUAGÉSIME

1. Deux groupes de pensées occupent toute la semaine : la parabole de la vigne et la personne d’Adam. Ce n’est pas seulement dans la journée du dimanche, mais encore durant la semaine, que l’Église nous invite à méditer la parabole de là vigne. La vénérable figure d’Adam nous accompagne dans la lecture de l’Écriture, à travers la semaine.

2. Propagande. — Les enfants du siècle ne craignent ni les dépenses ni les peines pour faire de la propagande en faveur de leurs intérêts ou de leurs affaires. Le chef de la publicité, dans une grande maison d’affaires, est aujourd’hui l’une des personnalités les plus importantes de l’entreprise. Il doit travailler jour et nuit pour trouver de nouvelles méthodes, de nouveaux moyens de réclame, de nouveaux modèles, des débouchés convenables malgré la crise. Avec quelle fiévreuse activité les bolchevistes font de la propagande pour leurs idées ! Ils ne se laissent pas décourager par les échecs. Sans cesse, et sans relâche, ils travaillent à “ faire le bonheur du monde “. En considérant ces diverses propagandes, le Sauveur pourrait dire : Les enfants du siècle sont plus prudents, dans leurs intérêts, que les enfants de lumière. 

Or le bon Dieu, au cours de trois dimanches, fait, lui aussi, de la propagande pour son royaume et sa doctrine. Les dimanches de la Septuagésime, de la Sexagésime et de la Quinquagésime sont des dimanches d’enrôlement pour le royaume de Dieu. C’est là leur tâche principale. 

Les dirigeants de l’Église devraient consacrer entièrement ces deux semaines et demie à l’œuvre des missions intérieures et extérieures. Les directeurs d’œuvres des diocèses et des paroisses devraient se concerter sur la meilleure manière d’atteindre le cœur des hommes. Faut-il employer les méthodes du monde, les affiches, les réclames lumineuses, etc. ? C’est à la prudence de ces directeurs d’en décider. La méthode variera naturellement d’après les circonstances et les pays. Mon intention n’est pas de prôner l’emploi des méthodes américaines dans le ministère des âmes. Mais il est bien certain que la volonté du Christ est que nous employions tous les moyens humainement utilisables pour répandre sa doctrine dans le monde. Nous devons faire connaître le christianisme aux hommes, à tous les hommes, sur la terre entière. Ce travail doit être accompli jusqu’à la fin du monde. C’est là une tâche dont le Christ ne nous dispense pas. “ Allez, enseignez toutes les nations... apprenez-leur à garder tout ce que je vous ai ordonné. “ Dans cet ordre de mission, sont certainement inclus tous les moyens psychologiques et éducatifs que nous devons employer pour porter aux hommes les enseignements du Sauveur. Cela ne veut pas dire que, dans la réalité, l’humanité acceptera le christianisme et deviendra tout entière chrétienne. Cela dépend de deux autres facteurs importants : d’abord de la grâce de Dieu et ensuite de la libre volonté de l’homme. Par nous-mêmes, nous ne pouvons convertir et rendre chrétien un seul homme. Celui-là seul vient au Christ “ que mon Père tire “. Mais notre tâche est d’inviter tous les hommes et de leur faire connaître la doctrine chrétienne. 

Sur ce point, je crois, nous avons encore beaucoup à faire. Ce travail pour le salut des âmes doit être accompli par chacun de nous, par chaque chrétien, en raison du sacerdoce général et surtout en raison de la Confirmation. Tel est principalement le sens de l’action catholique à laquelle nous convoque le Saint-Père. Nous avons le devoir de faire connaître, à tous les hommes que nous pouvons atteindre et dont chacun est notre “ prochain “, car il est proche de nous par l’espèce ou par l’esprit, la doctrine du christianisme, et de les inviter à entrer dans le royaume de Dieu. En agissant ainsi, rendons-nous toujours compte que ce n’est pas le succès de la “ conversion “ qui importe : la conversion dépend de Dieu seul. Par suite, nous ne devons pas chercher des moyens de propagande captieux, viser purement à la persuasion, voire même à la persuasion illusoire. Notre but doit être celui-ci : Que la doctrine du Christ soit connue et que la grâce de Dieu saisisse l’homme. Nous voyons déjà que notre choix des moyens de propagande sera souvent différent de celui des enfants du siècle. Par contre, notre zèle de propagande ne doit pas être moindre. C’est de ce zèle et non des moyens, que parle le Sauveur dans la parabole de l’intendant infidèle. 

Il faudrait maintenant que chacun réfléchisse et se demande comment il doit accomplir lui-même l’ordre de. mission du Christ. Chacun d’entre nous dispose de beaucoup de possibilités. Que chacun examine son rayon d’action et se dise : ici, c’est moi-même qui suis à la première place. C’est à moi que s’adresse, au jour de la Septuagésime, l’invitation du Père de famille : Pourquoi te tiens-tu oisif tout le jour ? Va, toi aussi, à ma vigne. Charité bien ordonnée commence par soi-même. C’est tout d’abord pour moi-même que je dois répondre à l’invitation et je dois y répondre complètement ; je dois me laisser convertir et “garder ce que le Christ a commandé “. Alors le Carême qui approche sera pour moi un temps d’instruction et de conversion. Il faut bien nous rendre compte, tout d’abord, que la propagande de Dieu agit en nous-mêmes, afin que “ après avoir prêché aux autres, nous ne soyons pas nous-mêmes réprouvés “, selon le mot de saint Paul. 

Vient ensuite le prochain. Entendons ce mot au sens littéral, “ nos proches “. Ce sont d’abord nos parents, nos amis et les gens de notre profession. Ici, il nous faut parler tout de suite des moyens de propagande. Avec nos proches, point n’est besoin de manifestations grandiloquentes ; ce qu’il faut, c’est le spectacle d’une vie vraiment chrétienne. C’est uniquement par nos actions et nos omissions, bref par notre vie chrétienne que nous pouvons prêcher. C’est la propagande la plus efficace. Soyons de bons chrétiens et nous serons les meilleurs prédicateurs et les meilleurs apôtres pour notre entourage. A la vérité, nous ne devons pas nous inquiéter si notre travail de propagande ne porte pas rapidement des fruits. Le succès dépend de Dieu et de la correspondance de nos proches à l’invitation divine. 

Nous passerons ensuite à notre entourage plus éloigné, par conséquent au prochain au sens large. Là encore nous disposons de nombreuses possibilités. Souvent c’est le hasard qui semble mettre les hommes à notre portée ; en réalité, c’est Dieu qui nous les envoie : dans le train, au cours d’une promenade, dans notre voisinage, etc. C’est aussi le cas des membres d’une même paroisse (membres au sens le plus profond, c’est-à-dire membres du Christ). Quels moyens de propagande ne possédons-nous pas ! Outre ceux qu’on a signalés, il y a deux moyens précieux que le monde ne connaît pas : l’amour et la prière. 

Comme nous pourrions gagner les hommes par l’affabilité, la politesse, la complaisance, la bonne humeur ! Quelle amabilité, quelle politesse ne doivent pas montrer les hommes d’affaires, agents et représentants, même quand les clients sont désagréables et exigeant ! Pourquoi usons-nous si peu de la véritable affabilité chrétienne ? Et les œuvres de charité chrétienne, quelle importance n’ont-elles pas de nos jours comme moyens de propagande pour la doctrine du Christ ! Cela ne veut pas dire qu’il faille faire du prosélytisme au moyen de nos aumônes. Mais le don, j’entends le don fait avec amour, est ce qui dispose le mieux l’âme à recevoir la doctrine du Christ. Je me permets de donner un conseil : chacun d’entre nous devrait avoir un pauvre, un pauvre enfant ou une pauvre famille, qu’il mettrait en confiance, qu’il visiterait, avec qui il converserait, qu’il consolerait, à qui, de temps en temps, il ferait un plaisir ou un cadeau..., Je prétends que tout le monde pourrait le faire, même les enfants, même les jeunes gens. Ce serait en même temps la meilleure manière de s’occuper des âmes. 

N’oublions pas non plus la prière. La transformation d’un homme en chrétien est uniquement affaire de la grâce, et nous faisons descendre la grâce du sein de Dieu par la prière fervente et persévérante. C’est peut-être le moyen de propagande le plus puissant... Retenons bien ceci : le dimanche de la Septuagésime est le dimanche de la propagande.